Le 20 juillet 1603, Charles de Lorraine, duc de Mayenne et dame Henriette de Savoie, vicomtesse de Castillon et dame de Certes, son épouse, donnent à bail, pour une année et moyennant 1 110 livres tournois, les revenus de la terre et seigneurie de Certes. On a connaissance de trois autres baux de la terre et seigneurie de Certes, y compris les droits de péages et passages en dépendant, des 12 mai 1637, 11 juin 1640, et 4 septembre 1646, qui sont au profit de Jean Dusol, et autres.
Le 17 septembre 1665, le bail fait pour trois ans par le sieur Durfort au profit du nommé Soustra, moyennant 405 livres par an, concerne les droits de péage et de bac traversant la rivière d’Eyre de la Motte ; il comprend un autre bateau tenu ordinairement au lieu de Cazal, paroisse de Mios.
Au XVIIe au XVIIIe siècle, l’autorité Royale s’efforce de limiter les péages seigneuriaux, les supprimant quand elle le peut juridiquement. Les passages des fleuves et rivières liés étroitement à l’intérêt de la circulation générale, ont été depuis longtemps réglementés en France, et placés en dehors du droit commun.
La féodalité s’est emparée des droits de passage, que les Seigneurs exploitent, avec l’appui bienveillant de l’autorité royale, dans l’étendue de leurs domaines. C’est dans ces conditions, qu’en vertu d’une ordonnance du 17 janvier 1641, le marquis de Civrac, Seigneur de Certes, fait établir à Mios, sur l’Eyre, un bac pour lequel il perçoit un droit de péage.
La Révolution, par des lois en date des 28 mars 1790 et 25 août 1792, abolit ces privilèges, en raison de leur caractère féodal : mais l’État ne peut se désintéresser d’une question qui touche à la sécurité des citoyens et au maintien du bon ordre, en même temps qu’elle procure des recettes au Trésor public, de sorte qu’il rétablit à son profit la propriété des passages sur les fleuves et rivières, et que les lois du 6 frimaire an 7 et du 14 floréal an 10 viennent sanctionner et réglementer ce nouvel état de choses. L’Administration s’étant donc emparée du bac, dont jouissait précédemment le Seigneur de Civrac, le concède par voie d’adjudication le 20 pluviose an 6, aux sieurs Batard et Jalby. Ces derniers, par un acte du 23 ventose an 13, par devant maîtres Darrieux et Brun, son collègue, notaires à Bordeaux, cèdent ce droit, tel qu’ils l’avaient acquis, moyennant le prix de 2 200 francs à la dame Marie Lafon, épouse du sieur Pierre Courbin, ancien maire de Mios, aïeuls de l’auteur de cet article.
Mais, deux ou trois ans avant l’achat fait par son épouse, le dit Pierre Courbin, après en avoir demandé, selon ses dires l’autorisation au pouvoir compétent, fait construire sur l’Eyre, non loin du passage affecté au bac, un pont en bois, destiné au Service public moyennant péage : et c’est sans doute pour se soustraire à des contestations de la part des fermiers du bac, qui peuvent se plaindre de cette atteinte portée à leur privilège, que l’épouse Courbin, avec l’autorisation et sous la garantie de son mari, achète à ces derniers le droit d’exploiter leur concession à leur place. Cette supposition est si bien fondée qu’on en trouve la preuve dans une délibération du Conseil Municipal de la Commune de Mios en date du 20 mars 1813, que je copie textuellement : « Il est formellement reconnu que le pont établi sur la rivière de Leyre près du bourg de Mios par le sieur Pierre Courbin, est la propriété de ce dernier, comme ayant légitimement acquis du sieur Jalby, le 23 ventose an 13, le droit de bac que ce dernier avait lui·même acheté à la Nation le 6 pluviose an 6, et comme ayant été autorisé par l’Administration de la Préfecture à remplacer par ce pont les bateaux qui servaient auparavant à l’exploitation du passage ».
La construction faite par Courbin remplace avantageusement le bac, et il en perçoit le droit de péage suivant un tarif approuvé par arrêté du 13 germinal an 13, mais cette exploitation, à tort ou à raison, lui attire de la part du maire de Mios, son successeur, des tracasseries auxquelles le Préfet de la Gironde mit un terme. Un cadenas[1] de dimensions gigantesques et à secret sert à fermer la nuit une des extrémités du pont à péage que Pierre Courbin a fait construire à ses frais sur l’Eyre, à Mios, en 1802 ou 1803.
Ce pont demeure la propriété de la famille Courbin jusqu’à l’expiration de sa concession. À ce moment, il fait retour au Domaine public, et c’est l’Administration des Contributions indirectes qui en perçoit le péage.
Par une circulaire en date du 2 août 1835, M.le Préfet propose « à la commune de Mios de prendre pour son compte le pont de Mios sur l’Eyre, promettant d’appuyer cette demande auprès du Gouvernement, mais annonçant qu’il était présumable que la Commune serait tenue, si on lui concédait ce pont, de se charger du paiement de l’indemnité due à l’ancien propriétaire et des réparations qui y étaient faites en ce moment, ces deux objets montant ensemble à « la somme de 3.500 francs ». Le Conseil municipal décline cette offre, en raison du mauvais état des finances, et l’Administration assure l’entretien et l’exploitation du pont de Mios.
Le 29 avril 1839, une ordonnance du Roi fixe les droits à percevoir au passage du Pont de Mios, sur l’Eyre. Le 15 janvier 1843, le pont est emporté par une inondation, succédant à des pluies diluviennes, comme on n’en avait pas vu depuis[2]. Cette brusque disparition, supprimant momentanément toute communication des habitants de la rive gauche de l’Eyre avec ceux de la rive droite, chez qui ils viennent s’approvisionner, un habitant du bourg de Mios s’offre pour leur porter des vivres avec un bateau, mais ce bateau chavire, par suite de la violence du courant et cet homme courageux se noie , le 15 janvier 1843, à 3 heures du soir , sans qu’on pusse lui porter secours, à la vue d’ un grand concours de population. Quelques jours après, le 29 janvier, le Conseil municipal demande au Gouvernement l’abandon en faveur de la Commune du Pont de l’Eyre, détruit par l’inondation et l’autorisation de le reconstruire pour son compte, moyennant une subvention, afin d’en tirer le même péage qui était perçu auparavant. L’accord ne peut se faire sur cette question entre la Commune et l’Administration, et le service entre les deux rives est assurée par un bac. Le 18 novembre 1845, le Conseil municipal prie instamment le Préfet d’apporter toutes diligences à la reconstruction du pont, les bateaux qui le remplacent étant en très mauvais état, et le passage étant des plus dangereux. Le Conseil municipal revient à la charge le 9 février 1846 et le 12 février 1847. Enfm une ordonnance du 12 août 1847, déclare d’utilité publique l’exécution des travaux de construction d’un pont en charpente sur l’Eyre à Mios et, par adjudication du 28 septembre 1847, les sieurs Taudin et Eymery obtiennent pour une durée de trente ans, avec un droit de péage, la concession de ce pont, qu’ils édifient à 50 mètres en aval de l’ancien. En 1850, le pont de Mios vient d’être remplacé par un pont en charpente ; on supprime alors le bac qui a été desservi pendant sept ans aux frais de l’administration.
À l’expiration de leur concession, ce pont devient la propriété de la commune, mais il est en si mauvais état, que le Conseil municipal, par une délibération du 11 Février 1877, contracte un emprunt de 35 000 francs qui, avec une subvention du Département, lui permet d’en reconstruire à la même place et en utilisant les mêmes culées, un autre plus solide reposant sur des piles de pierre. La traversée de ce pont est gratuite, et le chemin dont il dépend est classé depuis dans le réseau de Grande Communication, de sorte que son entretien est à la charge de l’Administration. Ce chemin, qui porte le numéro 55, relie en ligne presque droite, en passant par le bourg de Mios et le village de Lacanau, la station de Caudos à celle de Marcheprime.
[Histoire d’un pont et d’un cadenas, Dr Bertrand Peyneau, 1928]
https://shaapb.fr/wp-content/uploads/files/SHAA_034_opt.pdf
[1] – Ce cadenas est conservé dans sa villa du Moulleau par Madame Gonfreville, petite fille du docteur Bertrand Peyneau.
[2] – Les deux ponts de Lamothe sur l’Eyre, servant l’un à la ligne du Chemin de fer et l’autre à la route de Bordeaux à La Teste, furent emportés par la même crue.