Comme les années précédentes, le moulin de Jeannine a ouvert ses portes hospitalières aux jeunes gens de nos Sociétés.
Du 1er au 31 août, 42 colons, d’une dizaine de patronages, ont pu jouir du grand air, du repos et de la saine nourriture qui refont les forces épuisées. Ils ont aussi, en bon nombre, grâce aux bons soins spirituels dont ils ont été entourés, amendé leurs caractères, retrempé leurs âmes, fortifié leurs volontés, aguerri leurs cœurs.
Tout en laissant une large place à la culture et au développement physique, le règlement de la colonie ne négligeait pas le côté moral : par les exercices de piété, les lectures, les réflexions, les examens, les conseils qu’il prévoyait chaque jour, il aidait efficacement à des transformations étonnantes de tout l’être.
Maintenant, enfants ou jeunes gens, continuez à soigner vos corps ; c’est entendu ; mais songez aussi, à mettre en pratique, dans votre vie de chaque jour, les exemples et les conseils que, si doucement, vous avez vécus, un mois durant, dans la colonie si accueillante de Jeannine : vous témoignerez ainsi votre gratitude aux généreux bienfaiteurs, aux séminaristes dévoués et aux prêtres qui vous ont affectueusement aidés et secourus de toute façon, au nom de Notre-Seigneur.
Cure d’air de Puntet
Nous relevons dans le carnet d’un colon ces quelques lignes : Bordeaux… la gare du Midi, 1er août, 6 heures du matin. De nombreux enfants, à la mine éveillée, embarrassés de volumineux paquets, quelques-uns même, en vrais disciples de St-Hubert, portant de brillants cors de chasse, se groupent bruyamment autour du directeur de la colonie… Sur le quai de la gare quelques instants après… Les vagons, véritables forteresses, sont pris d’assaut. Un coup de sifflet, et l’on part ! Des mouchoirs s’agitent…, les colons, penchés aux portières, recueillent ce dernier signe d’adieu de leurs parents qu’ils quittent pour un mois.
Béliet, 9 heures du matin. — Une magnifique gare au milieu des pins… le rapide s’arrête (charrette serait mieux !) pour la troisième fois depuis Facture… On descend. Enfants et valises s’éparpillent sur le quai, mais quel sort différent les attend ! En un clin d’œil, les valises vont s’entasser au fond d’une voiture landaise tirée par deux superbes mules et prennent bien vite la direction de Puntet. Les enfants, au contraire, toujours joyeux, suivent en gambadant les sentiers embaumés de nos landes girondines.
Puntet, 10 heures du matin. — Une oasis au milieu d’un désert… On arrive enfin au local de la colonie ! Quels soupirs de soulagement, quels cris de joie poussent les jeunes colons ! Ils vont pouvoir satisfaire leurs estomacs qui crient famine. D’ailleurs, tout est prévu… Dans un coin de la cour, une colonne de fumée monte dans les airs, c’est la soupe qui mijote ! Pas de table…, mais les mains agiles des jeunes bordelais ont vite fait d’installer un campement de fortune… C’est le premier repas de la colonie !
Puntet, 9 heures du soir. — Tout est calme… Tandis qu’au dehors la lune semble glisser lentement sur le lac et jouer à cache-cache derrière les pins, au dortoir, les jeunes colons, couchés dans leurs petits lits blancs, rêvent déjà, les uns aux belles parties de ballon avec « La Flèche » (en colonie près d ici, à Jeannine), les autres aux merveilleuses pêches de goujons que leur imagination bordelaise transforme en brochets énormes. Ainsi s’achève, dans le repos de la nuit, la première journée de la colonie !
Puntet, 31 août 1911. — Le séjour en colonie touche à sa fin… Dans quelques heures, le train va filer vers Bordeaux, emportant les colons dans leur ville bien-aimée… Comme au soir du premier, tout est, calme à Puntet en cette matinée du 31 août, la dernière de la colonie. Au dortoir, ce sont les mêmes petits lits blancs, où sont couchés les mêmes petits colons bordelais. Ils rêvent encore, mais ce ne sont plus, comme au début de ces rêves aux horizons sans limite ou La Flèche recevait au football une « pile » mémorable, où une multitude de brochets venaient se disputer l’appât offert par des mains inexpérimentées… Les colons songent maintenant à leur retour au foyer… Ils se voient sur le quai de la gare de Bordeaux, dans les bras de leurs mères émerveillées de leur bonne mine et jetant cette phrase d’un air conquérant : « Maman, j’ai augmenté de 3 kilos ! »
Ils revoient ces journées si intéressantes de la colonie, où malgré le règlement, qui parfois leur semblait un peu dur, on riait beaucoup tout de même. Tout à coup, un bruit de grelots vient troubler le silence… C’est un attelage de mules qui s’arrête devant la porte. On vient chercher les valises pou les porter à la gare… Adieu, les beaux rêves de Puntet !
Pour copie conforme : H. Gerhnard et R. Courras.
Le Boute-en-train : journal des patronages de Bordeaux et du Sud-Ouest du 2 octobre 1910 & 3 septembre 1911
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https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1417003t/f3.item.r=b%C3%A9liet.zoom#