Sardinier, historico-économique, technologique et visionnaire

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Petite causerie vespérale à caractère aussi artistique que sardinier, historico-économique, technologique et néanmoins potentiellement visionnaire

Aimé nous le contait dans son éphéméride HTBoïate de ce deuxième jour de l’été, en exil et fuyant les guerres, Salvador Dali accompagné de son épouse Gala passa plusieurs mois à Arcachon et ceci du 2 septembre 1939 au 21 juin 1940, dans la villa Salesse appartenant alors à Emile Calvet — on lit aussi sur Wikipédia qu’ils séjournèrent à partir de 1938 dans la villa de Coco Chanel, La Pausa, qui était voisine de Salesse, mais la durée de ce séjour semble bien imprécise, contrairement au rapport rigoureux que fait notre président vénéré de cette villégiature forcée ; Wikipédia devrait en prendre de la graine.

Parmi les œuvres réalisées lors de ce séjour, j’ai retenu à l’intention des lecteurs aussi HTBoïates que numériques celle intitulée Téléphone dans une assiette avec trois sardines grillées. La toile fut peinte à la fin de septembre 1939, ce qui en fait la première de cette période arcachonnaise et indique assez son importance pour le peintre. Ces sardines-là sont assurément des royans d’Arcachon, des petits poissons que Dali fut probablement ravi de retrouver, en abondance et pays de Buch, puisque c’était les mêmes, ou presque, dont il se régalait à Portlligat près de Cadaqués, village dans lequel il possédait une petite maison de pêcheur depuis 1930 et qui est aujourd’hui le cadre d’un musée à sa gloire.

Historiquement, nous sommes au tout début de la « drôle de guerre » (3 septembre 1939) et le Service du Ravitaillement débutant à peine sa prise en main de l’approvisionnement des produits alimentaires, il n’y a donc encore aucune difficulté à se procurer des sardines à Arcachon. Les choses changeront par la suite, notamment sous l’occupation (mais Dali aura déjà quitté la France), car sera alors privilégié l’approvisionnement des conserveries dont les productions étaient, quasiment dans leur intégralité, destinées aux troupes allemandes. Les affaires seront florissantes pour les conserveurs, mareyeurs et dans une moindre mesure pour les pêcheurs ; on ouvrira de nouvelles usines sur le territoire national malgré les difficultés rencontrées pour se procurer le fer blanc et surtout l’huile (les entrepôts coloniaux étaient hors d’atteinte) dont on essayera de se passer — il nous restera de ce temps-là le thon au naturel, l’utilisation de l’huile de palme et les diverses recettes de maquereaux et sardines en marinade, au vin blanc ou à la tomate (on parviendra ainsi à confectionner des boites de sardines à l’huile accompagnées de 80% de sauce tomate et de seulement 20% d’huile). Lire à ce propos le très intéressant article de Jean-Christophe Fichou consacré à la conserverie de poisson pour la période 1939-1945.
https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2002-3-page-61.htm

Mais ces considérations de contextualisation nous entraine loin de mon sujet de départ, le tableau dénommé Téléphone dans une assiette avec trois sardines grillées. On observera avec intérêt qu’en 1939 le peintre mettait en image la rencontre, alors totalement improbable, d’un combiné téléphonique de bakélite noire et d’un plat de sardines grillées. Aujourd’hui le téléphone, devenu mobile et tout autre chose, sera volontiers utilisé pour réaliser une photographie de ce même plat qui sera partagée sur la toile numérique. Cependant l’appareil « high-tech » ne se retrouvera dans l’assiette que s’il échappe des mains au moment de la prise du cliché.

Dali, artiste visionnaire et prophétique, avait-il prévu cette avanie ?

Thierry PERREAUD

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Aimé

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