Chronique n° 074 – Une manœuvre électorale

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On dit que les moines de la congrégation des Oblats sont spécialistes des situations difficiles dans l’Église, depuis la création de leur Ordre, en 1813, conçu à l’origine pour servir les pauvres. Lorsqu’ils s’installent à Arcachon, afin de remplacer l’abbé Mouls, chassé avec fracas, le maire, Jean Mauriac, fait afficher pour ses administrés, un appel au calme : “Je vous en conjure, prouvons que nous sommes amis du repos et de la tranquillité, gages de la prospérité”. Le maire est si bien entendu que des marins reviennent à la procession nautique du 26 juillet 1869. Seulement, voilà : le chanoine Mouls ne met guère les pieds au chapitre de la cathédrale de Bordeaux où il a été nommé. Par contre, de son habitation située près de l’église Notre-Dame, il continue d’exercer son ministère arcachonnais. Le cardinal se fâche et rappelle Mouls à Bordeaux, immédiatement et sans murmures.

Mais rien ne se calme car, le dimanche 6 mars 1870, en pleine messe de onze heures et durant son homélie, le révérend père Delpeuch s’en prend vivement à Mme Guimbellot, directrice d’une école communale dont les élèves, prétend le prêtre, ne viendraient pas régulièrement au catéchisme. Mme Guimbellot, publiquement humiliée, s’évanouit. Dans un torrent d’indignation, il faut la transporter au grand air, face au Bassin. Son mari porte plainte contre l’officiant, soupçonné, de plus, à travers son prêche, de vouloir recommander une institution privée concurrente.

La situation redevient donc explosive et, le 21 avril 1870, le maire demande au ministre des Cultes, l’éloignement du Père Delpeuch. Quinze jours après, durant ce qui devait être le paisible mois de Marie, des pétards et des boules puantes explosent dans l’église ! Autre bruit, mais plus discret, celui du Conseil de Fabrique qui se plaint des Pères qui gouvernent sans tenir compte des règlements. Le conseil municipal proteste aussi : “Les Oblats se mêlent de tous les débats politiques et ils sont antipathiques à la population et, notamment, à la classe ouvrière”.

Et voilà que, là-dessus, le 9 octobre 1870, comme il est de coutume, le maire veut organiser des quêtes à toutes les messes, pour remplir les caisses du Bureau municipal de bienfaisance. Le Père Delpeuch, prévenu trop tard, dit-il, ne l’annonce pas. Le lendemain, le maire accourt à l’église, dès six heures et déclare qu’il quêtera lui-même. Le prêtre ne lui accorde qu’une seule quête et ne veut pas reporter les autres. Il semble bien qu’il ait compris toute la manœuvre de Mauriac puisqu’il lui assène : “Dimanche prochain, c’est le jour des élections et vous placez vos manœuvres électorales au-dessus des besoins des pauvres !”. Ulcéré, le maire quitte les lieux et, aussitôt, de sa plus belle plume vengeresse, il écrit au préfet : “Il faut débarrasser la paroisse de cette congrégation qui y a apporté le trouble”. Comme si, auparavant, la situation avait été paisible !

En fait, le Père Delpeuch ne pardonne pas au maire d’avoir obtenu du cardinal Donnet l’érection en paroisse du quartier Saint-Ferdinand dans le but, non avoué, de limiter l’influence des Oblats sur Arcachon. L’affaire dure jusqu’au 5 août 1872. Il est difficile au cardinal Donnet de déplacer le R.P. Delpeuch en même temps qu’il traîne l’abbé Mouls en justice. Ses avocats n’auraient pas manqué de faire observer que l’atmosphère arcachonnaise est seule responsable des plaintes contre leur client. Mais ce 5 août 1872, Mouls est condamné par contumace depuis plusieurs semaines et le conseil municipal se fâche : “Si le cardinal ne chasse par le Père Delpeuch, nous transformons son presbytère en école publique !”. Un argument de ce poids ne peut que faire capituler un cardinal. C’est ce qui se passe et le révérend père Cantillon de la Couture remplace le père Delpeuch mais les Oblats desserviront la paroisse Notre-Dame, jusqu’en 1902. Ils finiront comme ils ont commencé : dans la souffrance. Car se rapproche l’affaire des congrégations auxquelles s’attaque l’État. Elle va faire bien des remous dans Arcachon. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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