Le quartier de la Ville d’Hiver pour avoir été épargné par la promotion immobilière est devenu aujourd’hui le plus attrayant de la ville d’Arcachon.
Constitué de plusieurs centaines de villas originales, il doit son attrait à l’architecture de celles-ci, à leur jardin, à leur clôture, à leur portail, mais aussi parfois à leur histoire.
Il y a un autre élément important qui particularise la Ville d’Hiver et auquel on ne fait peut-être pas assez attention c’est que pratiquement toutes ses maisons ont un nom.
La mode de donner un nom à sa maison est apparue en France sous le Second Empire, au moment de l’essor des thermes et des bains de mer. C’est une mode contemporaine de la création de la Ville d’Hiver d’Arcachon qui bien sûr n’y a pas échappé et ces noms participent à l’intérêt patrimonial de ce quartier.
Je vous parle de ça aujourd’hui parce que l’une de ces villas, l’une des plus anciennes, la villa Condé, à l’extrémité de l’allée du docteur Pereira, s’apprête à changer de nom. Elle a changé de mains il n’y a pas très longtemps et vient de faire l’objet d’une rénovation de goût. En plus de son complet ravalement elle a retrouvé en partie ses bois qui paraissent d’une très belle facture. Mais son nouveau propriétaire a décidé de la débaptiser pour l’appeler désormais Les Tamaris.
Condé me semblait un très joli nom original qui évoque une grande famille prestigieuse. Bien sûr on peut lui reprocher de désigner aussi un policier en argot, mais la Ville d’Hiver est un quartier surtout fréquenté par des privilégiés pour lesquels s’exprimer en argot est un affront à la bonne éducation.
Condé pour désigner cette très belle villa est inscrit depuis si longtemps dans la mémoire des Arcachonnais.
Et c’est un nom pour une maison tout à fait original au contraire de celui de Tamaris.
En Ville d’Hiver nous avons déjà Les Érables, Les Lauriers, les Marronniers, Les Pins, Les Troènes et je ne sais quoi encore.
Et surtout nous avons déjà, allée Sarraméa, Les Tamaris.
Il ne paraît pas très élégant de donner à sa maison le même nom que celui de la maison de l’un de ses voisins.
Sans doute que ce nouveau propriétaire ne connaissait pas l’existence de cette autre villa Les Tamaris.
Nombreuses sont les villas de la Ville d’Hiver qui au fil du temps ont changé de nom.
Par exemple deux importantes d’entre elles, Davidet Humbold. La première est devenue Les Marmousets et la seconde Les Farfadets.
Ces nouveaux noms étaient-ils vraiment plus chics que ceux qu’ils remplaçaient ?
La villa Les Marmousets ne semble plus porter de nom aujourd’hui quand celle des Farfadets, son nouveau propriétaire a choisi de lui restituer son nom d’origine.
D’ailleurs en face d’elle, la villa Storaavait montré l’exemple en abandonnant son nom de Mimosa apparu dans les années 30 au profit de Stora, son nom d’origine.
Il y en a même quelques-unes qui ont changé de nom à plusieurs reprises comme cette mignonne villa qui a sa construction avait reçu de son propriétaire le nom de Bellini. Par la suite elle est devenue Martine Tato puis elle est restée longtemps Mounie-Maco et alors qu’elle a été entièrement restaurée il y a peu de temps elle se nomme aujourd’hui Monjo.
Un véritable chemin de croix.
S’il existait pour les villas traumatisées un service de cellule psychologique celle-là aurait certainement eu besoin de son intervention.
Monjo, peut-être pour Monique et Joseph à moins qu’il s’agisse du surnom de la grand-mère ?
Il y a aussi en Ville d’Hiver des maisons récentes auxquelles leur propriétaire attribue des noms comme le faisaient les anciens.
Par exemple, au tout début de l’allée Brémontier il y a une villa Rozha suivie de La Colline aux Oiseaux, sans doute un clin d’œil à l’île située au milieu du Bassin.
Sur l’allée Jacques Monod une villa des années 60 a été restaurée par un jeune couple qui en a fait sa résidence principale.
Elle n’avait jamais porté de nom et j’ai conseillé à ses nouveaux propriétaires de lui en donner un.
Ils ont choisi Félicité.
Un très joli nom porté par aucune autre villa d’Arcachon.
Félicité comme pour dire la maison du bonheur.
Alors que je crois qu’elle se nomme Félicité parce que c’est le nom d’une toute petite île de l’Océan Indien où se couple se serait rencontré.
Bien sûr, chacun est libre de donner le nom qu’il veut à sa maison.
Mais en Ville d’Hiver ce nom fait partie de l’histoire du quartier et changer le nom de sa villa c’est un peu s’attaquer à cette histoire.
Si bien que le meilleur choix pour le nom de sa villa, c’est certainement de conserver celui d’origine. D’ailleurs on dit que changer le nom de son bateau porte malheur, pourquoi ne serait-ce pas la même chose pour celui de sa villa ?
Arcachon, septembre 2023.
Jean-Pierre Ardoin Saint Amand