Ce 2 mai 1857, Arcachon est devenu commune indépendante de La Teste. Avec des arguments cités par le conseil municipal de la nouvelle commune, lui-même. A savoir : l’éloignement des deux entités territoriales et l’absence d’école communale. Autres arguments : Arcachon, avec ses quatre cents habitants, en a davantage que cent quarante-six autres communes de Gironde. Mais Michel Boyé estime que cette population a été gonflée de 25 %. Ce qui n’empêche pas de constater que des patentes portant sur deux cent quatre-vingt-sept maisons, ont rapporté 1272 francs et que les habitants ont versé volontairement près de 57 000 francs pour diverses améliorations de leur quartier. La future commune aura bientôt trois églises et enfin, le Bureau des douanes et le Commissariat à la marine qui ont demandé à partir à Arcachon, quitteront La Teste quoi qu’il arrive.
On règle les questions financières par devant deux notaires à Bordeaux, notamment celles-ci : Arcachon paie la moitié de l’emprunt testerin de 1854, levé en partie pour elle, Arcachon renonce à tout actif dans les finances testerines et à toute participation au produit du rachat des droits d’usage. Enfin et surtout, sont acceptées les limites de la nouvelle commune. Laquelle se situe à l’ouest d’une ligne droite allant de la Pointe de l’Aiguillon au poste de Douanes du Moulleau, et dépassant de cinq cents mètres en mer ces deux points.
Lamarque de Plaisance a espéré, le 8 mai 1856, lors du débat sur l’indépendance d’Arcachon, « voir cette ville, fille aînée de La Teste (…) abandonner la tutelle maternelle sans emporter les malédictions de celle qui l’a vue naître ». Mais les opposants à la séparation ne l’entendent pas de cette oreille et ils se battent farouchement contre cette séparation. Leur meneur, c’est Auguste Lalesque, pourtant gros propriétaire à Arcachon. Dans un mémoire de seize pages, il note qu’Arcachon n’est pas capable d’avoir un grand développement de population réelle et non fictive et par conséquent ne pourra pas s’autofinancer. D’autant plus, dit-il, qu’Arcachon n’a aucun bien communal. Il estime aussi que le commerce d’Arcachon « ne saurait être que de transit ou d’entrepôt » et que son industrie, à part les bains de mer, ne pourrait se développer alors que La Teste a beaucoup fait pour son quartier. Mais, ajoute Lalesque, « si Arcachon devient une ville, cela ruinera La Teste ». Elle n’a pas été ruinée mais a pris un net retard dans sa modernisation, malgré certains efforts, et cela jusqu’à l’élection comme maire du docteur Aristide Ichard, après la seconde guerre mondiale.
Lalesque rappelle aussi qu’en 1852, le conseil a accepté de payer le traitement d’un second vicaire, chargé de desservir la chapelle d’Arcachon, cela afin d’éviter qu’elle devienne une succursale. Il s’agit ainsi d’éviter que la coupure de l’unité religieuse entraîne une rupture politique. Mais quatre ans plus tard, Lalesque de soupirer devant le conseil municipal testerin « Ah ! Messieurs, vous avez bien changé ! ». Suprême critique de Lalesque : dans un mémoire du 20 avril 1856, il estime, liste des noms à l’appui, que seuls cent douze chefs de famille sont réellement domiciliés en permanence à Arcachon et qu’eux seuls peuvent se prononcer. De bonne ou de mauvaise foi, il écarte de la liste cinquante-neuf personnes, douaniers, gardes-phare, gardiens de maisons, etc. sous le prétexte qu’il en est peu parmi eux qui peuvent payer les quatre contributions. On sait ce qu’il en advient : l’indépendance d’Arcachon est acquise le 2 mai 1857.
Mais on ne saurait aujourd’hui encore oublier cette prévision de Lalesque : « La vie à bon marché, le logement à bon marché, ces deux grands moteurs de la population, sont donc à jamais impossibles à Arcachon ». Sur ce plan là, au moins, Lalesque a vu très juste car c’est justement ce qui s’est passé, notamment à partir des années 1950, bien qu’Arcachon se situe dans un rang honorable pour le Bassin, en ce qui concerne les logements sociaux. Mais c’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca