Le premier septembre 1974, la commune entérine son unification. C’est la fin d’une longue guerre de clochers pour espérer se relever de la mort annoncée des Usines Cazenave[1]. Jour de fête qui bascule subitement lorsque le village est le théâtre d’un mystérieux accident. Une Porsche vient de traverser le village à vive allure. L’automobile est resplendissante et avale la Nationale 10 en un rien de temps. À l’intérieur de ce bijou à moteur, trois gangsters aux fructueux pedigrees. Au volant, Christian P. a seulement 20 ans mais une belle réputation dans les gendarmeries du département. Demeurant à Boucau dans les Pyrénées-Atlantiques, il a déserté le 9e régiment de chasseurs parachutistes de Toulouse pour mener sa vie comme bon lui semble. À ses côtés, Richard B. de trois ans son aîné et originaire de Bordeaux, puis Denis L. tout juste 18 ans, fraîchement sorti de prison. Les trois compères sont ce que l’on appelle des caïds avec pour spécialité les vols de voitures. Une organisation bien rodée qui leur a permis de dérober la veille, dans un garage automobile à Biarritz, une Porsche dont ils écrasent la pédale. Un butin des plus lucratifs mais insuffisant pour combler la soif de crime d’un trio en quête du respect de leurs pairs. Le 29 août, ils commettent une attaque à main armée dans une villa de Bayonne. Munis d’une mitraillette et d’un pistolet, ils s’en sont pris à une habitante en la frappant et lui volant une gourmette en or et une somme de 270 francs. À 20 h 45, en ce premier dimanche de septembre, le bolide s’apprête à entrer dans Belin lorsque la voiture manque le virage au lieu-dit Le Passage, là où avant eux, des centaines de voitures et camions se sont empalés, là où la réputation de la Nationale 10 en fait presque un cimetière à ciel ouvert. À une vitesse largement excessive, il arrache le parapet du pont sur vingt mètres avant de tomber en contrebas de l’ouvrage.
Pour en arriver jusque-là, un vol plané de 40 mètres est nécessaire pour atteindre la berge opposée de l’Eyre. À l’avant, l’un des passagers trouve la mort tandis que les deux autres sont blessés. Le bruit du choc éveille alors les quartiers avoisinants. Pour les deux gangsters balafrés et blessés, la priorité est de quitter les lieux avant que les autorités interviennent. Prédisposés à ne pas se faire prendre, ils abandonnent le corps de Denis L. et s’enfoncent dans la lande belinétoise. Au Passage, les pompiers de Belin-Béliet découvrent quelques instants plus tard le corps de la victime à l’extérieur du véhicule. Dans la Porsche disloquée, ils font la trouvaille d’une carabine 9 mm à canon scié. La plaque de la voiture a été maquillée avec des numéros autocollants. La gendarmerie de Belin-Béliet s’empare de l’affaire, épaulée rapidement par leurs confrères de Pissos. La forêt est grande, et les fugitifs susceptibles d’être armés, une chasse à l’homme se déroule dans les pinèdes et dure toute la nuit. Les habitations aux alentours sont sondées, un habitant indique avoir reçu la visite de deux individus bien mal en point en quête de soins. Disparus dans la nature, les deux malfrats se savent poursuivis. Blessés, ils décident de passer la nuit dans un parc à cochon. La dernière de leur liberté car au lendemain de l’accident, c’est bien les calibres des forces de l’ordre qui sont braqués sur eux. La fin d’une épopée régionale qui aurait pu être luxueuse. L’épilogue d’un 1er septembre funeste pour le trio, qui avait débuté par un accident matériel à Gujan-Mestras qui annonçait déjà la couleur.
[Attaque à main armée, cadavre et canon scié, la capture d’un gang à Belin-Béliet, Corentin Barsacq, Le Belinetois, 19 février 2020]
[1] – Voir https://www.memovelo.com/les-usines-cazenave-a-belin-beliet