Humanité féminine

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L’histoire que nous allons raconter est typique ; une fois de plus, elle démontre le rôle des hommes politiques dans l’administration et l’impuissance des chefs hiérarchiques devant la toute puissance des élus.

Une jeune institutrice, Mme Saubesty, exerce à Béliet, | alors que son mari est employé à Arcachon. Elle demande à être nommée auprès de son mari, c’est à dire à Arcachon même ; elle obtient satisfaction ; mais a peine est-elle installée que sa nomination est rapportée. Que s’est-il passé ?

L’inspecteur d’Académie a bien voulu bien renseigner notre collègue et lui déclare que les opinions politiques de son mari s’opposent à son maintien à Arcachon (le mari, dont tout le monde connaît le bon garçonnise, a déclaré, à un conseiller municipal, ses préférences pour M. Pierre Dignac.) Il n’en fallut pas davantage pour que la haine — qui est pourtant un lourd fardeau — vienne s’appesantir et exercer ses représailles…

Indignée, elle proteste, mais elle n’en doit pas moins aller exercer ses fonctions à La Teste, à 5 kilomètres d’Arcachon.

Or, le reproche adressé à Mme Saubesty est fort vague ; des précisions sont nécessaires et voici celles que donne l’inspecteur d’Académie à un haut personnage qui fut chef de cabinet d’un ancien ministre de l’Instruction publique ; les explications fournies sont écrites, nous en extrayons ce passage : « La situation est un peu délicate. Personnellement, je suis convaincu qu’on a singulièrement exagéré, si on n’a pas inventè de toutes pièces les faits qu’on attribue à M. Saubesty et qui, l’an dernier, avaient motivè la protestation de M. le maire d’Arcachon contre la nomination de Mme Saubesty. Je crois qu’on a trompé M. le Maire et M. le préfet de la Gironde ; mais il faut faire revenir M. le maire de cette impression ; car dans cette inscription électorale, la situation politique et la situation personnelle de M. le maire sont telles que M .le préfet de la Gironde insisterait probablement auprès de moi pour me faite rapporter toute proposition en faveur de Mme Saubesty… surtout à la veille des élections législatives… Je sais, d’autre part, que Mme Saubesty est estimée a La Teste et qu’elle est intellienge et dévouée. Mais la connaissance que j’ai de la situation m’autorise à vous dire que la nomination de Mme Saubesty à Arcachon doit se traiter par la voie diplomatique… » De telles déclarations jugent un régime. L’inspecteur d’Académie reconnaît que la victime des opinions socialistes de M. Saubesty est méritante, puisqu’elle est estimée comme institutrice ; mais il avoue cruellement son impuissance ; malgré toute sa bonne volonté il demande a faire traiter l’affaire par la voie diplomatique.

Notons que le mari de notre collègue n’est même pas inscrit à un groupe socialiste, pour la bonne raison qu’il n’y en a pas à Arcachon : mais, employé de commerce dans une maison où l’on ne s’inquiète pas de ses opinions, il lit l’Humanité et la propage autour de lui.

Nous donnerons de nouveaux détails sur cette injustice par trop révoltante ; nous croyons savoir, d’ailleurs, que le ministre vient d’être mis au courant de l’affaire ; nous espérons qu’il la solutionnera favorablement et que notre collègue aura prochainement satisfaction.

 

L’Humanité du 12 novembre 1906

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54233348/f1.image.r=marceron%20b%C3%A9liet?rk=42918;4#

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k251120v/f3.image.r=saubesty?rk=21459;2

L’Avenir d’Arcachon du 18 octobre 1906

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5431278r/f1.image.r=son%20mari,%20dont%20tout%20le%20monde?rk=42918;4

 

 

Henri Saubesty

Sauriez-vous dire s’il y a un lien avec Henri, Jean, Marc Saubesty, né le 29 juin 1913 à Andernos-les-Bains, mort le 5 décembre 1993 à Andernos-les-Bains ; instituteur en Gironde ; militant du SNI ; résistant.

Fils d’un peintre, Henri Saubesty entra à l’École normale d’instituteurs de Saint-André-de-Cubzac en 1929 et devint instituteur stagiaire en octobre 1932 à Cestas. Il demanda à être nommé près de Bordeaux pour favoriser les études supérieures projetées. Il enseigna à Gazinet en 1933, à Mérignac-Arlac en 1934 où il fut titularisé, à Bordeaux en 1936. Il effectua son service militaire dans l’Infanterie (octobre 1934-octobre 1935) et le termina avec le grade de sergent.

Il se maria en septembre 1937 à La Teste de Buch (Gironde) avec une institutrice, fille d’un charpentier de marine. Le couple eut deux garçons.

Henri Saubesty dirigea l’école de Jau-Dignac-et-Loirac à partir d’octobre 1937. Mobilisé en septembre 1939 comme sous-lieutenant dans un régiment de pionniers, il écrivit à l’inspecteur d’académie, le 7 juillet 1940 de Mende (Lozère), pour faire accélérer sa démobilisation et indiquait avoir eu « la chance d’être le seul rescapé de mon régiment ». Accusé à tort pour trafic de cartes d’alimentation en mars 1941, il donna sa démission de secrétaire de la mairie de Jau-Dignac-et-Loirac. Ils furent nommés à Cissac dans le Médoc en octobre 1942. Secrétaire de mairie à partir de 1942, il participa à la Résistance (faux papiers, camouflage de réfractaires, d’évadés, dont un parachutiste américain en décembre 1943, participation des groupes de résistants Jean Dufour puis Charly Médoc à partir du 15 mai 1944, commandement de 800 hommes) où, en septembre, sous-lieutenant FFI, mobilisé à nouveau en octobre 1944, il fut promu capitaine de réserve en 1953.

À partir d’octobre 1945, instituteur-directeur à Lège, comme son épouse, secrétaire de mairie, pour des raisons politico-judiciaires dans l’obligation de demander sa mutation, en 1946, il devint directeur à Ares en octobre 1948. Il dirigeait aussi le centre de cours professionnels ruraux et la société musicale. En 1950, il dirigeait bénévolement la maison de retraite.

 

Dans sa pédagogie, Henri Saubesty utilisait les méthodes d’éducation nouvelle (travail en équipes, textes libres, imprimerie). Avec son épouse, il effectua un stage au centre de formation pédagogique pour l’enseignement dans les écoles de plein air en mai-juin 1949 en Forêt Noire. En 1953-1954, directeur de l’école de garçons de Sérilhan à Saint-Médard-en-Jalles, il suivait les cours de l’institut de psychologie de la Faculté des Lettres de Bordeaux. Animateur du patronage laïque, responsable de sa section artistique, il dirigeait les chorales du village et de l’école. Une classe dans son école étant supprimée, il obtint sa mutation pour diriger l’école Jean Macé d’Ardilles (13 classes) à Mérignac, de 1960 à sa retraite en 1967.

Lors de la journée pédagogique du SNI qui précédait le congrès, le 16 juillet 1957, sur le thème « Programmes et méthodes du cours moyen », il critiqua les devoirs à la maison au nom de l’enseignement oral qui avait sa préférence. Il intervint à nouveau, le 15 juillet 1958, lors de la réunion pédagogique sur « L’enseignement des sciences à l’école primaire pour les 11 à 14 ans ». Il affirmait qu’il fallait établir un lien nécessaire entre les matières enseignées. Le 19 juillet, il donna son point de vue dans la discussion du rapport « Pour le respect de la laïcité dans les grands moyens modernes d’expression de la pensée : radio, télévision, cinéma ».

https://maitron.fr/spip.php?article172594

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Raphaël

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