Chronique n° 126 – Les débuts de la fin

Imprimer cet article Imprimer cet article

André de Fels, le nouveau maire d’Arcachon, élu à l’unanimité le 16 avril 1936, prend les affaires municipales en main avec détermination puisqu’il annonce à son conseil : “Je ne donnerai aucune délégation et conserverai le pouvoir tout entier”. Puis, raconte Robert Fleury, il s’attaque à quelques dossiers épineux. Notamment, le manque de sable sur les plages, le mauvais entretien des nombreux perrés, des égouts et de la voirie. Autre sujet de mécontentement des Arcachonnais : le goût déplorable de l’eau potable. La Compagnie générale des Eaux est priée de remettre ses réservoirs “aux normes”, comme on ne dit pas encore. Autres décisions : trois écoles sont agrandies, le budget du préventorium municipal Armaingaud fixé et les cinquante-deux associations locales subventionnées.

Reste à régler le plus délicat : l’affaire des malversations dans les services des travaux de la ville, relevées en 1936 et 1937. Les conclusions émises par la Commission d’enquête, demandée par Marcel Gounouilhou, restent floues. De Fels demande donc au Préfet l’envoi d’un inspecteur général de l’Administration, chargé de mettre son nez dans le dossier. Son rapport, publié en mars 1939, conclut bien à la constatation de disparitions de matériel et de fournitures et recommande des remèdes à ces dysfonctionnements, ce que le conseil municipal entérine à l’unanimité, sans qu’on ait jamais entendu parler, ensuite, d’une mise en cause de quiconque. Tout semble donc aller bien pour André de Fels, d’autant plus qu’aux élections de mars 1939, il est élu triomphalement conseiller général du canton avec 86 % des suffrages par 1822 voix alors que le socialiste Malher n’en recueille que 183. De plus, il vient d’être nommé en janvier 1939, lors de l’exposition internationale de New-York, président du groupe des stations climatiques et thermales françaises. Cette fois, Arcachon tient donc son maire à la renommée internationale !

Malheureusement, des heures bien noires s’annoncent en cette année 1939. L’Espagne sombre dans la dictature de Franco qui expulse en France de nombreux républicains battus. Hitler occupe la Tchécoslovaquie en mars, s’allie avec la Russie le 28 août et déferle sur la Pologne le 1er septembre. L’Angleterre puis la France, liées par des accords de défense avec la Pologne, déclarent la guerre à l’Allemagne. La France attaque en Sarre, dès le 8 septembre mais Varsovie capitule le 27 septembre, libérant du même coup de nombreuses unités nazies. Le 10 novembre, la France abandonne Forbach.

Arcachon s’organise pour faire face aux dépenses liées à la mobilisation générale et prévoit un centre d’accueil pour des réfugiés. Beaucoup d’habitants de régions menacées se sont installés dans leurs villas arcachonnaises ou dans des hôtels mais, remarque Robert Fleury, le moral reste bon puisque le jazz de Fred Adison fait les beaux soirs de “L’Arizona”, un véritable saloon en bois, importé boulevard Marcel-Gounouilhou. Ce qui n’empêche pas la “Défense passive” de s’organiser, l’autorité militaire de réquisitionner le Grand Hôtel et l’école Saint-Elme pour y installer, le cas échéant, des hôpitaux. Mais un seul train sanitaire arrivera et repartira plein, tout aussitôt. Le lycée Michel-Montaigne de Bordeaux met à l’abri, dans la Ville d’hiver, près de trois cents de ses élèves. Cependant, Arcachon prépare tout de même un avenir plus optimiste en décidant l’agrandissement du stade Matéo-Petit et l’élargissement du boulevard de la Plage. Preuve que personne ne s’attend à ce qui va se passer, dès le mois de mai 1940. En deux jours, Hitler envahit le Danemark, achève la conquête de la Norvège, entre en Belgique, pourtant neutre et se précipite sur la Hollande et sur le Luxembourg. Quatre jours après, contournant la forteresse que constitue la ligne Maginot, les troupes allemandes enfoncent le front français à Sedan.

Environ quarante mille réfugiés, échappés du nord et de l’est, ainsi que de Belgique, submergent Arcachon, dans une file compacte et désordonnée de voitures surchargées, au milieu de convois de camions militaires ou civils. L’or des banques de France d’Aquitaine est mis sous clés à la succursale arcachonnaise, avant un départ outre-mer. Il faut, comme on le peut, nourrir ces réfugiés et faire face à la pénurie de médicaments et de lait concentré. Le 25 juin 1940, date d’entrée en vigueur de l’armistice accepté par le gouvernement de Pétain, deux side-cars escortant deux voitures allemandes traversent la ville. La sinistre période de l’occupation commence. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

Images liées:

Aimé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *