La Voie des Anglais – Le Porge, entrée en Pays le Buch

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quand on vient du Médoc, Le Porge est « la porte du Pays de Buch »; la commune s’appelle « Le Porge en Buch », qui se dit en latin Porticus de Bogio (Porticus signifie « porte » ou « porche » ; c’est aussi un mot pan-occitan : outre le porche ou parvis d’église, porge désigne aussi, dès le Moyen-Âge, le cimetière attenant à l’église.
Si « Gleizevieille » est le nom aujourd’hui d’une dune, ainsi que d’une maison forestière plus au sud encore (le GR 8 passe à proximité, ou chemin de Saint Jacques actuel), celles-ci sont situées à plus de 700 mètres au sud d’un vieil édifice noté « Vieille église » sur la carte de Masse de 1707 ; cette « Vieille église » est en un endroit plat, au sud de ce qu’il désigne par « Marais ou étang du Porges », aujourd’hui nommé « Étang de Lède Basse ». En 1708, Claude Masse relate, dans son Mémoire du 5e carré de Médoc, que « les étangs à l’ouest du Porge étaient jadis plus vastes, et les dunes, qui avancent continuellement, les comblent insensiblement, comme les marais et ruisseaux qui viennent des landes et de Lacanau. L’hiver, les eaux refoulées inondent le pays.»
Il ne fait aucun doute, une chapelle ou une autre église se trouvait entre les dunes et le chenal bordé de marais (dits étangs), par où s’écoulent les eaux du lac de Lacanau vers Arcachon. Une baillette du 31 janvier 1618, qui renouvelle deux baillettes du 28 juin 1517, elles-mêmes précédées d’autres actes pareils, affiéve « tout l’étang avec les landes, sables, terres le joignant au lieu appelé anciennement à l’étang de Saussats autrement à Passillon, confrontant du levant aux vacants communs des habitants du Porge, du couchant aux sables de la mer, du nord auxdits sables et aux masures de l’Église vieille et du Midi à l’autre étang de Passillon ». D’abord, cette expression « masures » de l’acte de notaire implique l’idée d’une ruine en plein air et non recouverte de sables. Un acte notarié, du 1er mai 1560, relatif à « tout icelluy lac d’eau, estang et pesche, siz et sytué aud. lieu appelé à l’estang de Villeneusve, parroisse dud. Saint Seurin du Porge, confrontant par ung cousté vers le nort au pas de la Gironde et par l’autre cousté vers midy à l’église vielle, par l’ung bout vers la mer aux sables et par l’autre l’estang, eau et lande ». La « Vieille église » est donc entre la lagune de Villeneuve (aujourd’hui étang de Lède Basse, au nord de Joncru) et la lagune de Saussats (aujourd’hui étang de Joncru), lagunes qui communiquent entre elles et en hiver ne font qu’une nappe d’eau. La destruction du fleuve côtier de Lacanau est survenu avant 1273 car, à cette date, le débit entre Lacanau et le Bassin d’Arcachon, nouvel exutoire, permet la présence d’un moulin à Campagne, paroisse de Lège : les eaux douces privées d’écoulement normal à la mer sont contenues par la bordure orientale des dunes, sous forme d’étangs là où aboutissent des ruisseaux assez abondants venant de l’intérieur, sous forme de marais ailleurs ; les eaux, cherchant leur niveau, s’allongent à droite et à gauche et réunies en un seul tenant sur une centaine de kilomètres, se déversent au nord dans la Gironde, au sud dans le bassin d’Arcachon, provoquant de part et d’autre le grossissement des marais ; au Porge, ils ne sortent pas de l’alignement plus ou moins régulier des autres marais, lesquels, dès lors, ne se sont pas déplacés non plus. Par conséquent, la « Vieille église » qui est à toucher les dunes du côté occidental, à toucher les marais du côté oriental, témoigne depuis mille ans au moins, par le seul fait de sa présence, qu’il ne s’est produit ni empiétements des sables agités, ni déplacement de marais, deux choses liées, qui ne pourraient se produire l’une sans l’autre ; si la « Vieille église » avait eu à souffrir des sables mobiles refoulant les marais, elle serait ou dans l’eau ou sous les dunes, ce qui n’est pas le cas. Rien ne bouge sur cette lisière orientale des dunes, qui est à la distance de 5 kilomètres et demi à 6 kilomètres de la mer. La fable du refoulement des marais est démontrée par ce témoin dix fois séculaire, comme elle le sera plus au sud, à Lège, sur les mêmes eaux, par le moulin déjà nommé en 1273. Ainsi doit tomber l’obstination qui, sans preuves ou repères à l’appui, fait reculer les eaux douces sous la pression des sables envahissants. Les sables s’agitent et se superposent au loin, sur la partie ouest mais ne viennent pas déborder la lisière orientale, généralement parlant.
La « Vieille église » était-elle une chapelle (oratoire) ou l’église paroissiale primitive ? Les Porgeais ne distinguent guère à cet égard et disent « gleize » d’une manière générale. La paroisse s’est appelée le plus souvent Saint-Seurin-de-Buch jusqu’en plein XVIe siècle, puis Saint-Seurin-du-Porge. Jamais les deux vocables n’ont existé à la fois sur le même état de paroisses ; il ne parait pas y avoir eu deux localités distinctes, et l’on ne voit pas que l’une ou l’autre des églises ait pu peser sur le changement de nom. L’église primitive du Porge pourrait avoir été celle du bord des dunes avant la montée des eaux qui aurait alors réduit le village à se déplacer en totalité ou en partie. Mais, dans cette hypothèse, on ne s’explique pas bien un recul sur la lande de quatre ou cinq kilomètres, distance qui sépare les deux édifices religieux.
À5 kilomètres au sud-est de la « Vieille église », Léo Drouyn1 constate que l’église qui a précédé celle que nous connaissons aujourd’hui a un « clocher, qui me fait l’effet d’appartenir à la fin du XVe siècle, est construit en avant d’une ancienne façade qui m’a paru remonter au XIIe siècle et peut-être plus haut… Le chevet, partie la plus ancienne, datait de la fin du XIVe, début XVe. Les modifications qu’elle a reçues en 1662 sont de l’entrepreneur Cassen, suivant une inscription qu’il a laissée sur les murs de l’église. Puisque certains éléments de l’église qu’il examine remontent au XIIe siècle, il en déduit qu’elle n’a pas été construite dans le but de remplacer la « Vieille église », car celle-ci ne sera abandonnée que quatre siècles plus tard.
En 1890, cette église de plus de 400 ans étant devenue trop petite pour 910 habitants, le conseil municipal décide en 1891 de bâtir, sur l’emplacement de l’ancienne église, une nouvelle église qui est inaugurée le 31 juillet 1893 ; elle renferme des pièces inscrites aux Monuments Historiques : Christ en bois peint et statue de St Eutrope du XVIIe siècle, Vierge à l’enfant du XVIIIe et grand tableau de St Eutrope. Des vitraux de belle facture offerts par les plus riches familles locales appellent aussi la contemplation. Un lieu vivant où les pèlerins de St-Jacques peuvent inscrire leur provenance sur une carte du monde.

L’église actuelle a été reconstruite en 1890, à la place de l’ancienne église du XIVe siècle, comme l’attestent certaines parties de l’édifice, qui proviennent du premier bâtiment. Elle a été entièrement payée par le village, la mairie et les paroissiens qui ont donné l’équivalent de 300 000 euros d’aujourd’hui. L’architecte bordelais Mondet l’a conçue et fera la même à Audenge. Pas moins de 15 vitraux et rosaces éclairent l’église. À gauche, ils ne sont pas signés car les précédents ont été détruits pendant la seconde guerre mondiale. Dommage, ils sont l’œuvre du maître verrier bordelais Henri Feur. À leur insu, ils offrent une photographie de la société porgeaise de l’époque. Chaque grande famille a offert son vitrail : les Bachon, Digneau, Deynat, Dupuch, de Pitray… Les autres, moins fortunés se groupaient pour offrir leur vitrail à l’église. Les jeunes gens pour la rosace Saint-Joseph, les jeunes filles pour le vitrail Sainte-Geneviève, les mères de famille pour Sainte-Élisabeth.

La vie du petit village du Porge s’organise autour de l’église, marché, commerçants, mairie.
Selon la légende, après une nuit d’oraison, Saint Seurin, alors évêque de Cologne, reçut un message de Dieu par l’intermédiaire d’un ange afin de se rendre à Bordeaux et de remplacer St Amand, alors évêque de Bordeaux ; ce dernier reprendra sa tâche après la mort de Saint Seurin en 436. Ses reliques sont conservées dans la basilique Saint-Seurin de Bordeaux. La population du Porge reconnut Saint Seurin comme son patron qu’elle invoquait dès qu’elle se sentait menacée.
En dehors des données légendaires fournies par Grégoire de Tours, on ne sait rien de Saint Eutrope, premier évêque de Saintes. Il est impossible de dater précisément son épiscopat. Grégoire de Tours en parle comme d’un martyr. On peut voir son sarcophage dans la crypte de l’église dédiée à son nom à Saintes.
Saint-Seurin, Saint Patron du village Le Porge est fêté chaque année le troisième week-end du mois d’octobre. Cette fête traditionnelle devenue « laïque » rassemble les habitants, comme ce fut le cas à toutes les époques… à l’instar de toutes les fêtes de village. Le Porge n’échappe pas à cette règle et rappelle un peu de son passé historique.
 
 
 
https://catholegeares.fr/le-secteur-pastoral-lege-ares/saint-seurin-porge/
 
(1) – Fonds Léo Drouyn, archives municipales de Bordeaux.

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Aimé

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