L’Avenir d’Arcachon de novembre 1925

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LA VIE ARCACHONNAISE,

IL Y A PRESQUE CENT ANS VUE PAR

« L’AVENIR D’ARCACHON » DE NOVEMBRE 1925 (*)


* LA GUERRE À ARCACHON *


Albert Chiché se lamente

+ À Arcachon, les rivalités, les jalousies, les querelles germent comme les mauvaises herbes dans nos rues. La dernière élection municipale fut un sujet de discordes non apaisées. Un abbé combatif voulut s’emparer du dernier siège vacant ; le monde officiel que la soutane épouvante se coalisa pour lui barrer le chemin. L’abbé vaincu retira sa clientèle à des fournisseurs ingrats. Ces commerçants pourvus de mandats municipaux crièrent comme chats échaudés. Et voilà la guerre allumée entre la grande institution (St-Elme NDLR) et la mairie. (Lire plus bas).

Cette élection municipale a engendré une seconde guerre. M. Bégorry avait manifesté dans un journal toulousain contre M. le Maire. Celui-ci, trop susceptible, n’a pas assisté au banquet du 11 novembre de l’association que préside M. Bégorry.

 À la même fête du 11 novembre, une bagarre a éclaté au Monument aux morts. Un jeune homme ayant gardé son chapeau sur sa tête pendant la cérémonie, on voulut le lui enlever. Il s’est rebiffé. D’où la bagarre.

Mais ce n’est rien, comparé à la guerre dont nous sommes menacés avec la commune de La Teste, à la suite de notre projet d’agrandissement sur une bande de terrain comprise entre la rue Michelet et le bassin. « Pas un pouce de notre territoire ne sera cédé » a répondu, intraitable, la commune voisine. Il faudra donc recourir à la force. M. Bon a déjà ordonné de dérouiller le canon placé devant le Grand hôtel du Moulleau tandis que M. Dignac fait fourbir les deux canons qui ornent sa mairie.


* LE PORT *


* Aurons-nous un port ?

+ Une réunion entre les cinq armateurs locaux vient de se tenir pour trouver une solution aux problèmes d’accostage et de manutention de nos bateaux. La réalisation d’un port est estimée à dix millions de francs selon les ingénieurs et à vingt millions pour les intéressés.

Un projet a la préférence des ingénieurs. Il consiste à situer le port de façon à le rapprocher du centre du bassin, en bouchant la Canelette (*) et à utiliser tout l’espace nord « qui n’est utile que pour l’ostréiculture ». (**) Mais les armateurs, prévoyant les réticences des ostréiculteurs privés de leur terre et obligés d’allonger leur parcours pour gagner La Teste, estiment qu’une autre solution est possible. Ils proposent que l’État participe financièrement à l’approfondissement de la Canelette, lequel, s’il était de quatre mètres, permettrait un accostage convenable et suffisant pour les chalutiers.

(*) La Canelette était un petit chenal qui longeait la côte entre Eyrac et la pointe de l’Aiguillon.

 

(**) C’est la solution qui sera choisie quarante ans plus tard pour construire le port actuel. (Cliquez sur le document pour l’agrandir) .

 

 

*La charrue avant les bœufs *

+ Construire un port avant de s’occuper de son accès, c’est mettre la charrue avant les bœufs ! Un nouveau sinistre, sans accident de personne, vient de se produire dans les passes. Le chalutier « Fischstop », drossé par le vent et trompé par l’absence de bouée rouge que la tempête avait emportée, s’est ensablé à la pointe nord du banc de Pineau, si profondément, que l’on désespère de ne jamais pouvoir l’en sortir un jour. Abandonné de son équipage, heureusement recueilli par un autre chalutier, le « Lura », on verra longtemps cette épave à l’entrée des passes. On se rappellera a aussi qu’il n’y a pas six mois, trois chalutiers, le « Goéland », la « Roche Noire » et « Jeannot » s’échouaient à peu près au même endroit et furent difficilement renfloués. Ils se rappelleront le naufrage du « Victoria », faisant six victimes, le 22 septembre 1924 et toute la si longue liste d’échouages que l’Inscription maritime refuse de la communiquer aux journalistes.

Jamais l’entrée de notre Bassin ne fut aussi difficile et nous pouvons craindre le retour périodique de certaines époques où son occlusion fut quasi complète. Que l’on relise un ouvrage du docteur Lalesque qui, en 1919, écrivait : « Les bancs de sable réduisent la passe à des largeurs ayant oscillé de 180 à 580 mètres. En 1887, elle était de 300 mètres. Outre ces déplacements vers le sud ou vers le nord, la passe subit de grandes variations de sa hauteur d’eau : maximum 8,50 m. en 1865, minimum 3,20 m. en 1835. »

 Si notre Conseil municipal n’a pas vu cela quand il a voté sa participation des trois cinquièmes de dix millions dans la construction d’un port, il méconnaît la réalité des faits. L’amélioration des passes doit être un préalable à tout autre projet y concernant la navigation.


 * LA FÊTE DE L’ARMISTICE *


+ (Extraits) Le cortège officiel s’est rendu dans les jardins du Palais Mauresque au pied d’un jeune pin. Là, M. Léo Neveu a expliqué que le regretté docteur Bourdier avait mis cet arbre en terre le jour de l’armistice pour célébrer la victoire et jalonner l’avenir. À sa mort, son fils en fit don à l’Union nationale des Combattants et celle-ci le remet aujourd’hui à la municipalité.

Mais, tandis qu’on parle d’établir la paix universelle, les deux sociétés de combattants de notre ville sont en guerre. Chacune a son banquet pour fêter l’armistice et chacune voulait avoir le maire pour le présider !

On a beaucoup admiré, dans la nuit du 11 novembre la belle illumination de notre Monument aux Morts grâce au talent des établissements Ducourneau et Picherit.


 * CONFLIT *


+ Une correspondance aigre-douce vient d’être échangée entre le père Maurel, directeur de St-Elme et M. Bon, maire d’Arcachon. Le père Maurel ayant demandé, comme tous les ans, l’autorisation pour les jeunes gens du collège d’aller jouer au football sur le terrain municipal, le maire écrivit lui-même pour aviser le prieur « qu’il refusait, ne voulant plus avoir de relations avec St-Elme, depuis les incidents survenus pendant la campagne électorale faite contre lui par l’abbé Martin ».

Le père Maurel répondit que les élèves ne devaient pas être victimes des querelles électorales. Notre maire prit de nouveau la plume pour signifier au prieur que les ponts étaient désormais rompus entre St-Elme et la mairie.

Plusieurs conseillers municipaux d’opinions diverses ont désapprouvé le maire.


* SCANDALE *


+ Un forestier d’Arcachon vient de vendre sept propriétés au bénéfice d’Anglais et d’Américains qui ont payé un prix dérisoire puisqu’ils ont acheté à 30 % au dessous du prix d’avant guerre avec leur monnaie qui a quintuplé de valeur. Qu’attend le gouvernement pour réformer toutes les ventes qui ont lieu dans ces conditions comme l’ont fait les Allemands ? De tels faits existent ailleurs. La France est à l’encan.


* SOCIÉTÉ THERMALE DES ABATILLES *


+ Le bâtiment de mise en bouteilles est terminé et on procède au montage des appareils qui assureront une rigoureuse asepsie et une très grande production. 

Le pavillon buvette est terminé.

On voit les allées du parc se dessiner avec harmonie et une eau limpide jaillir de la grotte entourée de plantations qui forment déjà un délicieux décor. Le gros œuvre du grand pavillon basque est terminé et les boutiques-magasins seront prêtes pour la venue de nos élégantes l’été prochain.


* UN POÈTE ARCACHONNAIS *


+ M. Rivière, qui est chargé de faire monter le public dans le funiculaire, en attendant les clients, fait des vers. Il note tout ce qu’il voit depuis sa guérite. Voici un de ses « poèmes-guides ». (Extraits) :

« Perle de la côte d’argent !

C’est la louange très flatteuse

Qu’on donne généralement

À notre cité merveilleuse.

Pour chanter sa beauté rustique,

Son bassin, sa forêt de pins,

Il faudrait tout l’art poétique

De l’illustre Jean Richepin.

Ignorant la littérature,

J’ai pourtant la témérité

De tenter ici la peinture

De notre séjour enchanté.

D’abord une large avenue

Bordée de superbes platanes

S’étendant à perte de vue

Vous conduit château Deganne.

On passe devant l’Olympia

Qu’emplit une foule joyeuse

Attirée par le cinéma

Et que la danse rend heureuse. » Etc.


* VIP ET MONDANITÉS*


+ M. Pierre Frondaie vient d’acheter la villa « Les Sablines » avec les bénéfices produits par « L’Homme à l’Hispano ». Le grand succès obtenu par sa dernière pièce « La Menace » lui permettra l’acquisition d’un château en Touraine. Il nous revient en décembre.

+ La chasse à courre et les parties de golf marchent admirablement bien.

+ On annonce que Foulon va prochainement ouvrir un dancing tous les samedis de 5 h. à 7 h.

+ L’élégant salon de thé des « Arènes », au Moulleau, est le rendez- vous quotidien d’une grande partie de la colonie anglaise.

+ Très brillant rendez-vous de chasse, jeudi, à 8 h 30, au bas de la place des Palmiers. Le drag, très bien tracé, part de la Grande Dune d’Arcachon et passe devant la fontaine Saint Jean pour se terminer derrière le cimetière de La Teste.

+ Nous apprenons les fiançailles de Melle Jeanne Meller, fille de l’administrateur de la société de Pyla-sur-Mer, avec M. Louis Lignon, industriel.

+ Les établissements Despujols qui n’ont pas l’air de vouloir quitter la plage d’Eyrac, construisent pour le duc Decazes un yacht à voile et à moteur de trente mètres de long.

+ Le romancier bien connu Gilbert de Voisins, qui a épousé à Arcachon Melle de Heredia, fille du célèbre poète et veuve de Pierre Louys, a loué pour l’hiver la villa « Sully » où il travaille à un nouveau chef-d’œuvre.


 * INFORMATIONS *


+ Le préfet de la Gironde a interdit la chasse aux perdreaux car ils détruisent les doryphores, nuisibles à la pomme de terre. On trouve à Arcachon des perdreaux venus d’autres départements au prix de 17 F pièce.

+ C’est le moment d’aller ramasser les bidaous dans la forêt. On peut les faire sécher en chapelet autour d’une corde. Qui n’a pas mangé de ragoûts aux bidaous ne connaît pas la saveur que ce champignon donne à toutes les sauces !

+ Une nouvelle pêcherie vient d’ouvrir à Arcachon, au capital de 1 500 000 francs. M. Bon a été nommé président du Conseil d’administration. M. Eyssartier est actionnaire. Les rivalités politiques s’estompent devant l’argent.

+ Il est dangereux de sortir le soir dans notre ville car on peut tomber sur des tas de cailloux non éclairés. On rencontre aussi beaucoup d’excréments dans nos rues. Il est vrai que les chalets de nécessité sont rares, ce dont on se plaint.

+ L’État alloue une subvention de 170 000 francs pour participation dans la dépense de 400 000 francs pour la construction des bains-douches.

+ Lundi, un marin d’Arcachon a tué, non sans difficultés, une superbe loutre de mer de 90 centimètres. M. Debray a acheté la fourrure 500 francs.

+ Un hydravion venant d’Hourtin a été contraint de se poser devant l’hôtel du Moulleau. Il a été brisé par de fortes vagues. L’aviateur et le passager, légèrement contusionnés, ont été recueillis par une barque. 

Max Linder

+ Max Linder qui vent de mourir d’une façon tragique venait souvent à Arcachon. Il a tiré de nombreux films sur le Bassin.

+ Prochainement, un ingénieur, M. Alain Bourin, procédera dans notre ville à des essais d’émission de TSF. Ils seront faits au moyen d’un poste de 50 watts antenne, sur petites ondes. M. Boudin espère distraire avec d’excellents artistes les amateurs de TSF d’Arcachon.

+ Jamais on ne vit autant d’oiseaux de passage. Dans la ville d’hiver les agents de police surveillaient les chalets pour empêcher les chasseurs de tuer les grives posées sur tous les arbustes des jardins. Les premières bécasses sont apparues sur notre marché. Elles se vendent 18 francs pièce. La vie est chère.

+ Sait-on que Claude Terrasse à qui on vient d’élever un monument au cimetière Montmartre avait été organiste à St-Elme ? Il pensait peut-être à ses célèbres opérettes en jouant le Tatum ergo sur l’orgue de l’école.

+ Les malades qui désertaient l’église N.D. en hiver apprendront avec plaisir que le calorifère est allumé pour toutes les cérémonies. De plus, l’intelligent curé a mis les vêpres à 2 heures. Ainsi, beaucoup qui n’allaient plus aux vêpres pour ne pas manquer le cinéma vont à l’église, sûrs de ne pas manquer le cinéma.


* UN AMUSANT PROCÈS *


+ On sait que, dans notre splendide forêt usagère, il y a des vaches rouges qui n’ont comme étables que les buissons de la forêt. C’est pourquoi on les appelle des vaches sauvages. Elles appartiennent à des propriétaires de La Teste qui ne songent à elles qu’au moment où ils viennent capturer leurs veaux. Elles descendent souvent de leur montagne avec leurs taureaux pour faire des incursions sur la côte, à Moulleau, aux Abatilles et dans les environs du cimetière d’Arcachon.

Dernièrement, elles ont fait d’importants dégâts dans la splendide villa que M. Fort possède à Pyla-sur-Mer. M. Fort tua une de ces vaches. Il réclame au tribunal le paiement des importants dégâts causés à sa propriété, tandis que le propriétaire de la vache veut être indemnisé de la perte de cette dernière.


* ET PENDANT CE TEMPS À LA UNE DU PETIT PARISIEN *


+ Le 01 + France. – M. Painlevé reçoit les socialistes au sujet des problèmes financiers.

– Max Linder tue sa femme et se suicide.

– Le Parti Socialiste fête son 100 000ème adhérent.

+ Le 04. + France. – Violente tempête sur la Manche et l’Atlantique.

 – La chambre débat de la politique du gouvernement Painlevé.

+ Le 05. + Syrie. – La France a bombardé le quartier indigène de Damas.

 + Le pacte de Locarno a rapproché la France et l’Angleterre.

 + Le raid aérien Italie-Argentine a commencé.

+ Le 06. + Italie. – Un complot est découvert à Rome contre M. Mussolini. De nombreuses arrestations.

+ France. – M. Painlevé fait ajourner le débat sur la Syrie.

+ La mission aérienne Paris-Téhéran s’est envolée de Villacoublay.

+ Le 07. + Allemagne. – L’évacuation de Cologne commencera le 1e décembre.

+ Paris. – Une auto téléguidée circule dans Paris.

+ France. – Des députés radicaux déposent une proposition d’impôt sur le capital.

+ Le 08. + Italie – L’aviateur Pinello a réussi un raid de 370 heures de vol et de 55 000 km.

+ France. – Abd-el-Krim n’est plus à craindre a déclaré le maréchal Pétain.

+ Syrie. – M. de Jouvenel expose son plan de paix.

+ Le 09 + France – Le projet du gouvernement en discussion à la commission des finances

+ Le 10 : + Pays-Bas. Un député protestant ultra conservateur propose de supprimer l’ambassade néerlandaise au Vatican ce qui entraîne la chute du gouvernement.

+ France. – Comment soulager la Trésorerie ?

+ Le 11. + France. – Conflit chez les radicaux. La discipline de vote en question.

 + Chine. – La guerre civile se généralise.

+ Le 12. + France. – Un accord sur le projet financier se fera-t-il ?

+ Allemagne. – La réponse remise à M. Briand sur le désarmement serait satisfaisante.

+ Le 13. + France. – Un accord est trouvé sur les accords financiers.

+ Chine. – Le président Tuan Chi Jiu est prisonnier du général chrétien Feng.

+ Le 15. + France. – M. Briand déclare que l’Allemagne et la France sont sur la voie de la paix

+ Allemagne. – M. Hindenburg démissionnera si les nationalistes sabotent le pacte de Locarno.

+ Le 16. + Allemagne. – L’agitation des nationalistes contre le pacte de Locarno reste stérile.

+ Le 17. + France. – Le débat financer s’ouvre devant la Chambre.

+ Allemagne. – La discussion sur le désarmement est close.

+ Le 18. + Londres. – Les négociations sur les dettes interalliées reprennent.

+ Le 20. + Syrie. – La situation militaire s’améliore mais les difficultés politiques restent grandes.

 + Paris. – M. Painlevé fait appel pour un sacrifice important.

+ Le 21. + France. – Le débat financier provoque un conflit entre le gouvernement et les socialistes. M Léon Blum demande plus de clarté.

+ Le 22. + Angleterre. – Le pays en deuil de la reine Alexandra.

+ États Unis. – Un savant découvre des rayons cent fois plus pénétrants que les rayons X.

+ Le 23. + Paris. – Le Cabinet Painlevé est renversé sur le projet de taxation du capital.

+ Le 24. + Paris. – M. Briand pourrait former le nouveau cabinet.

+ Le 25. + Paris. – M. Doumer chargé de former le gouvernement, M. Briand ayant refusé devant l’hostilité des socialistes qui se disent prêts à prendre le pouvoir.

 

 

– Les gardiens de la paix ont une nouvelle tenue.

 

 

– Les catherinettes défilent.

+ Syrie. – La garnison française de Racha Ya encerclée par les Druses est délivrée.

+ U.S.A. – Des bandits terrorisent une ville.

+ Le 26. + URSS. – Vol du premier bombardier soviétique Tupolev ANT-4T-1

+ France. – M. Herriot accepte de former le Cabinet.

+ Le 27. + France. – Les socialistes refusent d’entrer dans un Cabinet radical. M. Herriot renonce. M. Briand pourrait former le Cabinet.

+ Washington. – Un plan américain pour assainir notre situation financière.

+ Allemagne. – Le pacte de Locarno voté par le Reichstag.

+Le 28. + France. – Aristide Briand forme son Cabinet. Vive reprise du franc.

+ Le 30. + France. – M. Briand va lancer un appel au Parlement pour une œuvre de redressement énergique.

 – Froid très vif dans notre pays.

Jean Dubroca

 jeandubroca@orange.fr

 (*) Sources : BNF/GALLICA.

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