Sur une vieille tradition arcachonnaise

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Sur une vieille tradition arcachonnaise

Je voudrais vous parler d’une vieille tradition arcachonnaise que les moins de cinquante ans n’ont pas connue.

Aujourd’hui Arcachon fanfaronne et se gargarise en vantant la rénovation et le réaménagement de son Front de Mer.

Front de Mer avec deux majuscules !

Sauf qu’il n’y a pas de front de mer à Arcachon, avec ou sans majuscules, du moins sur les plans.

À l’origine, il y avait un boulevard de la Plage qui existe toujours. Et puis à la veille de la guerre de 1914, on a construit une nouvelle avenue entre la plage et les maisons de premier rang, depuis la jetée Thiers jusqu’à la jetée d’Eyrac, que l’on n’a pas pu appeler le boulevard de la Plage puisqu’il y en avait déjà un et que l’on a alors dénommé le Boulevard Promenade.

Une désignation qui lui allait fort bien.

Et avant la seconde guerre mondiale on a rallongé ce Boulevard Promenade depuis la jetée Thiers jusqu’à feu la jetée Legallais.

En juillet 1937, la première partie de ce boulevard est devenue le Boulevard Promenade Veyrier-Montagnères, et en 1943, la seconde partie, le Boulevard Promenade Marcel Gounouilhou.

Au Marcel, on lui a conservé son prénom, parce qu’un Boulevard Promenade Gounouilhou aurait fait un peu pauvre au côté du Boulevard Promenade Veyrier-Montagnères.

On peut penser que James ne nous en aura pas voulu.

Donc aujourd’hui, ce n’est pas son front de mer qu’Arcachon rénove, ce n’est pas non plus la promenade Veyrier-Montagnères comme il est aussi dit dans la communication officielle de la ville, mais c’est son Boulevard Promenade Veyrier-Montagnères.

Il faut appeler un chat, un chat.

Faisons un petit retour en arrière.

Au temps lointain de ma jeunesse, une vieille tradition aujourd’hui disparue se pratiquait sur tout ce Boulevard Promenade, qu’il soit Marcel Gounouilhou ou Veyrier-Montagnères.

Dès l’arrivée des beaux jours, un concessionnaire, aujourd’hui on dirait un DSP un Délégataire de Service Public, installait tout le long de ce boulevard, regardant la mer, des sièges pour permettre aux promeneurs de s’asseoir.

Contre une rémunération puisque leur utilisation était payante.

Cela ne coûtait même pas trois francs six sous puisque l’appariteur comptait en centimes de franc et vous donnait un ticket sorti de sa sacoche en cuir.

Lequel ticket permettait quand même de rester assis toute l’après-midi.

Cette tradition a dû débuter avant la dernière guerre mondiale comme le montre cette première carte-postale :

Les chaises étaient alors essentiellement des chaises pliantes de bistrot en métal et bois.

Je n’ai pas connu le Boulevard Promenade muni de ce genre de mobilier.

Lequel aura changé au lendemain de la guerre.

Il y avait alors fort fauteuils et chaises longues.

Les fauteuils étaient blancs, en métal et en bois alors que les transats étaient de couleurs variées.

Mes grands-parents étaient de bons clients de ces éléments et passaient souvent l’après-midi des beaux jours assis sur le Boulevard Promenade à lire, à discuter, à coudre ou à tricoter, ou à regarder les promeneurs.

Les jeunes s’amusaient sur la plage, les anciens passaient une partie du temps qui leur restait à vivre, assis sur le Boulevard Promenade.

Ainsi allaient les choses.

Arcachon était alors une ville comme les autres. Elle regroupait des jeunes, des moins jeunes et des vieux. J’ai eu la chance d’être jeune dans cet Arcachon-là. Aujourd’hui, à Arcachon, les jeunes sont une race en voie d’extinction. C’est la spéculation immobilière qui les en a chassés.

Arcachon était à l’époque une station qui se voulait familiale avec tous les avantages que cela représentait.

Un charme, un sentiment de sécurité et de bien-être.

Quelque chose de rassurant et de fort sympathique.

Ci-dessus, le Boulevard Promenade au débouché de la place Thiers, avec au premier rang deux fauteuils et en suivant des chaises longues. L’homme au premier plan avec sa casquette pourrait bien être l’appariteur chargé d’encaisser les locations.

Plus loin, toujours sur le Boulevard Promenade Marcel Gounouilhou, deux rangs de transats dont la plupart attendent d’être loués.

 

Toujours sur la même partie du boulevard mais cette carte en couleur montre que les bancs publics mis gratuitement à la disposition des administrés par la Mairie ont plus de succès que les chaises longues payantes.

Maintenant une nouvelle carte au débouché de la place Thiers, mais cette fois de l’autre côté au début du Boulevard Promenade Veyrier-Montagnères.

 

Sur la gauche, sur la plage et attachée au dos d’une tente, une affiche indique que l’on peut vous louer des tentes, des parasols, des chaises longues, des bateaux et même des maillots de bains. Mais là, il s’agit d’une autre entreprise et les chaises longues que l’on vous y loue doivent rester sur le sable pour ne pas concurrencer celles louées sur le boulevard.   

Sur ce même boulevard mais un peu plus loin, les fauteuils semblent bien plus nombreux que les chaises longues. Et en vérité, je ne me souviens pas des parasols placés là pour encourager la clientèle à s’asseoir.

Ces tentes que l’on voit sur la plage ont aussi disparu comme les fauteuils et les transats alors que l’on continue d’en voir sur certaines plages bretonnes ou normandes. Je me souviens très bien que la nuit, elles restaient sur place sur la plage. Le soir, le loueur rabaissait tous les auvents et les tentes étaient ainsi closes. Mais un gardien restait sur place pour les surveiller. Ce qui n’empêchait pas qu’il s’y passaient des choses dans ces tentes, mais il fallait toujours faire attention au surveillant qui guettait et qui n’était pas du tout sympathique. Il était là en soirée mais je ne sais pas s’il y restait toute la nuit jusqu’au petit matin.

Par contre, je n’ai pas de souvenir sur ce que devenaient les fauteuils et les chaises longues la nuit. Je crois bien que tout l’ensemble était ramassé le soir et remis en place dans la matinée. Ce qui devait nécessiter un certain nombre de bras. Mais je n’en suis pas sûr.

Je ne sais pas si cette tradition de location de sièges en face de la mer était une spécificité exclusive d’Arcachon ou si elle se pratiquait aussi dans d’autres stations balnéaires. Et si oui, je ne sais pas si elle perdure ici ou là.

Mais je pense qu’il aurait été intéressant qu’elle soit réimplantée sur ce nouveau Boulevard Promenade Veyrier-Montagnères réaménagé.

Pour une fois, cela nous aurait changé de cet Arcachon qui court après le clinquant, l’esbrouffe et la frime.

Et qui voudrait souvent avoir l’air, mais qui n’a pas l’air du tout.

Jean-Pierre ARDOIN SAINT AMAND

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Aimé

Un commentaire

  1. Merci ! et : A quand cher Jean Pierre Ardoin Saint Aman d’une ode ” aux bancs rouges arcachonnais en voie de disparition ?

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