Nous voilà maintenant sur ces chemins abrupts et difficiles suivis par les tribus qui ont peuplé la vallée de l’Eyre, près des bords du futur Bassin, dans les temps reculés des âges de bronze et du fer. Le bouillonnement germanique, on l’a raconté, a lancé de grosses vagues migratoires vers l’ouest de l’Europe.
Au début du septième siècle avant notre ère, s’est donc installé ici un premier flot de peuples venu de l’Allemagne méridionale. Cent ans après, un second arrive, qui ajoute l’élevage à l’agriculture. Composées d’une vingtaine de groupe ethniques disposées à travers l’Aquitaine, ces migrations vers le sud se sont faites, sans GPS, le long de routes bien connues. Celles, qui, depuis l’âge du bronze, formaient les chemins du sel, suivis par ceux qui allaient chercher cette denrée précieuse, le sel, l’indispensable sel, qu’on trouvait ici. Après l’avoir extrait par évaporation de l’eau de mer, on en faisait un fructueux commerce. En somme, on avait affaire à des précurseurs du marquis de Civrac, cet Audengeois qui créa des marais salants au 18e siècle mais qui fut ruiné par les Charentais, comme chacun le sait, méchants, jaloux et fort bien en cour. N’en parlons plus avant de paraître de mauvaise foi.
D’autant plus qu’il faut en revenir à nos tribus. On ne sait pas grand-chose sur leur organisation. Par contre, on sait que les invasions successives ont été de lentes infiltrations, ouvertes par de petites bandes de cavaliers. Ils étaient bien armés, les bougres, car ils contrôlaient le fer depuis longtemps. Donc, ils inspiraient, sinon le respect, du moins une grosse trouille. Ainsi, durant le deuxième âge du fer, vers 450 avant Jésus Christ, précédés depuis des décennies d’une fâcheuse réputation, car prompts au mauvais coup et à la torniole rapide, des peuples au mauvais caractère, originaires d’Europe centrale, les Celtes, qui deviendront des Gaulois, descendent les vallées des grands fleuves européens avant de tenter de s’approcher de l’Eyre. Tenter seulement …
Ces groupes, déjà fort bien organisés socialement, comptent, comme dans toute bonne société libérale avancée : un conseil des Anciens, des soldats dévoués à de petits chefs héréditaires, des nobles guerriers devenus, par la force et par l’hérédité, de riches propriétaires privilégiés avec des esclaves qui travaillent dur et installés dans des sites bien choisis pour vivre confortablement, favoriser les échanges, se défendre et perpétuer le système. La preuve : ils fondent Bordeaux vers le troisième siècle avant notre ère et ils ont eu un sacré coup d’œil, pertinent autant que cupide, pour dénicher un site, géographiquement si parfait, qu’on a pu y développer l’une des plus grandes métropoles de la France actuelle, si utile et même tout à fait indispensable, aujourd’hui comme hier, au plus grand bien du petit commerce local. C’est une autre histoire.
À suivre …
Jean Dubroca