Chronique n° 048 – Eyrac-San Sebastian, direct.

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Maintenant, en 1841, alors que les trains sifflent sur La Teste, commence une période charnière, essentielle pour le développement d’Arcachon. Car le succès de la nouvelle ligne de chemin de fer est remarquable, du moins l’été. Un dimanche de juillet 1843, les contrôleurs vérifient quatre cents billets pour La Teste, dans le train spécial à prix réduits qui part de Bordeaux à 7 heures et quitte La Teste à “8 heures du soir”, comme on disait à l’époque. C’est ce qu’on appelle les « trains de plaisir », dont les tarifs vont de 6 francs à 3 francs, selon les classes. Pour la Sainte-Anne de 1846, la seconde fête patronale arcachonnaise, en juillet, trois convois, dont l’un de sept cents voyageurs, quittent Bordeaux.

Arrivés à La Teste, les voyageurs se hâtent vers la station de bateaux, installée dans un chenal creusé par les soins de la municipalité.

Il aboutit un peu au sud du port actuel, en face de l’espace qui remplace l’hôtel Ostréicole. Ce qui évite de se rendre, à pied ou en carriole, à l’ouest des prés salés. On embarque tout le monde dans des flottilles de bateaux qui naviguent jusqu’à Eyrac. Parfois, à mi-marée, il faut que les marinières transportent les voyageurs dans leurs bras et il est même arrivé que l’un d’eux, un gros Hollandais, tombe à l’eau. Et voilà, de plus, que de sales drôles lui ont caché ses vêtements qu’il avait mis à sécher. C’est tout juste si l’on n’en parle pas encore dans les cabanes du port testerin ! Arrivés à Eyrac, les visiteurs se répandent dans la forêt ou s’installent sur la plage, dans ce grand bonheur qu’Arcachon dispense depuis lors, chaque dimanche d’été. On pique-nique à l’ombre mais les plus riches déjeunent chez Lesca, chez Gailhard (ou Gaillard) ou chez Legallais.

Parfois, comme le fait en 1843, cité par Jacques Ragot, un certain Hippolyte Meunier, qui n’est pas insensible au charme musclé des jeunes Testerines, il est possible de naviguer sur une pinasse jusqu’au cap Ferret. Là, en ce lieu, beau et sauvage comme un premier matin du monde, on monte au phare construit depuis trois ans, on mange fort bien et l’on boit du champagne sous les pins puisque l’eau saumâtre de certains puits est imbuvable pour un gosier bordelais. Le soir, on fait une escale et une prière à la chapelle Notre Dame. Puis l’on revient jusqu’à La Teste, à bord d’un convoi maritime composé de tilloles et de pinasses qui hissent la voile quand le vent souffle du noroît. L’Histoire n’a retenu aucun naufrage, ce qui semble tenir, non du miracle, mais bel et bien des qualités de navigateurs des gens du Bassin qui, de tous temps, le connaissent parfaitement.

Pour attirer encore plus de voyageurs, la Compagnie du chemin de fer imagine une ligne vers l’Espagne. A partir de juillet 1846, un steamer, doté de « cabines fermées pour les dames », gagne Bilbao, avec escale à Saint-Sébastien, chaque mardi et retour le jeudi. En août 1850, la compagnie imagine même un billet spécial pour assister aux courses de taureaux à Bilbao, avec traversée de nuit, à bord du vapeur « Francia ». On le constate, des formes modernes de tourisme se mettent en place et il faut ici noter la farouche volonté commerciale de la Compagnie de chemin de fer bordelaise de réussir son entreprise. En 1848, elle imagine un nouveau service : le steamer « Le Gaulois » qui met Bayonne à douze heures de Bordeaux, via La Teste. On voit donc souvent, devant Eyrac, des bateaux à vapeur de deux cents tonneaux, “avec toutes les commodités à bord”, appareillant pour l’Espagne. Mais voilà qu’en 1852, le 28 août, un décret autorise la construction de la voie ferrée Bordeaux-Bayonne ! Une décision qui va tout changer pour Arcachon, ainsi que pour La Teste. Mais c’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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