Nous sommes en 1938, j’aurai onze ans le mois prochain

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Nous sommes en 1938, j’aurai onze ans le mois prochain, le 18 août exactement.

Les vacances d’été se profilent, les grandes, celles qui s’étendent du 14 juillet au 30 septembre

Voilà cinq ans grand-père Auguste a échangé une parcelle de jeunes pins contre un morceau de terrain au bord de l’océan à Biscarrosse-Plage ; un projet d’extension de 1933 prévoit la mise en vente d’un grand nombre de terrains pour que la petite station balnéaire deviennent « Biscarrosse Océan ». Grand-père Auguste prétend qu’un jour cet endroit attirera de plus en plus les gens de la ville, ceux de Bordeaux, même les Parisiens viendront prendre des vacances au bord de l’océan pour profiter des bains de mer et respirer à pleins poumons l’air salin de la pinède ; une bonne opération selon lui, de toutes façons ce petit bout de terrain reviendra un jour à ses enfants, Louise et Jeanne, mes tantes et Louis, mon papa qui en feront ce qu’ils voudront.

La minuscule maison qui s’y trouve n’est pas vraiment confortable mais j’ai l’impression de quitter un petit paradis pour en retrouver un autre ; c’est le deuxième été que nous quittons Herran pour passer une partie des grandes vacances à Biscarrosse Plage et nous extraire quelques semaines estivales de l’airial familial niché dans la pinède étouffante pour profiter de la douceur océanique de la petite villa de bord de mer, merci grand-père Auguste !

Les vacances sont jalonnées de moments magiques et le voyage en fait partie ; en provenance de la gare d’Ychoux le « matchecu » 111 de 10h45 permet de rejoindre Parentis à Bisca Plage en moins de deux heures !

Deux wagons de passagers à demi remplis, un troisième de marchandises chargé de barriques vides de résine, l’ensemble est tracté par une mule noire à vapeur, qui fume, souffle, siffle, transpire ; quelque chose d’animal se dégage de cette machine qui m’ impressionne.

Les banquettes en lattes de bois particulièrement inconfortables pour mes petites fesses osseuses justifient le surnom de « matchecu » de ce tortillard du bout des Landes ; peu importe, être assis là avec tante Jeanne et Maman, les vacances ont déjà commencé à la gare de Parentis.

Chemisier blanc en dentelles, jolie robe à pois, de grandes mèches bouclées qui pendent de sa chevelure brune, ce n’est pas la tante Jeanne que je côtoie le reste de l’année ; Maman aussi s’est faite élégante mais dans un style plus discret, elle est jolie avec son petit chapeau bibi incliné sur le côté de la tête, le petit voile noir qui tombe sur le haut de son visage n’arrive pas à cacher la douceur de son regard ; des « Moussus » de la ville en costume accompagnés de dames élégantes, des résiniers et des forestiers dans leur tenue de travail, partagent notre wagon.

Le souffle tiède de la pinède s’engouffre par les fenêtres sans vitrage et après un rapide arrêt à Lahitte nous atteignons Biscarrosse ville ; des passagers descendent, d’autres montent les bras chargés de paniers, de volailles, d’une ou plusieurs mallettes en carton, et le convoi repart, longe le lac de Latécoère et le petit lac, traverse le canal alors que l’air moite des lagunes marécageuses envahit l’air ambiant .

Le relief change à mesure que l’océan se rapproche et le petit convoi grimpe péniblement d’anciens cordons dunaires maintenant boisées.

Abritée des dunes blondes qui s’élèvent comme une barrière entre la forêt et l’océan, la petite gare de Naouas semble perdue au milieu des grands pins ; le wagon de barriques atteint sa destination finale et restera là ; quelques ouvriers forestiers descendent de notre wagon puis la machine rugit à nouveau, en route vers l’océan, en route vers Bisca Plage.

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Aimé

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