Chronique n° 135 – Une situation confuse

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Arcachon sécurisé, alors que les FFI font du Grand-Hôtel leur quartier général, une large partie du groupe Duchez-Escarpit gagne Gujan, atteint le Teich le 24 août, vers sept heures et installe dans ces deux localités leurs nouveaux responsables, choisis parmi les résistants locaux. Les difficultés commencent lorsqu’on atteint le pont de Lamothe, toujours défendu par les Allemands. L’action ainsi lancée change avec l’atmosphère du mois de juin précédent où de Luze, alias “Marceau”, le commandant des FFI arcachonnais, a reçu de vifs reproches d’Aristide. L’actif et intrépide représentant de “L’Intelligence Service” dans le sud-ouest regrette que « Le groupe arcachonnais tarde à entrer en action et ne tienne pas ses engagements ». Et il le menace “d’un rapport”. De Luze n’apprécie guère qu’un sujet britannique, celui qu’il appelle “un chef saboteur”, lui fasse de telles remontrances.

Il se tourne alors vers le Georges Julien, un Français, qui, dans le grand désordre alentour, passe pour le nouveau chef de la Résistance dans le Sud-Ouest. De toute façon, que pouvaient faire, en juin 1944, les Résistants arcachonnais, dans une région qui se prête mal à une guerre d’embuscade et où les troupes nazies sont fortement retranchées dans des bunkers de toutes sortes ? Cependant, cette brouille montre bien que la Résistance arcachonnaise se veut avant tout gaulliste. Ce que reflète son histoire officielle, laquelle, par exemple, s’attarde peu sur de nombreux autres combattants de l’ombre.

Toujours est-il que, le 24 août, alors qu’une colonne allemande est signalée sur la route Sanguinet-La Hume, vers dix-sept heures, un groupe, commandé par André Mage, s’attaque aux quelques sentinelles allemandes gardant le stratégique pont de Lamothe. L’escarmouche est violente. Mage, dit “Le Terrible”, réussit à ceinturer une sentinelle que Dédé Durand tue dans ses bras. A dix-neuf heures, les Allemands font sauter les deux ponts et se replient sur Facture. Des patrouilles de nuit observent des Allemands sur la route Mios-Caudos. Sur des canots pneumatiques, pris aux occupants, les FFI franchissent l’Eyre et s’attaquent à la construction d’un pont provisoire en bois. Le 25 août, ils gagnent Salles où ils font leur jonction avec des FFI landais. À Facture, Raymond Labache, l’abbé Labat, Marc et André Larroche ont la situation en main. Le 26, des groupes partent vers Le Barp, d’autres vers Audenge mais le gros de la troupe arrive à Gradignan, devant un important camp où se trouvent 3 500 Italiens, non belligérants. Le capitaine Duchez neutralise habilement le camp.

Le 28 août 1944, la colonne du Bassin est autorisée à pénétrer dans Bordeaux, après la réussite des tractations qui évitent la destruction du port. Cette arrivée participe au grand soulagement des autorités gaullistes qui redoutent l’afflux des maquis FTP de Dordogne qui ne sont pas de leur bord politique. Comme le confiera avec humour Aristide, des décennies plus tard : « Nous avions tout prévu, sauf la libération de Bordeaux ! ».

Pendant ce temps, Arcachon se réorganise. De Luze devient président de la commission spéciale municipale de quinze membres et de Gracia est son adjoint. Ils réglementent le port des brassards FFI qui prolifèrent. Ils rappellent que les représailles personnelles sont interdites et que des agents ennemis, insoupçonnés, continuent d’espionner la ville. L’approvisionnement de la population reste difficile, compliqué par de nombreuses coupures de courant électrique. Si bien que le pain est rationné à deux cents grammes par personne et par jour, tout comme la viande à cent soixante grammes. On guette les bancs de sardines dans le Bassin, on se répartit au mieux la nourriture récupérée chez les Allemands, tandis que les Ponts et Chaussées maritimes balisent les passes, toujours barrées par un filet anti sous-marins. Malgré les dangers, le 27 août, le chalutier “Iéna” repart en mer, sous les hourras ! Il en revient dès le 29, avec une pêche miraculeuse : de nombreuses caisses de vivres, de pharmacie et d’armes. Le tout offert par trois navires de guerre britanniques, croisés à vingt mille au large. Ils y ont joint un court mais efficace message pour les Arcachonnais « Vive la France ! ».

Le 24 août, à 11 heures 30, une grande manifestation patriotique est organisée sur la place de la mairie, selon les règles militaires, dans la liesse générale. Le commandent de Luze, s’adressant aux soldats plus qu’aux civils, insiste sur le maintien de l’ordre public. Toute la ville est là. Y compris un certain colonel Charly, plutôt encombrant car il se révèle vite être cet agent double de la Gestapo, un commerçant Bordelais nommé Cominetti, qui a pillé le Médoc et livré aux Allemands huit aviateurs anglais. Charly paradant parmi les officiels arcachonnais : une preuve que la situation reste confuse. Mais, c’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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