Chronique n° 112 – Un funiculaire à deux classes

Imprimer cet article Imprimer cet article

La municipalité de Veyrier-Montagnères apporte aussi à Arcachon une grande attraction, de plus, fort utile : le funiculaire. On en connaît bien l’histoire, grâce à la monographie très détaillée réalisée par Claude Robin, pour la Société historique. L’engin, installé en 1913, permet de se hisser vers le casino mauresque, à l’altitude de vingt-cinq mètres. Cela, grâce à deux voitures se faisant contrepoids, animées par un câble mu à l’électricité. C’est M. Blavy, un entrepreneur arcachonnais qui, pour 85 000 F provenant d’une société par actions, se charge de construire puis d’exploiter l’ensemble.

On y pénètre par une gare de style arabo-bétonné, située juste dans l’axe de la rue du Casino. Trois employés sont indispensables à la manœuvre : l’un manipule la machine électrique, forte des vingt-cinq chevaux indispensables pour vaincre une pente très variable mais parfois forte et il surveille les trois systèmes de sécurité. Les deux autres agents, installés à l’avant de chaque véhicule, vendent les tickets avec d’autant plus de vigilance que chaque voiture, pour dix passagers, comporte un compartiment de première classe. Un témoignage de la ségrégation sociale très visible au début du XIXème. Même pour un seul client, la mécanique se met en branle, aux sons d’une sonnerie qui prévient les retardataires et aux souffles d’une trompe qui alerte le mécanicien. On entend de nombreux grincements de ferraille car un système compliqué permet de maintenir le plancher complètement plat, malgré la rigueur de la pente.

La guerre qui éclate en 1914 perturbe l’exploitation du funiculaire qui se poursuit tant bien que mal jusqu’en 1932. Mais voilà que la compagnie d’électricité, qui n’est pas payée, ne veut plus fournir les six cents volts nécessaires. Devant ce dernier coup du sort, le concessionnaire abandonne le funiculaire et la commune le ferme. Evidemment, tout le monde crie car il rend de grands services. Il faut cependant attendre 1936, pour qu’après des modifications électriques, le funiculaire reprenne du service, jusqu’à une date qui reste confuse. Ce qui est sûr, c’est qu’il fonctionne mal.

Le 20 mai 1950, un ascenseur, construit par M. Patelin et les établissements Roger Negrè, de Bordeaux, pour plus d’un million et demi de francs, remplace l’original funiculaire. De ce funiculaire qui a tant fait rêver les petits enfants, il ne reste plus aujourd’hui qu’une précieuse relique : un seul rouage, exposé à l’entrée du couloir d’entrée de l’ascenseur. Pouvait-on le garder, ce funiculaire comme ceux de Pau ou de Montmartre ? L’unité actuelle des jardins qui le remplacent est certainement plus esthétique que la trouée métallique d’antan, mais rien n’empêche la nostalgie de fonctionner …

Par contre, la guerre de 1914 a bloqué de nombreux projets de la municipalité de Veyrier-Montagnères. Par exemple, le 8 Mars 1913, M. le vicomte de Malherbe, officier aviateur de l’École militaire de Pau, vient à Arcachon pour étudier le moyen de doter la ville d’un terrain d’atterrissage pour avions. D’autre part, M. Deutch de Ia Meurthe, président de l’Aéro-Club de France, étudie le moyen d’avoir à Arcachon une station d’hydro-aéroplanes. M.Jacques Balzan, vice-président de l’Aéro-Club de France et M. Gabriel Arnaud, directeur de la Compagnie générale transaérienne, viennent, le 15 avril, à Arcachon, en vue d’étudier l’organisation d’un Comité local aéronautique. De même en 1914, près de deux millions de travaux devaient être exécutés au cœur même de la ville, comme la reconstruction de la gare ou comme l’embellissement des rues. La guerre arrête aussi la construction d’un terre-plein et d’une cale inclinée, à côté de la jetée d’Eyrac, prémices d’un port redevenu, pour des décennies, fort hypothétique, d’autant plus qu’il n’est souhaité par aucune des grandes compagnies de pêche industrielle. Quant aux projets de lycée et d’hôpital, ils restent lettre morte et pour longtemps.

Néanmoins, l’œuvre de James Veyrier-Montagnères s’avère considérable dans Arcachon ainsi que dans son évolution touristique. Et Pierre Dignac, celui qui n’avait pas ouvert le feu sur lui, lors d’un duel célèbre, Pierre Dignac, devenu député, déclare, avec cette grandiloquence qui caractérise les orateurs de la IIIème République : « Pendant un quart de siècle, il a grandement honoré la belle cité arcachonnaise et à lui peut s’appliquer la parole de la sagesse antique : la tâche est rude, l’ouvrier tombe mais l’œuvre est immortelle ». Et le préfet Arnault, plus sobre, d’ajouter : « Veyrier-Montagnères a fait d’Arcachon l’une des plus belles stations balnéaires de France ». Mais quel est, maintenant, l’avenir de la ville ? C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

Ce champ est nécessaire.

Aimé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *