Les poissons et ceux qui les pêchent

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Dans l’eau nagent des poissons et, quand ils ont soif, ils la boivent. Pierre Dac nous en avertissait, tout est dans tout et inversement, conséquemment à l’occasion de cette semaine, aussi thématique qu’aqueuse, je m’intéresserai aux poissons et à ceux qui les pêchent.

La statistique nationale nous enseigne qu’en moyenne, un pêcheur de loisir prélève environ dix kilogrammes de poissons par an (source Ifremer). Elle ne dit rien de la taille des éléments de cette pêche annuelle. Alors, gros ou petits poissons ? Un seul spécimen hypertrophié de dix kilogrammes ou pléthore d’animaux chétifs de quelques centaines de grammes ? Il est difficile de le savoir.

Photo de Victor Mottet journal Sud-Ouest

Le problème est que le gabarit des captures réalisées par les pêcheurs ne cesse d’interroger. Ou du moins la perception que ces derniers en ont. Ainsi, tel maquereau un peu courtaud se verra soudainement grandir afin d’atteindre la « maille » de vingt centimètres. De même, l’énorme bar qui s’est décrochée de l’hameçon sera plus considérable que les loubines déjà présentes dans la bourriche (42 centimètres minimum) — un coquin de sort s’acharnera irrémédiablement à faire subir cette avanie au pêcheur : les poissons qui lui ont échappés seront toujours plus gros que ceux qu’il a pris.

Et ce n’est pas encore la chose la plus extraordinaire. Lorsqu’un manchot vous racontera avoir pris une dorade royale « grande comme ça » en faisant, par obligation anatomique, la moitié du geste conventionnel pour indiquer la taille par l’espace existant entre les mains, que direz-vous, sinon que l’imagination est au pouvoir ?

Ici, afin de décrire la grandeur imposante d’un poisson (ou de toutes autres choses) les anciens disaient « un poisson atau » (à prononcer « ataw ») et joignant le geste à la parole, posaient l’index ou le tranchant de la main droite au bon endroit sur le bras gauche dont la main était tendue. L’évaluation de la dimension indiquée demandait donc à l’auditoire une grande attention et sa reproduction exigeait que l’on posséda un bras d’une longueur identique à celui du pêcheur. La chose n’était pas forcément facile et on n’avait pas toujours un mètre dans la poche pour s’assurer de la longueur ainsi montrée. Et puis cela aurait été grossier.

On voit par-là combien on a raison de vanter les mérites de la statistique par l’avantage qu’elle présente, en termes de précision et d’exactitude, sur les unités de longueurs pifométriques. La taille est ignorée mais le poids est certain : en moyenne dix kilogrammes de poissons annuellement, ce n’est pas trop et c’est assez (ne pas voir dans cette dernière considération une allusion quelconque à la baleine arcachonnaise, les cétacés n’étant pas des poissons).

Photo de Victor Mottet empruntée au journal Sud-Ouest montrant la pêche d’un maigre de 52,5 kilos dans les passes en 2022. Selon la moyenne annuelle — je le rappelle dix kilos par pêcheur —, le garçon ayant réalisé cette belle prise a conséquemment privé un condisciple de pêcher le moindre poisson pendant quatre ans, ou quatre autres pêcheurs de ne pas remplir leur bourriche pendant une année entière (sous peine de fausser les statistiques). On ne pense jamais assez à ces choses-là.

Thierry PERREAUD

 

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Aimé

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