Chemin de fer de Bordeaux au Barp

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‎1875 – Société en commandite par actions du Chemin de Fer d’intérêt local projeté de Bordeaux au Barp, avec embranchement sur Léognan à établir sur la grande route de Bordeaux à Bayonne avec prolongements jusqu’à Belin et au Muret, et embranchement pour desservir le bourg de Salles par La Vignole

Guide Pittoresque et Descriptif avec une Carte représentant la ligne projetée et les communes situées entre Bordeaux, Belin et ses environs.‎

Le 20 janvier 1880, par devant Me Ballan, Notaire à Gradignan, soussigné, a comparu M. Jean Lacou, demeurant à Bordeaux, lequel a dit qu’ayant depuis longtemps le projet d’établir un Chemin de fer, genre tramway, dit Chemin de fer Mixte, voie ferrée établie soit au milieu, soit sur l’un des accotements de la route nationale n° 132, entre le boulevard de Talence et le bourg du Barp, avec un embranchement sur Léognan et prolongement au besoin jusqu’à Belin et ensuite jusqu’au Muret, il a déjà fait sa demande en concession à qui de droit, etc.

Avec prolongement vers la Garonne, au milieu des boulevards de Talence, de Bègles et de J.-J. Bosc.

Les villages, bourgs ou villes traversés sont Talence, Gradignan, Canéjan, Cestas, Saucats sur sa limite et Le Barp. À Gradignan, au lieu de Cayac, aura lieu un embranchement sur Léognan qui sera établi sur l’un des accotements des chemins vicinaux qui traversent le bourg de Canteloup, dans la commune de Gradignan, et celui de Bel-Air, dans celle de Léognan.

La route nationale n° 132 étant presque droite entre le boulevard de Talence et Le Barp, il n’est pas utile d’indiquer le rayon des courbes, qui sont sans objet pour l’établissement de la voie ; il en est à peu près de même pour l’embranchement sur Léognan, sauf le point de raccord à Cayac qui ne pourra se faire qu’au moyen d’une petite courbe en traversant le ruisseau de l’Eau-Bourde, sur un pont qui sera construit tel que l’Administration l’entendra.

Les rampes de la route nationale n° 132 ne sont qu’au nombre de deux, celle de Gradignan à Lange ou Saint-Géry et celle de Cayac à La House ; leur déclivité n’étant pas excessive elle pourra, en cas d’urgence, être facilement ramenée à 30 millimètres par mètre par l’Administration des ponts et chaussées.

Celles des chemins vicinaux de Gradignan à Léognan sont au nombre de trois, savoir : de Cayac à Canteloup, celle de Bel-Air et celle de Depiot à La Tuilerie ; ces rampes peu prononcées pourront être facilement franchies par la force des machines, et, en cas de besoin, il serait aussi très facile de les rectifier à peu de frais par l’Administration de la commune de Léognan.

Les rails à patins et à empâtement avec traverses en fer, de notre système, pourront être établis sur pierres si l’Administration supérieure admet ce système, différemment ils seront établis sur longrines en bois avec traverses en fer. Les longrines seront en bois dit pitchpin d’Amérique, ou sapin rouge de Suède, ou de pin injecté, elles auront environ 5 mètres de longueur, 18 à 20 centimètres de largeur sur 7 à 8 d’épaisseur, elles seront entaillées à demi bois, bout à bout ou reliées par des traverses en fer ayant un T à chaque extrémité, lequel T sera entaillé de façon à maintenir les longrines bout à bout au moyen de fortes vis fixant les têtes des traverses sur lesdites longrines.

D’autres traverses portant têtes d’éclisses coudées serviront à relier les rails intérieurement et seront aussi vissées sur le côté des longrines, ces traverses en fer seront placées à 2 m 50 de distance et boulonnées sur pierres établies au milieu de l’entre-rail et enterrées dans le sol, de cette façon l’écartement de la voie sera parfaitement maintenu.

La traction sera faite à l’aide de machines à air comprimé, ou de locomotives à vapeur ou de tout autre système approuvé et autorisé par l’État. Si c’est par locomotives à vapeur, pour diminuer l’empreinte carbone, les machines brûleront leur fumée et auront leur foyer établi tel que le comportent les lois, ordonnances et décrets en pareille matière.

La charge par essieu sera d’environ 7 tonnes ; dans les traverses habitées la vitesse des trains sera réduite à celle d’un homme marchant au pas, et, pour plus de sécurité, un pilote-éclaireur, muni d’une corne ou d’une trompe, et tenant un signal rouge à la main, précédera la machine à 50 mètres en avant, afin d’avertir de l’approche du train, faire dégager la voie en cas d’encombrement quelconque et au besoin faire arrêter le train.

Les gares et stations seront de trois classes, selon l’importance des lieux où elles devront être établies, savoir :

1° D’un abri pour voyageurs avec bâtiment de station ;

2° D’une halle fermée à marchandises avec son quai d’embarquement;

3° D’une cour d’accès au besoin, située entre les bâtiments de la route.

Il y aura en outre toute partie de voie nécessaire avec plaque tournante pour faciliter le chargement des marchandises avec gabarit de chargement.

Les gares de moindre importance se composeront d’une simple halle-abri pour voyageurs et d’un petit quai de chargement pour marchandises avec voie de garage, le tout sera manœuvré par le personnel des trains tel qu’il sera expliqué ci-après :

La recette sera faite dans les trains et pendant le parcours pour les voyageurs, des stations secondaires et des haltes ou arrêts.

Les colis en messageries seront reçus et expédiés par les soins d’un commissionnaire accrédité dans chaque localité auprès de la Compagnie. Ce commissionnaire sera aussi chargé de distribuer à domicile et déchargera ainsi la Compagnie de détails onéreux, tout en satisfaisant mieux le public par suite de sa connaissance complète de tous les habitants et des coutumes des localités que les voies traverseront ou desserviront.

Pour éviter un transbordement onéreux pour les voyageurs et les wagons renfermant leurs colis, à la jonction de la ligne avec celle des tramways de Bordeaux, il y aura lieu de la part de cette dernière Compagnie de faire procéder à la pose d’une troisième file de rails déterminant avec l’un des rails de la voie actuelle une voie réduite à 90 centimètres.

De la sorte les trains de voyageurs et leurs colis, sans rompre charge, pourront venir directement du Barp et de Léognan à Bordeaux, soit à la place d’Aquitaine, par la route de Bayonne, soit à la place Magenta, par le chemin de Saint-Genès : une entente devra avoir lieu à cet effet entre les deux Compagnies, et si celle des tramways de Bordeaux refusait toute entente, celle de Bordeaux au Barp verrait à prendre ses dispositions pour obtenir de l’Autorité supérieure le droit de continuer la voie jusqu’aux limites qui seront désignées dans la ville de Bordeaux.

Pour faciliter le transport des marchandises venant du côté de Belin avec les navires en rade de Bordeaux et les gares du Midi et d’Orléans, il sera établi un prolongement de voie ferrée au milieu des boulevards de Talence, de Bègles et J.-J. Bosc, de façon que, depuis la gare du boulevard de Talence, les trains de marchandises puissent, sans rompre charge, arriver sur le quai de Bègles, et, ensuite, à la gare de Brienne.

Cette voie ferrée à établir sur les boulevards et sur les quais longeant la Garonne, a déjà été l’objet d’une demande à l’autorité supérieure par le même demandeur-en concession.

Les lignes du boulevard de Talence au Barp et de Gradignan à Léognan sont appelées à rendre de grands services à la ville de Bordeaux et aux communes de Talence, Gradignan, Léognan, Canéjan, Cestas, Saucats, le Barp, Salles, Mios, Beliet, Lugos et Belin.

Les stations les plus importantes de la ligne seront au nombre de deux, situées près le boulevard de Talence et au Barp ; cette dernière renfermera le dépôt central des machines et du matériel, et celle du boulevard sera très importante en raison des marchandises qu’elle recevra.

Les autres stations se composeront d’une halle-abri et d’un quai à marchandises sur simple voie de garage.

D’autres moins importantes où se formeront de simples arrêts n’auront qu’un abri où les voyageurs attendront le passage du train.

La surface des terrains nécessaires pour chaque halle-abri avec quai d’embarquement peut varier entre 10 et 20 ares.

La superficie totale des terrains nécessaires pour l’établissement des stations, halles-abris, arrêts et dépôts, peut être évaluée à 4 hectares.

Les dépenses de construction de toutes sortes des lignes de Bordeaux, boulevard de Talence au Barp et de Gradignan à Léognan, et les revenus que pourront donner ces mêmes lignes aux actionnaires de la Compagnie, sont établis dans la brochure annexée au présent mémoire descriptif et cahier des charges.

La raison de la Société en commandite par actions et la signature sont : « Jean Lacou et Cie ». Le siège de la Société sera à Bordeaux.

Le fonds social est fixé à un million cinq cent mille francs, divisés en trois mille actions de cinq cents francs chacune, pour la ligne entre Bordeaux et le Barp et l’embranchement sur Léognan, et à trois millions de francs divisés en six mille actions de cinq cents francs chacune, si la ligne est prolongée jusqu’à Belin et au Muret.

La route nationale n° 132 ayant une largeur de 12 à 14 mètres, on peut facilement y établir dessus et au milieu même de la chaussée une voie ferrée de 90 centimètres à 1 mètre de largeur. Dans ces systèmes de lignes ferrées à voie étroite, les wagons et voitures de voyageurs sont en rapport, comme construction, à l’établissement de ces voies, et leur largeur n’excède pas 2 mètres, ce qui est bien suffisant pour ce genre de véhicules à banquettes longitudinales.

La voie ferrée établie ainsi au milieu de la chaussée, il reste encore, de chaque côté de la route, un espace plus que suffisant pour la libre circulation des véhicules de toutes sortes.

Lorsqu’une voie ferrée est ainsi établie au milieu d’une route, un règlement de police doit intervenir, enjoignant à tous les conducteurs de véhicules et d’animaux de prendre toujours la droite de la route ; de cette façon, aucune rencontre ne peut avoir lieu, et, par conséquent, les accidents ne sont plus à redouter. Il y a donc toute sécurité tant pour l’exploitation de la voie ferrée que pour la circulation des véhicules sur les côtés de la route.

Ce n’est que sur des routes et chemins ayant moins de dix mètres de largeur que l’on est forcé d’établir des voies ferrées sur l’un de leurs accotements. Mais comme sur ces routes, désignées sous les noms de chemins ruraux, vicinaux ou communaux, il circule très peu de véhicules, la voie ferrée, établie sur un de leurs accotements, ne porte pas autant de préjudice à leurs riverains comme à ceux des grandes routes où la circulation est toujours incessante.

Ainsi donc, une voie ferrée établie au milieu d’une route ayant plus de 10 mètres de largeur ne gêne en rien la circulation des véhicules ; elle favorise au contraire cette circulation par le règlement de police, qui prescrit à tous les conducteurs de véhicules et d’animaux de toujours prendre la droite de la route sur laquelle se trouve établie une voie ferrée.

Les voies étroites offrent donc plus de sécurité ; les machines ont moins de poids mort à traîner ; les courbes des petits rayons se franchissent plus facilement, on use moins les rails, les roues, les mouvements et ressorts ; les machines ont aussi plus de force pour monter les rampes, et, avec une voie étroite, l’on obtient 30 p. 100 sur les frais d’établissement de l’assiette, 40 p. 100 sur ceux de terrassements et des travaux d’art, et 50 p. 100 sur le matériel roulant.

Il existe dans le Ffestiniog, au nord du pays de Galles, une voie ferrée qui n’a que 60 centimètres de largeur. Les machines du système Fairlie (roues motrices sur des boggies) remorquent des trains de marchandises (principalement des ardoises) et voyageurs de 360 mètres de longueur ; cette voie ferrée, établie depuis 1870 sous la direction de l’ingénieur Spooner, donne d’excellents revenus à ses actionnaires.

Ainsi l’Angleterre, la Suède, la Russie et les États-Unis d’Amérique, surtout, ne construisent plus sur les routes et chemins, et même à travers champs et bois en grande partie, que des voies étroites de 60 centimètres à 1 mètre de largeur. C’est un système très économique et ne pouvant donner que de bons résultats aux Compagnies qui en feront l’application.

Par cet établissement de voie ferrée, au milieu d’une route, les riverains n’ont pas le grand désagrément et presque continuel, de voir l’accès de leurs propriétés presque toujours interrompue et parfois d’une façon dangereuse par le passage des trains qui effleurent souvent leurs habitations lorsque la voie est établie sur l’un des accotements, car, dans ce cas, ils ne peuvent pas toujours se promener librement au-devant de la porte de leur logis, étant toujours inquiétés par le passage de ces trains.

Pour les tramways ou chemins de fer ordinaires à établir sur les routes, les voies étroites sont toujours préférables. Nous approuvons en cela les explications fournies par M. Caillaux, ex-ministre des travaux publics : « La voie étroite permet de réduire dans une large proportion le poids mort transporté, elle possède d’ailleurs une remarquable flexibilité grâce à laquelle on peut réduire le rayon des courbes, etc. » Si les rails des tramways peuvent très bien être établis dans les villes à niveau du sol des rues où la circulation incessante des voitures et véhicules de toutes sortes ont besoin d’aller constamment d’un côté de rue à l’autre, il n’en est pas de même pour les voies ferrées à établir au milieu des routes de banlieue. Les rails à établir au milieu de ces routes doivent, au contraire, être maintenus à 3 ou 4 centimètres en dessus du niveau du sol, afin d’éviter précisément que les véhicules ne puissent circuler au milieu de la voie ferrée et occasionner parfois des accidents qui pourraient devenir fréquents si la voie était libre à toute circulation et à tout passage.

Il arrive souvent que des véhicules sont conduits par des femmes (déjà à cette époque !), d’autres par des jeunes gens inexpérimentés, d’autres par des conducteurs qui s’endorment sur leurs sièges ; d’autres attelages sont conduits par des animaux rétifs, indociles ou nonchalants ; d’autres conducteurs, soit par entêtement, soit par inadvertance, peuvent aussi se trouver à suivre la voie ou vouloir la traverser sans motifs ; de là, il peut survenir des rencontres, des accidents, tandis que si les rails sont en saillie du niveau du sol c’est une petite barrière qui s’impose toujours aux véhicules qui voudraient, ou suivre le milieu de la voie ou la traverser par cette application au milieu de la route de rails formant saillie tout danger est écarté, et la sécurité devient parfaite.

Quand une voie ferrée est ainsi établie au milieu d’une route facilitant tous les moyens de transport de marchandises et service de voyageurs et pouvant ainsi donner toute satisfaction à des intéressés, les véhicules ne circulent plus sur cette route qu’en très petit nombre, ce sont seulement des carrioles de boulangers ou de blanchisseuses que l’on peut remarquer, il s’ensuit de là, que les rares véhicules qui ont besoin de circuler sur la route n’ont pas besoin de traverser à chaque instant la ligne ferrée, c’est pour cela qu’un pavage général de la voie devint inutile en pavant seulement la largeur de tous les chemins qui croisent la voie ou qui y font leur jonction, établissant en outre tous les kilomètres un pavage de 6 mètres de largeur sur toute la largeur de la chaussée afin de faciliter à travers la voie le passage des véhicules. C’est plus que suffisant pour la libre circulation de ces véhicules, qui ne peuvent que faire attention lorsqu’ils voudront ainsi traverser la voie, ils peuvent par ce moyen éviter facilement tout danger et les accidents ne pourraient avoir lieu qu’au détriment de ceux qui aurait manqué de prudence.

La voie ferrée sur la route nationale n° 132, sera donc établie au milieu même de la chaussée, les rails seront élevés de 4 centimètres au-dessus du niveau du sol, un pavage aura lieu en face de chaque chemin qui aboutira à la voie ou la croisera, et il sera établi en outre un pavage de 6 mètres de largeur tous les kilomètres afin de faciliter le passage des véhicules.

En faisant ainsi au pavage tous les kilomètres ainsi qu’à la jonction et au croisement de toutes les routes ou chemins avec la voie ferrée, la dépense de ce pavage peut être facilement supportée par un concessionnaire ; tandis que s’il fallait paver tout l’entre rail de la voie ainsi qu’une certaine zone de chaque côté, ce pavage général peut coûter : 15 fr par mètre carré, soit environ 30 000 fr par kilomètre, il est impossible dans ces conditions de trouver des Compagnies pour accepter de pareils frais d’établissement, et par cela même les voies ferrées sur routes ne pourront avoir lieu.

Je crois qu’on devrait donc laisser toute liberté à un demandeur en concession pour établir des voies ferrées sur routes en ne faisant de pavage que de la façon que nous venons d’indiquer.

Dans la brochure que nous venons de publier avec cartes, plans et dessins sur les Tramways et voies ferrées diverses à établir sur routes, on pourra se rendre compte de la valeur et de l’économie des voies étroites d’après l’opinion des plus grands ingénieurs français, anglais, russes, autrichiens, suédois, italiens et américains avec la description d’une quantité innombrable de voies étroites déjà établies en Europe et dans l’Amérique du Nord.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9614816d/

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9767840m

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Raphaël

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