En bas à gauche de la carte, je lis « Courlouse »
Souvenons-nous, il y a 14 ans, lorsque la pagaille gagne la gendarmerie de Belin-Béliet : dans les locaux belinétois, se trouve un homme connu nationalement pour son militantisme en faveur de la cause paysanne et altermondialiste. Plus tôt dans l’après-midi du samedi 4 novembre 2006, aux alentours de 13 h, l’ancien syndicaliste paysan réunit environ 150 « faucheurs volontaires » pour investir la propriété de l’exploitant belge du domaine de Courlouze à Lugos. Armé de brou de noix, le convoi pollue 2000 tonnes de la récolte de maïs OGM – du maïs « Mon810[1] » – en versant la substance dans un silo, provoquant la colère de l’exploitant. Face à cet acte, l’exploitant de la société SCEA La Lucatte[2], Marc Giblet, né le 23 novembre 1946, déboule alors à toute vitesse contre les faucheurs. Il emboutit leur voiture et sort de son 4×4 armé d’un fusil avant de tirer une fois en l’air pour faire cesser l’action. Le ton monte entre les deux camps. Le face-à-face entre José Bové et l’exploitant est tendu. Finalement, José Bové se rend à la gendarmerie de Belin-Béliet pour déposer plainte pour « tentative d’homicide ». Dans la soirée, José Bové est envoyé en cellule ; l’exploitant agricole également. Le soir même, des soutiens au leader altermondialiste viennent manifester devant les locaux belinétois. Les images sont rarissimes. La circulation sur la Nationale 10 est perturbée par un barrage filtrant.
Transféré à la gendarmerie de Saint-Jean-d’Illac, l’homme politique sort de sa garde à vue deux jours plus tard, sous les acclamations d’une cinquantaine de militants. Dans les jours suivant cet évènement, Lugos est le théâtre de manifestations tant en soutien des anti OGM qu’en faveur de l’exploitant agricole. Le dénouement de cette histoire intervient trois ans plus tard, lorsque l’ancien député européen est condamné à un an de prison avec sursis et 12 000 euros d’amende ; 11 autres faucheurs volontaires sont également condamnés.
[1] – De la famille « maïs Bt », variété de maïs à laquelle a été ajouté un gène – le cry1Ab – conférant une résistance aux ravageurs qui ciblent cette céréale – et notamment la pyrale du maïs, Ostrinia nubilalis. Ce gène provient de la bactérie Bacillus thuringiensis (d’où le nom de maïs Bt), qui produit naturellement la protéine Cry1Ab (par convention, une protéine porte le même nom que le gène à partir duquel elle est synthétisée, avec une majuscule), un insecticide naturel. La protéine introduite est exprimée au sein de tous les tissus de la plante et pendant toute sa durée de vie. Les taux de protéine exprimée varient cependant en fonction du stade de développement de la plante et du tissu végétal analysé (feuille, graine, etc.). Dans une étude de 2009, parue dans Journal of Plant Diseases and Protection, Nguyen et Jehle ont estimé que 5,5 à 6,6 microgrammes de Cry1Ab étaient présents par gramme de tissu frais (µg/g fw) dans la feuille d’un organisme au stade de développement BBCH83 (début de la maturation des graines).
En France, la culture du MON810 a été suspendue le 11 janvier 2008 suite à l’activation par le gouvernement français de la « clause de sauvegarde » de la directive 2001/18. Mais en novembre 2011, le Conseil d’État s’est prononcé contre cette interdiction qu’il a jugée non pertinente d’un point de vue juridique, la clause de sauvegarde n’étant applicable qu’en cas de nocivité – pour l’Homme ou pour l’environnement – avérée, ce qui n’a pas été démontré. Le gouvernement français, à l’issue de cette décision, a cependant annoncé qu’il mettrait tout en œuvre pour maintenir l’interdiction du maïs Bt MON810.
[2] – Depuis 2011, Stephane Nerault est gérant de l’entreprise SCEA DE LA LUCATE.