Les vaches Marines (vaches de marais) ou landaises vivent en liberté à l’état sauvage le long du littoral aquitain de Gironde et des Landes, sur les dunes, dans les marais et les forêts. Les vaches sont vives et alertes, de petite taille ne dépassant pas 1,25 à 1,30 m. Les robes sont de couleur brun à rouge avec la tête, l’avant et les membres brun foncé ou « fumé ». Le poil d’hiver est long et plus foncé, certains taureaux ayant la tête presque noire. Leur comportement est adapté à la vie en plein air et à la recherche de nourriture en milieu ouvert ou boisé.
Leur capture dans les dunes pour prélever les jeunes sont l’occasion de manifestations et de jeux qui donnent naissance aux fameuses courses landaises. L’élevage de la marine a toujours été très extensif. Des textes et témoignages anciens rapportent que des troupeaux « sauvages » ou en semi-liberté vivent dans les marais proches des lettes du massif dunaire ou bordant les étangs côtiers, comme en atteste ce rapport de 1739, destiné à l’intendant de Guyenne : « Le gros bétail ne donne aucun fumier dans ces cantons, parce qu’il est impossible de l’enfermer dans des parcs ou des étables. Les bœufs et les vaches sont tout à fait sauvages, leurs instincts les portent à gagner les montagnes de sable qui sont sur le bord de la mer, tout le long de la côte du Médoc, du Pays de Buch, du Born et du Marensin. Ce bétail est toute l’année dehors et vit de l’herbe qui vient dans des parties qui sont dans ces montagnes ».
Ces troupeaux ne sont pas tout à fait à l’état sauvage comme le laisse entendre cette correspondance. Des communautés villageoises envoient en effet leur bétail dans les dunes du littoral au moment des moissons. Cette « transhumance » les soulage ainsi un temps de la surveillance et de l’entretien.
Avec la fixation des dunes en Aquitaine au XIXe siècle et la colonisation des Landes de Gascogne par le pin maritime, elles sont pourchassées pour protéger l’enrésinement des landes et des dunes.
Le Préfet du département de la Gironde, vu la lettre de M. l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, du 10 du courant, par laquelle il propose de défendre la coupe des bois et broussailles, et le pacage dans les leydes, près des dunes de la commune de Lège ; Vu les articles […] ; Considérant que les bois et broussailles qui croissent sur ces leydes servent à former les fagots qu’on emploie pour couvrir les semis des dunes ; Considérant que les habitants de la commune de Lège se permettent de couper ces bois et broussailles et de les faire brouter par leurs bestiaux ; Considérant que, pour conserver cette utile ressource pour les travaux des dunes, il est nécessaire d’interdire l’accès d’une certaine étendue de leydes,
Arrête :
Art. 1er. Il est défendu de couper les bois, épines et broussailles sur les leydes qui avoisinent les dunes dites Laurent, le Grand Coin, le Touquet, le Sanglier et Caparon, dans la commune de Lège, à une distance de 2 000 mètres du pied desdites dunes.
Art. 2. Il est également défendu de faire pacager les bestiaux sur cette étendue de terrain et de la parcourir avec des voitures.
Art. 3. Il sera placé des piquets de distance en distance, en présence de M. le maire de Lège, par l’agent que désignera M. l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, à l’effet de déterminer l’étendue du terrain où la coupe des bois et le pacage sont interdits par les articles précédents.
Art. 4. Les contraventions aux articles 1 et 2 du présent seront constatées par M. le maire de Lège et les agents des Ponts et Chaussées chargés de la direction des travaux d’ensemencement des dunes, et punies conformément aux dispositions des articles 11 titre 27, et 12 et 13, titre 32, de l’ordonnance royale du 13 août 1669.
Art. 5. Le présent arrêté sera imprimé, publié et affiché dans la commune de Lège et dans les communes voisines.
Art. 6. M. le maire de Lège et M. l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées demeurent chargés d’en assurer l’exécution.
21 août1821. — Extrait, du registre des arrêtés du préfet de la Gironde.
Le Préfet du département de la Gironde, vu une lettre de M. l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, du 16 du courant, par laquelle il nous propose d’interdire le pacage et la coupe des herbages sur la partie des lèdes située à l’ouest du cours d’eau des étangs jusqu’à la mer, et à 2 000 mètres au nord de la dune dite de Passe-Cazeaux, dans la commune de Lège ; Considérant que ces herbages sont employés à la couverture des semis des dunes, et qu’il importe d’en assurer la conservation,
Arrête :
Art. 1er. Il est défendu de faire pacager les bestiaux dans la partie des lèdes située dans la commune de Lège, à l’ouest du cours d’eau des étangs jusqu’à la mer, et à 2 000 mètres au nord de la dune dite de Passe-Cazeaux ; ceux qui y seront trouvés seront saisis et mis en fourrière.
Art. 2. Il est également défendu de couper des herbages dans toute l’étendue des lèdes ci-dessus désignées.
Art. 3. Les contraventions aux articles précédents seront constatées concurremment par M. le maire de Lège et par le conducteur des semis des dunes de cette commune ; les procès-verbaux qu’ils dresseront nous seront transmis pour y être donné telle suite que de droit.
Art. 4. Le présent arrêté sera imprimé et affiché.
Les rivages semi-marécageux des étangs deviennent le lieu de refuge de ces troupeaux. Ils y trouvent une végétation abondante, notamment le carex coepista, de jeunes pousses d’arundo et de digitaria. Ici ou là, des barguèiras, sortes de parcs mobiles, permettent aux vachers de rassembler les bestiaux pour les marquer et les sélectionner. On surveille attentivement les jeunes « coupes » (parcelles récemment plantées de pins) pour éviter que les vaches n’y fassent des dégâts.
La Seconde Guerre mondiale a raison du bovidé : l’armée allemande et les landais déciment les vaches marines. Au sortir de la guerre, il ne reste plus que quelques troupeaux, qui deviennent ensuite particulièrement sauvages. Les dernières de ces vaches « marines » à l’état sauvage disparaîssent en 1963.
Selon ce qui est parfois rapporté, en 1968, « un vieil homme vend son troupeau de vaches avant de prendre sa retraite, le maquignon qui conclut l’affaire n’en croit pas ses yeux : il s’agit d’authentiques vaches marines, race que l’on croyait disparue ». Il ne s’agit pas de la vache landaise originelle, disparue, mais d’animaux qui en descendent après des croisements avec des animaux des races Bretonne pie noir et Brava.
L’originalité des animaux et leur adaptation au milieu humide ont fait que la Société pour l’Etude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest (SEPANSO), aussitôt alertée, décide de les réintroduire dans la réserve naturelle de l’étang de Cousseau (Lacanau). Le sauvetage de la race est réalisé à partir d’un petit troupeau domestiqué issu de la population du nord des Landes découvert en 1987. Totalement isolés d’un point de vue génétique depuis plusieurs décennies, les animaux permettent de reconstituer la population Marine. Parfaitement adaptées aux landes, marais et sous-bois, les vaches Marines sont maintenant utilisées pour la gestion de grands espaces naturels, la race y est maintenue, même si elle reste menacée par la consanguinité. Le fractionnement en troupeaux distincts et l’échange de géniteurs permettent de réduire ce risque. Les animaux, rustiques et résistants, vivent en liberté avec un minimum d’intervention humaine. Avec 50 vaches et 9 taureaux, la race marine reste très menacée.
Elle n’appartient pas à la liste des races officielles françaises, mais son patrimoine génétique mérite d’être préservé au titre de son adaptation à une vie naturelle en zones humides. La race bénéficie d’un programme génétique de conservation et de développement animé le Conservatoire des Races d’Aquitaine et la Sepanso qui sont les gestionnaires de la race. De nouveaux élevages sont en cours d’installation. Dans le département des Landes, un partenariat est engagé avec la Fédération départementale des chasseurs pour la gestion des milieux humide par les vaches marines.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marine_landaise
Note sur les dunes de Gascogne, par J. Bert, Ministère de l’agriculture, Administration des eaux et forêts, Exposition universelle internationale de 1900, à Paris, 1900
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6341245m/f292.item.r=gorry%20l%C3%A8ge%20usine%20resineux#