Chronique n° 124 – Sur la piste du vélodrome

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Les concerts de l’été se déroulent au vélodrome, un haut lieu dans l’histoire d’Arcachon. C’est le second existant dans la ville, comme on l’a déjà raconté. Ses travaux commencent en 1933, sous l’impulsion d’Hubert Longau, maire-adjoint, président de la valeureuse Union cycliste arcachonnaise. Norbert Bougon, un champion cycliste local se souvient : “A cette époque, il y a autant d’engouement pour le cyclisme que pour le football aujourd’hui”. Les champions s’appellent alors Leducq, Magne, Speicher, Viéto et Pélissier et leurs apparitions attirent les foules. De jeunes Arcachonnais rêvent de les égaler et les speakers hurlent dans les haut-parleurs, sur fond de valse musette, les noms de la “Triplette d’or” locale : Robert Dutein, Robert Lafond et Norbert Bougon. Le vélodrome s’impose donc. Hubert Longau en confie les plans à l’architecte Marcel Durand, un connaisseur qui a dirigé le célèbre Vel’d’Hiv, pour les non moins célèbres “Six jours” où les “écureuils” tournent jour et nuit, excités par des primes faramineuses ou présentées comme telles avec emphase.

Le 19 juillet 1934, M.Farouil, ingénieur, mesure officiellement la longueur de la piste du vélodrome. Le 15 août 1934, le maire, Marcel Gounouilhou, coupe le ruban tricolore qui ouvre cette piste de deux cent cinquante mètres de tour, de près de sept mètres de large, inclinée à 42 % et bien éclairée. Cette piste arcachonnaise se révèle de si bonne qualité, dans un site protégé de tout vent, que des coureurs comme Michaud, Faucheux ou Richard, y battent des records de vitesse. Le 11 juillet 1938, le Tour de France y termine une demi-étape, venant de Bordeaux et repartant pour Bayonne. Jules Rossi l’emporte, devant une foule enthousiaste contenue dans deux vastes gradins, dont un couvert.

Tandis que les réunions se succèdent dans toutes les formes de courses sur piste, les Arcachonnais, dont le brillant Julien Moineau, s’entraînent là tous les deux jours, “Dans le grand calme des pins et l’odeur des mimosas”, se souvient Norbert Bougon pour lequel ces parfums sentent l’éternelle jeunesse. Une jeunesse qui a le malheur d’avoir vingt ans en 1940, une année après laquelle rien ne sera plus pareil. Après la guerre, le vélodrome se met à tourner à vide bien que, jusque dans les années cinquante, on y organise encore des courses, cyclistes et même landaises. Norbert Bougon se souvient de l’une d’elles. “Les Arcachonnais y dépassent les champions Lazaridés et Viéto, lorsque, brutalement, toutes les lumières s’éteignent et les coureurs s’enchevêtrent dans un grand bruit de ferraille”.

Et puis, rien à faire : la mode des courses sur vélodrome s’étiole, même derrière motos, les plus spectaculaires. Il n’y aura bientôt plus là de réunions cyclistes. Devenu difficile à entretenir, le vélodrome est partiellement remblayé en 1961 et transformé en stade. En 1980, on calcule que le remettre en son état primitif coûte deux millions de francs. “Trop cher et trop aléatoire”, dit alors la municipalité. Néanmoins, le beau site du vélodrome continue de vivre. Il a longtemps reçu de très spectaculaires fêtes des écoles publiques et même, jusqu’en 1995, des centaines d’enfants venus présenter une énorme et joyeuse chorale, favorisée par une acoustique remarquable. Le vélodrome a vu aussi en 1957 la foule s’enthousiasmer pour le démagogue prolixe Pierre Poujade, le défenseur du petit commerce. Et des foules non moins importantes ont applaudi là Sacha Distel, Claude François, Léo Ferré, les Chœurs de l’Armée rouge ou l’orchestre de Bordeaux-Aquitaine, dirigé par Alain Lombard. Depuis cinq ans, chaque été, trois ou quatre grandes vedettes y font courir les foules. Finalement, si le vélodrome n’existait pas, il faudrait l’inventer… Lors d’une lointaine campagne électorale, des candidats ont même proposé de le recouvrir d’un vaste vélum, comme on en voit un, en hiver, sur les arènes de Nîmes. Arcachon aurait-il là son “Zénith” ? C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

Ce Vélodrome, remblayé en 1961, connut son heure de gloire, par l’organisation de nombreuses épreuves réunissant les plus grands champions de l’époque . Maurice Richard, alors recordman du monde de l’heure y battit le record du monde des 50 kms.

Un autre Vélodrome avait été également construit 40 ans auparavant. Son inauguration avait eu lieu le 08 Juillet 1894, mais il fut démoli en 1906.

En apprenant par les journaux l’achèvement et la prochaine inauguration des Vélodrome d’Arcachon et de Toulouse, j’ai lu en même temps que ces vélodromes mesuraient un quart de mile anglais (402 m. 32 c.). Une pareille constatation a le droit de stupéfier, et pour ma part ce n’a pas été sans un profond étonnement que j’ai remarqué l’éclosion d’une aussi monumentale anomalie. Il est tout naturel qu’un pays comme la Hollande, trop petit et trop peu important par lui-même pour faire du cyclisme un sport national, et espérer faire adopter ses idées personnelles par des voisins plus puissants, fasse le sacrifice de ses habitudes personnelles, se range purement et simplement à l’avis d’une nation comme l’Angleterre, et se contente de lui emprunter ses règlements, et jusqu’à ses mesures dans un sport à propos duquel elle est destinée par sa position même à être en rapports constants avec elle. J’admets encore jusqu’à un certain point que la Belgique, impuissante aussi, elle, pour les mêmes raisons à mener un mouvement, ait au début adopté les mêmes théories. Elle trouvait en effet tout près de chez elle, en Angleterre, un sport tout organisé, tandis qu’en France nous étions encore en pleine anarchie. Elle avait en outre l’appui de sa voisine la Hollande, et le tout formait une communauté d’intérêts sportifs dont la conduite devait logiquement appartenir à l’initiatrice, qui était l’Angleterre. Il est donc parfaitement compréhensible que non seulement la Hollande, qui avait pourtant des mesures particulières, en fit abstraction pour adopter celles de l’Angleterre, mais encore que la Belgique, dont les mesures légales étaient semblables à celles de la France, les laissât de côté, dans cette circonstance spéciale, au profit de celles de l’Angleterre. Ainsi s’expliquent, les pistes d’Arnheim en Hollande, de Bruxelles et d’Anvers en Belgique, qui mesurent le quart de mile anglais (402 m. 25 c.). Ce qui, par contre, devient complètement inadmissible et ce qui renverse toute logique, c’est qu’il ait pu germer dans une cervelle française l’idée de construire en France une piste sur des mesures anglaises ! Cela est d’autant plus anormal, que les mesures françaises et anglaises, ayant un point de départ tout différent, n’ont aucun point de coïncidence, et sont, au contraire dans toutes leurs divisions en désaccord perpétuel ! Il faut donc conclure de tout cela, que les pistes d’Arcachon et de Toulouse, construites d’après une mesure anglaise, sont destinées à donner des courses sur des distances anglaises. En effet, le programme de la journée d’inauguration qui aura lieu le 8 juillet comprend six courses dont voici le détail comme distances :

lre course, 2 miles,         soit 3,218 m 64.

2e — 1 — ½                             2,414 m.

3e — 8 —                       12,871 m.

4e — 2 — ½                             4,023 m.

5e — 12 — ½                  20,116 m.

6e – 1/4 –                         402 m 32

S’il en était autrement, ce serait un capharnaüm ne plus s’y reconnaître, et je plains d’avance les pauvres jurys, et surtout les chronométreurs futurs, qui seront obligés de se déplacer à chaque instant. En effet, dans les courses à base kilométrique, le point de départ ne sera jamais au même endroit que le poteau d’arrivée et différera à chaque nombre de kilomètres. D’autre part, dans les courses où le départ sera donné sur la même ligne que le poteau d’arrivée, il faudra se déplacer chaque fois qu’un kilomètre sera parcouru, si l’on veut prendre le temps de chacun, et aller pour cela dans des points perpétuellement changeants. On voit comme cela sera pratique ! Aussi, en face de résultats aussi peu satisfaisants et condamnés d’avance, a-t-on le droit de se demander quel motif a pu pousser les créateurs des Vélodromes d’Arcachon et de Toulouse à une telle détermination. Il était si simple de faire une piste de 400 mètres, comme à Lille et à Dijon, ce qui est une mesure bien française, et assez pratique, puisqu’elle donne cinq tours pour deux kilomètres et de mettre dessus des points de repère pour le 1/4, le 1/2, le mile et les points répondant aux chiffres de miles servant habituellement aux records ! Cela se fait sur les pistes à mesures françaises, afin de pouvoir, le cas échéant, faire des comparaisons, mais cela doit rester l’exception et ne jamais devenir la règle. Il ne reste qu’une chose à faire pour les créateurs des Vélodromes d’Arcachon et de Toulouse afin de rentrer dans la logique du sport français, c’est de réduire de 402 m 32 à 400 mètres leurs pistes. L’opération est facile et ne demande que peu de travail. Seulement, je suis persuadé que, comme dans beaucoup d’autres cas similaires en France, cela ne se fera pas. La chose est trop naturelle pour cela. Il y a pourtant un moyen d’enrayer des tendances aussi peu naturelles que nationales et c’est l’Union Vêlocipédique de France qui le possède, c’est de refuser l’affiliation de tout vélodrome construit en France et sur des mesures autres que des mesures françaises. Comme les avantages inhérents à l’affiliation sont évidents et le seront de plus en plus à mesure que le temps s’écoulera, cela fera peut-être réfléchir ceux qui auront la bizarre idée de se singulariser en faisant une chose illogique, en adoptant des mesures qui ont le double tort d’être étrangères et défectueuses en elles-mêmes comme principe, quand il leur est si facile de se servir des mesures françaises qui ont le double mérite d’être nationales et beaucoup plus pratiques.

Ernest Mousset. 6 avril 1894

 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3213614c/f413.item.r=arcachon%20aiguillon#

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