Chronique n° 095 – L’ascenseur social s’installe

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Avant que d’aborder les nouvelles querelles qui vont envenimer des relations depuis longtemps tendues entre Arcachon et La Teste, offrons-nous quelques moments de sérénité intellectuelle. Et d’abord avec l’évocation de l’histoire des établissements d’enseignement secondaire dans la cité. Deganne, dont un Arcachonnais inconnu mais laudatif, écrit en 1883 “qu’il a deviné l’importance d’un collège destiné aux enfants chétifs et étiolés”, offre quatre hectares de forêt. Il y fait construire des bâtiments où, en 1864, fonctionne le collège Saint-Ferdinand, le saint de référence étant le prénom du cardinal Donnet. L’abbé Rozié le dirige jusqu’en 1868, quand il se fâche avec Deganne et ouvre une école concurrente mais qui fait fiasco. M. Baillemont, ancien chef de bataillon du génie, le remplace et le préfet lui accorde l’ouverture de l'”École internationale et navale d’Arcachon”.

La guerre de 1870 casse ce rêve, caressé depuis longtemps et qui avait vu le jour, en 1843, à La Teste, sous la direction de l’abbé Sabatier. Mais, avec seulement quarante-cinq élèves, l’école n’est pas rentable et part pour Bordeaux, en 1848. En 1871, le père dominicain Baudrand en reprend l’idée et, sous l’égide d’une société anonyme, il ouvre “l’Ecole centrale maritime”, installée dans deux maisons du Moulleau, en 1871, “malgré les tendances anticléricales du conseil municipal”. Cependant, en sous-main, il lui délivre une subvention de 100 000 francs.

En 1876, Deganne vend, ou loue, son collège à la Société anonyme qui y installe l’école. Elle devient, en 1880, le collège “Saint-Elme”, portant le même nom que le trois-mâts, le bateau-école qu’il possède. Le père Baudrand dirige l’institution jusqu’à sa mort prématurée en 1883. Un personnage très estimé, ce père Baudrand qui, dès 1871, avait écrit : “Si la discipline se restaure en France, si les états-majors étudient et si les services matériels s’organisent, on doit battre les Allemands à plate couture, d’ici dix ans”. Autant que les laïques “Hussards de la République”, il contribue donc à insuffler, chez ses élèves, entre autres valeurs morales, cet esprit de revanche qui contribuera à l’explosion de la Grande guerre …

Autre guerre : avec l’exode de celle de 1940, des classes du lycée bordelais Michel-Montaigne se réfugient dans la villa “Graigcrostan”, en ville d’hiver. Dès lors, Arcachon ne laissera plus partir son lycée public. Il fonctionne ainsi, en annexe puis autonome, jusqu’à l’ouverture du “Lycée Climatique”, dans un parc forestier de seize hectares appartenant à l’État. Le 11 septembre 1947, on y pose la première pierre de robustes constructions, largement ouvertes sur la forêt, agrémentées de rotondes, de terrasses circulaires et d’escaliers majestueux. Malgré quelques problèmes liés à des crédits hésitants qui modifient quelques détails d’orientation géographique de l’établissement, les premiers élèves, garçons et filles – une mixité encore rare à l’époque – y entrent en 1950. C’est la concrétisation d’un projet attendu depuis 1896, quand le docteur Pauliet propose la création d’un lycée sanatorium. En 1902, sur proposition du docteur Bourdier et de M. Marot, le Conseil d’arrondissement de Bordeaux, reprend l’idée de Pauliet et émet le vœu que l’État installe à Arcachon un lycée de ce type, destiné aux jeunes de santé fragile. Le tout sans succès.

Par ailleurs, avant la guerre de 1914, l’école du Centre, baptisée “Condorcet” en 1898, ouvre un Cours complémentaire mixte. Cependant qu’y existent aussi, depuis des décennies, des “Cours municipaux professionnels”, destinés aux apprentis, Condorcet développe, notamment après 1945, des sections professionnelles et commerciales, ancêtres de l’actuel lycée technique et hôtelier, ouvert, lui, en 1964. Ces structures feront fonctionner à plein rendement l’ascenseur social. Dans les années 60, les classes d’enseignement général partiront pour le collège “Victor-Duruy”, devenu “d’Enseignement secondaire”. Il forme, en 1998, un collège départemental, avec les classes de premier cycle du lycée et baptisé, malgré certaines réticences inquiétantes, “Marie-Bartette”, du nom d’une déportée arcachonnaise, pour faits de résistance. C’est une autre histoire.

 À suivre…

Jean Dubroca

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