Bivalve volontiers voyageur : l’huître arcachonnaise

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Petite causerie vespérale relative à un bivalve volontiers voyageur : l’huître arcachonnaise
Après les causeries consacrées successivement à une espèce menacée, l’ostréiculteur arcachonnais, puis à un espace menacé, le parc ostréicole de la même origine, voici le tour de l’huître du même tonneau.
Je ne me risquerais pas à lasser le lecteur aussi numérique qu’HTBoïate en évoquant des faits bien connus de lui, à savoir : la quasi-disparition des gisements d’huîtres sauvages (la plate) au début du XIXe siècle causée par une prédation humaine trop importante ; la venue de Coste en 1859 ; la création des parcs « impériaux » l’année suivante ; la tuile chaulée de Michelet ; l’arrivée de la « portugaise » en 1857 ; en 1971 le secours de la « japonaise », qui sauva l’ostréiculture arcachonnaise ; les coupelles plastiques voyageuses remplaçant les tuiles de captage et les « poches plastiques », tout aussi volages, se substituant aux ambulances ; l’arrivée de la triploïde de l’Ifremer ; et puis la dégringolade des productions locales, passant de la seconde place des productions nationales encore en 1969 au sixième rang aujourd’hui (l’avant-dernière place très légèrement devant les productions méditerranéennes) ; les problèmes de surmortalité ; l’épisode croquignolesque du test de la souris ; etc.
Non tout ceci a été rabâché et je ne m’y attarderais pas. Parlons plutôt de choses très simples et pourtant ignorées par beaucoup (et même quelquefois par les vendeurs) : comment choisir ses huîtres d’Arcachon chez le marchand.
Tout d’abord la provenance. L’HTBoïate attentif aura certainement remarqué qu’à la différence de ses voisines de Marennes-Oléron, l’huître arcachonnaise ne s’embarrasse pas d’une quelconque certification IGP (indication géographique protégée) par trop contraignante — l’arcachonnaise est bien au-dessus de ses basses contingences matérielles — et qu’il lui faudra donc naviguer à vue entre les caouennes. Sait-il qu’il suffit d’un stage de troisième — en principe les huîtres sont commercialisées durant leur troisième année d’existence —, d’une durée de six semaines pour métamorphoser un brave coquillage de Marennes, de Bretagne, voire même d’Irlande en huître coiffée d’une benaise, vous parlant d’estey et de cayok comme si elle avait toujours vécu dans la Petite mer de Buch ? C’est assurément un meilleur résultat que tous les stages linguistiques façon « À nous les petites Anglaises », mais l’HTBoïate comprendra alors comment le Banc d’Arguin et ses 45 petits hectares de parcs ostréicoles parviennent à fournir la majeure partie des huîtres issues des 780 hectares de parcs arcachonnais.
Ensuite le calibre (de zéro à cinq). Le pékin moyen imagine que le calibre est fonction de la taille de l’huître, or le calibre n’a rien à voir avec celle-ci, mais tout avec la masse (le poids) du coquillage : de 30 grammes pour les plus légères à plus de 150 grammes pour les plus lourdes — ce qui explique que la palourde ne puisse bénéficier du même traitement puisqu’elle n’est pas lourde (merci Carambar). D’une part, une huitre d’une taille relativement imposante n’est pas forcément lourde. D’autre part le poids de la coquille étant beaucoup plus important que celui de la chair de l’animal, lorsqu’on achète des huîtres, on paye surtout les coquilles (particulièrement pour les arcachonnaises qui sont généralement dotées d’une très belle coquille). Cet indice ne suffit donc pas à savoir ce qu’il y a à l’intérieur de la coquille et nous arrivons alors au point suivant.
Une mention qui est théoriquement indispensable, mais que beaucoup de professionnels négligent de communiquer : spéciales ou fines. L’Huître dite « spéciale » est définie par son indice de chair, ce qui indique en l’occurrence que sur 100 % de l’animal (coquille comprise) on compte plus de 10.5% de chair. Ces huîtres sont conséquemment les plus charnues et l’amateur trouvera alors autant à se contenter dans des « trois spéciales » que dans des « deux fines ».
Enfin, vient la question qui fâche, triploïdes ou diploïdes — c’est-à-dire issue de mamans huîtres génétiquement modifiées par l’Ifremer ou d’huîtres « naturelles » ? Nous entrons là dans le règne du flou artistique puisque rien n’oblige l’ostréiculteur à le préciser… et il ne le fait donc pas. Seul les labels « bio » (un seul ostréiculteur sur le Bassin) ou « traditionnels » (à ma connaissance, 17 producteurs) permettront à coup sûr au consommateur HTBoïate de ne pas se fourvoyer dans la manipulation génétique.
N’évoquons pas ici les pratiques ostréicoles d’antan telles que le captage du naissain sur tuiles chaulées (en voie de disparition) ou l’élevage au sol (aujourd’hui rarissime), aucun label ne l’indiquera. Quant à la garantie que l’huître que vous consommerez sera bien née dans le bassin d’Arcachon et aura été élevée toute sa courte vie à cet endroit, seules celles labelisées « huitres traditionnelles », ou la bonne foi de votre ostréiculteur préféré, vous le garantiront.
En terme de traçabilité, n’importe quel produit acheté chez Lidl vous offrira plus de garanties, mais c’est justement là que réside le charme (et les surprises) de ce produit de luxe qu’est l’huître arcachonnaise.
Thierry PERREAUD

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Aimé

Un commentaire

  1. Juste pour indiquer que l’IGP Marennes Oléron, c’est la même, ça vient de Bretagne ..

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