Vacances à Bisca Plage, suite…
Parfois, notre petite Renault 8 bleu-pâle et l’Ami 6 Citroën crème des sympathiques parisiens en vacances la maison d’à côté, prennent la direction du nord, passé l’embranchement de la route de Maguide, cap vers Arcachon. Cette route très peu fréquentée, est constituée de plaques en ciment aboutées, ouvrage laissé par l’occupant allemand ; autre particularité, elle ne possède qu’une seule voie et les rares véhicules qui l’empruntent doivent, lorsqu’ils se croisent, se ranger dans des refuges qui alternent de part et d’autres tout les cinq cents mètres. Certains de ces refuges en ciment apparaissent encore au niveau du champ de tir du Trencat .
Une quinzaine de kilomètres plus loin, les deux petites voitures s’engagent alors à gauche, au niveau de la plage de la lagune qui ne comporte aucune indication ni aucune route ; un début de chemin muletier carrossable permet de s’engager sans pouvoir aller plus avant, au risque de s’ensabler.
Les sacs de plage, parasol, filet à lançons, sont sortis du coffre avant de la R8 et après avoir vérifié la fermeture de toutes les portières, les deux familles poursuivent à pied à travers la belle forêt de pins maritimes.
Un embryon de dune se profile au bout d’un moment entre les pins torturés de bordure, laissant entrevoir le bleu de la passe sud. La dune particulièrement basse à cet endroit, une dizaine de mètres tout au plus, contraste avec celle du Pyla, cinq kilomètres plus au nord, qui doit friser déjà les cent mètres à l’époque.
Le chemin débouche sur un désert de sable qui sépare la forêt de l’océan, la plage est immense, déserte, une ou deux silhouettes au loin tout au plus ; lorsque le regard se tourne vers le sud, la plage semble encore plus large et comme improbable, se dessine un étang aux reflets noirs, prisonnier des sables blonds.
La marche d’approche depuis les voitures semble interminable pour les petites jambes des enfants mais la récompense est là, la lagune se mérite !
Il faut longer un bras de mer qui serpente sur la plage et relie l’océan à la lagune ; suivant le moment de la marée et l’amplitude des coefficients, le courant peut devenir très fort selon qu’elle se vide ou se remplit ; interdiction bien sûr de la traverser, opération bien tentante pourtant mais les parents veillent au grain !
Comme les baïnes, la lagune présente à l’est un côté très plat, avec très peu d’eau descendant en pente douce et un tombant très raide côté ouest ; la profondeur pouvait atteindre les dix mètres en son milieu, elle était très poissonneuse et de nombreux coquillages l’avaient colonisée.
L’endroit est magique, presque irréel, un plan d’eau lisse de toute vague, des veines d’alios qui irisent de rouille la partie plate, le bleu intense aux reflets sombres et inquiétants de l’eau profonde et puis, deux ou trois familles, posées ça et là dans ce décors de carte postale.
Le varech échoué sur la laisse de haute mer diffuse une odeur humide et salée mêlée à un léger parfum de vase et de coquillages comme celui que l’on respire dans les parcs à huîtres du bassin.
Les Papas plantent les parasols pendant que les Mamans organisent les affaires, puis s’ensuit une baignade attendue dans le côté peu profond, seul Papa nage plus loin dans l’eau noire et attirante.
A la baignade succède une partie de pêche à pied, il faut tirer le lourd râteau à lagagnons ; de jolies coques enfouies dans le sable ocre à cet endroit remplissent alors le piège grillagé ou roulent sur les côtés ; un jeu d’enfants de les ramasser alors, de ne garder que les plus grosses pour remplir les sceaux de plage colorés.
Depuis un moment, la douce brise d’est a laissé place à celle de nord, c’est le début de la marée montante. Deux heures plus tard, le courant dans le bras de mer nourricier qui alimente la lagune s’est inversé, des vaguelettes comme des minis mascarets se forment alors et la hauteur d’eau augmente sensiblement. Pas question pour les enfants de se laisser piéger du côté océan au risque d’être obligé de faire un immense contournement de la lagune pour revenir du bon côté.
Des bancs de mulets suivent le courant pour rejoindre le calme de l’étang salé. C’est le moment de barrer le cours d’eau en amont avec le grand filet à lançons qui forme alors une boucle poussée par le courant montant ; alors que les Papas maintiennent fermement les bourdons sur le sable sec, les enfants tentent de pousser le banc de poissons dans le piège ; un feu d’artifice argenté se déclenche et les mulets espiègles franchissent l’obstacle avec brio, et malgré de nombreux essais pas un seul ne restera dans la poche qui se referme.
La journée est passée, comme un éclair, avec son plein d’images, de couleurs, d’odeurs, de scénarios pour la prochaine fois… Le retour aux voitures est long, la fatigue des activités intenses se fait sentir, peut-être même qu’une paupière ou deux se sont baissées pendant le trajet retour !
Les sables voyageurs ont eu raison de la lagune et ont comblé le bras de mer, coupée de l’océan nourricier, elle s’est alors laissée mourir.
Ne reste à l’heure actuelle qu’un nom de plage sur un panneau indicateur, quelques rares photos et cartes postales et de merveilleux souvenirs dans la tête d’enfants privilégiés.
une autre carte postale Elcé prise sous un autre angle, cette fois dans la direction nord-sud ; absence notable d’un ouvrage depuis longtemps intégré dans le décors, époque bénie où l’égout de La Salie, pardon, le “Wharf” de La Salie n’existe pas encore…
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