L’esquirey, outil de travail et objet de plaisir

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Petite causerie vespérale relative à un outil de travail auquel on prête différents noms plus ou moins appropriés, esquirey, pousse-avant, pousseux, haveneau, voire épuisette, et qui se métamorphosa en objet de plaisir pour les enfants.
 
Le lecteur aussi numérique qu’HTBoïate doit certainement savoir que nous désignons ici cet outil par le nom d’esquirey… et nous n’avons certainement pas tort.
Il fut un temps où les esquiras, les frêles crevettes roses, étaient abondantes dans les eaux de la Petite mer de Buch, profitant de l’abri que leur offrait les prairies de grandes zostères, aujourd’hui hélas quasiment disparues. Ces petits crustacés étaient alors, soit récoltés dans des “balais” de genêts que l’on secouaient au-dessus d’un filet à armature circulaire, soit pêchés de manière plus active, mastouns aux pieds, dans les flaques des crassats apparaissant à marée basse et en poussant devant soi un grand esquirey de plus d’un mètre de large. J’ai eu la chance (mérite de l’âge) d’avoir l’occasion de pratiquer cette pêche épuisante, mais qui, une fois l’esquirey posé au sec et alors qu’on y prélevait les crevettes tout en chassant les petits crabes verts, loches et autres animaux, permettait d’éprouver le plaisir d’ouvrir une pochette-surprise — il faudrait avoir le temps d’expliquer aux jeunes génération ce qu’est cette dernière chose, mais on n’en finirait pas.
Les versions enfantines de ces engins de pêche possédaient les mêmes caractéristiques que celles des grands, mais à une échelle réduite. Dans tous les cas, il s’agissait d’une poche en filet — l’avant accroché à un tasseau de pin tandis que l’arrière demi circulaire était enfilé sur un cerceau de bois souple ou, plus tard, d’acier — enverguée sur un manche de bois.
Chez nos voisins charentais, on parlait plus volontiers de “pousse-avant” (le filet que l’on pousse devant soi), voire de “pousseux”. Quant aux Bretons ou Manchois, ils ne connaissaient que le haveneau (havenot ou, par déformation avano, voire havenet) qui est un terme plus générique et d’origine scandinave. On remarquera que nous sommes les seuls à avoir ainsi conservé une “appellation d’origine contrôlée” issue de la langue du pays, en l’occurrence le Gascon.

Et puis, parce qu’il faut bien aborder un sujet qui fâche, certains parlent d’épuisette… Quelle erreur ! L’épuisette n’a rien de commun avec notre esquirey. Tout d’abord elle ne se présente pas sous la même forme, étant ronde ou le plus souvent ovale, et ne sera que d’un piètre concours pour attraper avec succès des crevettes — certains me parleront des crabes… mais les crabes verts s’attrapent en plongeant la main dans leur trous bordant les esteys et pas autrement (ils ne vous pinceront pas si vous les chopez fermement), ou plus commodément à l’aide d’une balance garnie au préalable de trippes de poulet glanées au marché couvert d’Andernos-les-Bains (ou d’ailleurs).

L’épuisette c’est autre chose, bien utile au pêcheur, pour remonter le poisson qu’il aura au préalable rapproché en l’épuisant, ou au marin dont la maladresse aura laissé partir dans les flots un objet qui mérite d’être récupéré (ça marche bien avec les portables mais il ne faut pas qu’ils coulent trop vite).

Cette image — qui, malgré les apparences, n’est pas due au talent de Germaine Bouret, mais d’un autre artiste — est la reproduction d’une carte postale éditée en 1939 par le Comité National des Colonies de Vacances.

Celle-ci montre comment réaliser l’armature d’un filet à crevettes en bois de saule.
Thierry PERREAUD

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