Cette carte, longue de de 2,75 mètres de côté, est sans doute la plus grande carte mondiale jamais réalisée au XVIe siècle. Elle a été dessinée à la main par Urbano Monte (1544-1613) en 1587 à Milan, et il n’existe qu’une seule autre copie manuscrite, à Milan. Urbano Monte est un érudit milanais qui tente de présenter dans un atlas unique l’état des connaissances géographiques de son époque. Cet ouvrage – qui existe en trois exemplaires –
est constitué de 60 feuillets destinés à être assemblés pour former une carte monumentale, ce que personne n’a réalisé jusqu’à maintenant. Urbano Monte a fait sa carte pour servir non seulement d’outil géographique mais aussi pour montrer le climat, les coutumes, la longueur de la journée, les distances à l’intérieur des régions, éclipses, la longueur des journées à différentes latitudes, et des informations politiques sur les leaders mondiaux et des descriptions écrites de pays et d’endroits importants du monde en d’autres termes pour créer un planisphère scientifique universel. Urbano Monte utilise une projection circulaire très inhabituelle de la Terre à partir du pôle Nord techniquement appelée projection équidistante azimutale. « La projection n’avait jamais été utilisée auparavant à une échelle aussi grande, dit Rumsey, car Monte croyait qu’elle montrait le monde plus fidèlement que, […] la projection Mercator ». Monte voulait montrer la Terre entière aussi près que possible d’une sphère tridimensionnelle en utilisant une surface bidimensionnelle. Sa projection le fait, malgré les distorsions autour du pôle sud. Ces mêmes distorsions existent dans la carte du monde de Mercator, et par leur proéminence sur la carte de Monte, ils lui ont donné une vaste zone pour se livrer à toutes les spéculations sur l’Antarctique qui prolifèrent dans les descriptions géographiques au XVIe siècle. Rumsey soutient que cette projection polaire donne une meilleure idée des relations entre la terre et les masses d’eau que celle de Mercator, même si cette dernière est devenue la norme « en raison de sa capacité à mesurer avec précision la distance et le relèvement ». Dans sa dédicace de la Table XL, il spécifie comment organiser les feuilles du planisphère et rend explicite que toute la carte doit être collée sur un panneau de bois 5 et demi carré de brachia[1] (environ dix pieds) afin qu’elle puisse tourner autour un pivot central ou une broche à travers le pôle nord. Cela n’a jamais été fait, mais maintenant nous pouvons le faire virtuellement ; pourtant, depuis 430 ans, personne ne l’a jamais vue sous cette forme…
En septembre 2017, le grand collectionneur américain David Rumsey acquiert le second exemplaire de cet atlas, et fait scanner chaque feuillet. Grâce à un travail informatique, la carte complète est reconstituée, et son fac-similé fait l’objet d’une présentation à l’université de Stanford[2].
Cette carte est étonnante à bien des égards. Sa représentation circulaire, par exemple, est très inhabituelle pour l’époque.
La Rochele en lieu & place d’Arcachon et London-sous-Brest !
Il s’agit d’une projection azimutale polaire qui n’est popularisée qu’au siècle dernier et que l’on retrouve notamment sur
l’emblème de l’Onu, une forme souhaitée par le cartographe afin de faciliter sa consultation sur une table rotative.
Autre signe de modernité, Urbano Monte intègre – en s’appuyant sur les travaux de grands cartographes – toutes les terres récemment découvertes. On notera à quel point la plupart des continents y sont correctement représentés. On y distingue néanmoins toutes les approximations de l’époque. Le pôle Nord est ainsi représenté sous forme de quatre îles, selon une description vraisemblablement inspirée de la Genèse.
Urbano Monte parsème sa carte d’un bestiaire fantastique : des licornes, des centaures, des sirènes, et même un oiseau s’envolant avec un éléphant entre les serres… Piètre dessinateur, Urbano Monte s’est clairement inspiré d’autres cartographes – notamment Michele Tramezzino – pour esquisser ces monstres. La copie est rarement à la hauteur de l’original…
https://leblob.fr/archives/une-vision-du-monde-au-xvie-siecle
https://owdin.live/2018/01/05/explorez-la-plus-grande-carte-du-monde-du-debut-de-lhistoire/.
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Tavola Quinta, Che Ha Sua Superiore La Tavola Prima. Libro Terzo.
[1] – Le braccio est une mesure italienne propre à chaque cité, valant 59,5 cm ; correspond à la « brasse ». Jusqu’au XVIIIe siècle il n’existe aucun système de mesure unifié. Malgré les tentatives de Charlemagne et de nombreux rois après lui, visant à réduire le nombre de mesures existantes, la France compte parmi les pays les plus inventifs et les plus chaotiques dans ce domaine. En 1795, il existe en France plus de sept cents unités de mesure différentes. Nombre d’entre elles sont empruntées à la morphologie humaine. Leur nom en conserve fréquemment le souvenir : le doigt, la palme, le pied, la coudée, le pas, la brasse, ou encore la toise, dont le nom latin tensa – de brachia – désigne l’étendue des bras. Ces unités de mesure ne sont pas fixes : elles varient d’une ville à l’autre, d’une corporation à l’autre, mais aussi selon la nature de l’objet mesuré…
[2] – À noter que cette carte est accessible gratuitement sur le site de David Rumsey ; une version modifiée permet même de la consulter directement sur Google Earth.