Chronique n° 137 – De la Gironde au Rhin

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Pendant qu’Arcachon se débat dans les soubresauts de sa libération, le capitaine Duchez, l’un des chefs des FFI arcachonnais, se retrouve avec sa colonne de deux cents hommes environ, sur le front du Médoc, face à de fortes troupes allemandes, solidement retranchées et fanatisées. Elles doivent défendre la rive nord d’accès à l’estuaire de la Gironde et donc au port de Bordeaux qui aurait été important pour ravitailler des troupes alliées sur les arrières des Allemands. Ces Allemands, bien équipés, se trouvent abrités dans des centaines de blockhaus de tailles diverses, enveloppés de champs de mines et de marécages, volontairement inondés.

Gilbert Ruaud, caporal, a raconté ses souvenirs de cette campagne de siège, vécue au ras du sol. Commencent alors pour lui et ses camarades, de longues heures de garde par tous les temps, hantées par des dégelées de mortiers ou par de furtifs mouvements ennemis de patrouilles de reconnaissance. Côté français, on parcourt aussi, souvent en rampant, les bois et les marais et cela finit souvent par des accrochages. C’est ainsi que le 15 septembre 1944, Gilbert Ruaud, tireur au fusil mitrailleur, entend : “Il paraît que nous sommes en train de nous faire encercler !”. Finalement, toujours à hauteur de vue des bosses du terrain, il constate que son groupe se sort du guêpier. Certaines de ces escarmouches font des blessés et des morts, tels les Arcachonnais Léo Neveu, Parés et Fourés.

Comme il faut manger, nos FFI se débrouillent, au point de commettre quelques coups de mains assez fous. Tels ceux qui consistent à entrer dans Lesparre, toujours occupé, pour y “réquisitionner” du tabac ou, un autre jour, des poulets vivants. Le 6 décembre 1944, la colonne Duchez, devenue la 6e Compagnie, est incorporée au très officiel 34e Régiment d’infanterie qui poursuit le siège, sous le commandement du général de Larminat. Le 20 avril 1945, le Régiment grimpe difficilement vers la Pointe de Grave. Finalement, harcelés depuis plusieurs semaines, les Allemands se rendent. Gilbert Ruaud évoque alors : “Une guerre menée avec fierté, dans une recherche de dignité, sans haine pour les adversaires, ni pour les malheureuses “tondues” “.

Le 10 mai, le régiment gagne Saint-Nazaire par un train que Ruaud et ses camarades arcachonnais perdent en rase campagne. Ils le rejoignent sur une locomotive haut-le-pied et découvrent, sidérés, les ravages des bombardements. Cette fois, direction l’Alsace, après une étape mouvementée en gare de Redon où des soldats américains les rembarquent de force dans le train, sous la menace de leurs armes. Arrivés en Alsace, le bataillon de Ruaud fait d’incessantes patrouilles, à la recherche d’un “Verewolf”, un hypothétique maquis nazi. Après une grosse opération de nuit sur un site suspect, ils ne découvrent qu’un petit groupe de spahis algériens, gardiens oubliés d’un dépôt de munitions !

Et puis, vers le 15 juin, écrit Ruaud : “Vient le moment dont nous avions tellement rêvé : le Rhin, l’Allemagne, ici, devant nous !”. Ils espéraient tellement y parvenir, depuis qu’ils avaient promis à un habitant de Gradignan, rencontré au moment de la prise du camp italien, d’aller chercher son fils en Allemagne. Et voilà qu’ils découvrent une Allemagne tranquille et verdoyante où passe un paisible cycliste ! Pas loin, pourtant, ils aperçoivent des bombes V1 et V2 en cours de montage. A quelques centaines de mètres de la frontière, en territoire suisse, ils restent dubitatifs sur les mystères de la guerre économique, en voyant, parfaitement intacts, d’énormes réservoirs de pétrole. Ils ont ensuite la joie de défiler dans Mulhouse libérée, de faire une escapade à Paris où ils se transforment en fringants officiers pour pouvoir manger au mess de la rue de Rivoli. Cette sortie à Paris, elle a pour eux le goût parfait de la liberté retrouvée et si durement acquise. Pour plusieurs Arcachonnais, l’aventure continuera dans le Corps expéditionnaire français d’Indochine qui vient de se former. Cette fois, la victoire ne sera pas au bout du fusil. Mais l’honneur et la gloire, toujours. C’est une autre histoire.

A suivre…

Jean Dubroca

 

 

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Aimé

Un commentaire

  1. Bonjour Monsieur,
    Mes grands-parents Etienne Rocher et Lucie Letessier son épouse ainsi que leur fils Etienne ont fait parti de la résistance du Bassin d’Arcachon. Mes grands-parents avaient crées le 11 avril 1928, la boulangerie 162 Bd de la Côte d’Argent au Moulleau. La carte de résistante du bassin d’Arcachon de ma grand-mère porte le N°41, elle est signée de Mme Marie Bartette et de Mr de Luze, ainsi que celle de mon grand-père. Ensuite mon grand-père et mon père auront leur carte de FFI, mon père portant le même prénom que son père, il fut prénommé Paul, ils faisaient parti du groupe 19 commandé par Mr Houvenaeghel, j’ai la liste des FFI d’Arcachon. J’ai lu votre chronique, vous parlez des FFI qui rejoindrons le Corps expéditionnaire français en Indochine, pourriez-vous me dire à quel date et ou ils ont été informé de leur départ en Indochine, faisaient ils parti de la Brigade Carnot? Je sais que mon père a fait parti des FFI qui ont débarqué à Audenge, il était ensuite à Bordeaux puis dans le Médoc, mais je n’en sais pas plus. J’ai lu toutes vos chroniques sur l’occupation allemande à Arcachon, j’ai lu le livre de Mr Escapit en recoupant vos informations et celles de Mr Escarpit, j’arrive à mettre un peu d’ordre. Je vous remercie pour votre réponse. Guilaine Marchesseau née Rocher

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