Croquis du Bassin – En voiture, Simone !

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Ces mois d’été, on a d’abord vu les bus « Eho ! » sillonner tout le Sud-Bassin. Ensuite, on a appris que les Autobus d’Arcachon ont été achetés par Kéolis, une filiale de la SNCF qui exploite les tramways bordelais. Avec cette vente, se tourne une page des transports publics dans notre secteur. Deux bonnes raisons, au moins, pour en raconter, cette semaine,  la petite histoire.

Les premières organisations de transports publics liées à l’économie touristique remontent à la fondation des « Bains de mer », dans le quartier testerin d’Eyrac, lorsque François Legallais y fonde son établissement en 1823. Alors qu’on peut, depuis Bordeaux, arriver à Royan fort commodément par un confortable bateau, le voyage pour parvenir à Arcachon relève d’une expédition. Il faut partir vers dix-sept heures de Bordeaux, dans un char à bœufs très rudimentaire, être secoué sur un mauvais chemin de terre presque marécageux, faire étape à Croix d’Hins dans une mauvaise auberge, en repartir à trois heures du matin pour arriver vers neuf heures trente à La Teste. De là, il faut encore compter une bonne heure pour parvenir à la plage d’Eyrac, à travers une plaine coupée de marais.

Sans compter, comme le raconte encore un voyageur, « Qu’il a versé deux fois dans le fossé et franchi l’Eyre à gué. » Les choses s’améliorent lorsqu’en 1830 la route départementale, retracée, atteint enfin La Teste. Néanmoins, en 1835, il faut encore compter quatorze heures de voyage, après s’être requinqués aux Argenteyres. Alors que la route est empierrée en 1837, le voyage reste malgré tout difficile. Jusqu’en 1841, se rendre à Arcachon pour prendre les bains et jouir des charmes du Bassin, relève d’une véritable expédition en contrée lointaine. François Legallais, qui a le sens des affaires, organise un service de voyageurs au départ de Bordeaux, grâce à un char à bancs mais monté sur ressorts. On quitte Bordeaux chaque mercredi et samedi, à cinq heures du matin, ou à cinq heures du soir, s’il fait chaud. Lorsque la route est empierrée jusqu’à La Teste, l’engin se fait plus confortable et compte huit places. Il faut retenir la sienne à l’hôtel de la Tête Noire, rue des Ayres pour des départs prévus les mardis, jeudis et samedis, à quatre heures du matin et parvenir à La Teste dans l’après-midi. Passé l’endroit, les choses empirent puisqu’il faut encore, selon les jours, entre une et deux bonnes heures pour gagner l’hôtel Legallais.

Justement, en 1841, le chroniqueur du “Mémorial bordelais” raconte : « Vous  vous entassez à six ou neuf dans une voiture fort peu moelleuse, chacun portant l’autre. À la sortie du bourg, à marée basse, vous entrez dans une vaste et fangeuse prairie appelée prés salés. Il serait dangereux de s’écarter du chemin qu’indiquent des ornières creusées en précipices dans une fange noire. À force de coups de fouet et de jurons énergiques, votre conducteur parvient à arracher la voiture des boues. Elle s’enfonce maintenant dans un sable mouvant, celui des dunes, vous traversez un petit bois de pins, voici à votre droite, l’établissement de M. Gaillard 

Toutefois, pour éviter de telles épreuves, on peut, si vents et marées le permettent, s’embarquer sur des pinasses, manœuvrées par des batelières, de robustes testerines, qui jambes nues, pantalons bouffants et coiffes à bords relevés sur l’avant, n’hésitent pas à porter le baigneur dans leurs bras si le bateau ne peut assez s’approcher du rivage de la Canelette, aujourd’hui, bordant le port d’Arcachon. Selon la destination, d’après des prix cités par Robert Aufan, pour trois personnes, il en coûte de 1,50 F à 4,80 F. Mais des différents commerciaux éclatent souvent.

Tout change dès le 9 juillet 1841, lorsque le chemin de fer atteint La Teste. La ligne part de la gare de Ségur, située loin du centre de Bordeaux, rue de Pessac.  La voie mesure cinquante-deux kilomètres de long, compte vingt-deux stations, dont beaucoup d’inutiles car souvent sans clientèle. Les rails reposent directement sur le sol de sable, sans ballast, sauf sur trois kilomètres argileux. Mais, prétendent les ingénieurs, les trépidations ressenties par certains voyageurs proviennent uniquement d’une mauvaise suspension des quatre-vingts voitures, bientôt tractées par cinq locomotives. 

À La Teste, lors des mouvements des trains, la place de la gare se trouve embouteillée par les voitures des cochers Cazobon, Lestout, Seguin et Borie, ainsi que par celles des hôtels qui conduisent les voyageurs vers Arcachon. On doit même hisser les clients sur des impériales fixées sur le toit de façon à emporter seize voyageurs qui partent une demi-heure après l’arrivée des trains. Chacun des cochers  fait alors assaut d’initiatives pour attirer les faveurs des baigneurs ou des visiteurs, de plus en plus nombreux. Car le succès de la nouvelle ligne de chemin de fer est remarquable, du moins l’été. Un dimanche de juillet 1843, les contrôleurs vérifient quatre cents billets pour La Teste. Parfois, les voyageurs se hâtent vers la station de bateaux ce qui évite de se rendre, à pied ou en carriole, à l’ouest des prés salés. On embarque tout le monde dans des flottilles de bateaux qui naviguent jusqu’à Eyrac. Il est aussi possible de se promener sur une pinasse jusqu’au Cap Ferret. Le soir venu, on revient jusqu’à La Teste, à bord d’un convoi maritime composé de tilloles et de pinasses qui  hissent la voile quand le vent souffle du noroît.

Pour attirer encore plus de voyageurs, la Compagnie du chemin de fer imagine même une ligne assurée par des « steamers » vers l’Espagne, à partir de juillet 1846. Ainsi ont commencé les transports publics sur le Sud-Bassin…

Jean Dubroca

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