L’autre grande aventure cinématographique arcachonnaise, après “L’Olympia”, a pour titre “L’Éden”. Située avenue Gambetta, cette salle a été ouverte par Olivier Gamard, en 1935, sur des plans de l’architecte arcachonnais, Henri Pfihl. Un parterre en forme de vague, un large balcon : “L’Éden” offre neuf cents confortables places, dans un volume parfaitement équilibré et qui porte beau ses caractères “Modern-style”. Lignes droites dominantes, hautes vasques décoratives et lumineuses, bornant la large scène où s’ouvre un rideau hollywoodien à fils dorés, rampes chromées supportées par de larges caissons de bois, revêtements boisés, photos savamment ombrées de vedettes, signées “Harcourt”, dans les couloirs : dès ses débuts, “L’Éden” et sa petite sonnerie grêle qui tinte dans la rue, cinq minutes avant le début du spectacle, attirent une clientèle moins populaire que celle de “L’Olympia”.
Pour l’inauguration, on y projette “Mon cœur t’appelle”, avec Danielle Darrieux, Jean Kiépura et Lucien Baroux, ainsi que “El Matador”, avec Georges Raft. Année 1935 : un âge d’or pour le cinéma qui produit alors “La Kermesse héroïque” de Jacques Feyder, “L’Équipage”, où l’on retrouve le couple très pylatais formé par Annabella et Jean Murat. C’est encore l’année de “La Bandera”, avec un Jean Gabin, en pleine tragédie amoureuse et militaire. Mais ailleurs, on peut voir aussi le très inquiétant film nazi, “Le Triomphe de la volonté” de Lini Riefensthal. Il annonce le pire.
En 1959, au décès de son père, Roger Gamard reprend l’exploitation de la salle. Avec son collaborateur et ami Jacky Magné, ils forment une belle équipe qui élève “L’Éden” à son apogée. L’été et les dimanches d’hiver, on y affiche souvent le panneau “Complet”. On y multiplie les séances et, surveillant les vents d’ouest, Jacky Magné décide des fameuses “Matinées en cas de pluie” où accourent des familles entières. Puis l’Éden adopte en 1955, le CinémaScope et le format géant 70 mm qui double les dimensions de l’écran. En même temps, Roger Gamard, équipe son “Eden” pour y faire du théâtre et du music-hall. La scène est adaptée en gagnant de l’espace sur l’ancien dancing qui se trouve derrière. On y construit des loges et dès lors, chaque été, tout ceux auxquels Paris a fait un triomphe durant l’hiver viennent se produire à “L’Eden”, devant des salles surchauffées, remplies jusqu’aux lucarnes de la cabine de projection. En 1970, Roger Gamard, qui a acquis à Bordeaux “Le Femina”, vend “L’Éden” à la famille Cayos qui le modernise et créé une seconde salle. Mais, dans les années 90, victime de la concurrence du multiplex testerin, l’Eden ferme ses portes jusqu’à ce qu’en 2001 la Ville se remette à l’exploiter provisoirement.
Par le passé, “L’Éden” s’est offert le luxe d’organiser plusieurs fois la Coupe Volpi et, même, en 1956, “La Coupe latine du cinéma”, remise à Marcel Carné pour “Le Pays d’où je viens”, où jouent Gilbert Bécaud et Françoise Arnoul. Arcachon et les festivals de cinéma, c’est tout de même une histoire malheureuse et, faute de moyens financiers et, parfois, de volonté politique, c’est aussi une succession d’occasions ratées. On trouve une tentative en 1947 restée sans suite. En septembre 1985, est lancé le “Festival du film vidéo” qui, l’année suivante devient “Le Festival de vidéo-sportive”. Grâce à FR3 et à Canal plus, il connaît une envergure nationale. Mais il a coûté fort cher et n’est pas renouvelé. Ce qui est fort dommage, car le créneau, innovant et très grand public, aurait pu devenir très porteur. En 1992, le sympathique Bernard Marie, qui, malgré cela, a perdu son siège de maire de Biarritz, amène ici son “Festival du cinéma ibérique” qui deviendra celui “Des Mondes latins”. Grâce à un très bon secrétaire général, il connaît un net succès public, reçoit d’excellents films et beaucoup de vedettes mais Bernard Marie, dont l’équipe s’essouffle, passe la main, à un groupe spécialisé qui connaît des déboires.
Puis arrive Philippe Galland, alors directeur du Palais des congrès. Il imagine “Le Festival du cinéma au féminin”, annoncé par une superbe affiche de Guibillon, un concept unique et original qui, lui aussi, forme une belle manifestation d’arrière-saison, mais peu ancrée dans le tissu vivant de la ville. En 2001, la forme d’exploitation du palais municipal des congrès change. Philippe Galland emporte son festival à Bordeaux. D’où un bilan d’ensemble morose. Car il faut bien reconnaître qu’il y a des centaines de festivals du cinéma en France et que ceux d’Arcachon, à l’exception de celui de vidéo sportive, n’ont jamais eu que peu d’échos populaires dans la ville, pas plus d’ailleurs que dans la presse nationale ou spécialisée. Cela parce qu’ils se sont trouvés étouffés entre la célèbre Mostra de Venise, rivale automnale de Cannes et les tout aussi puissants festivals du Film américain de Deauville et ceux de San Sebastian et de Biarritz. Alors, place désormais à “Cadences” et à la danse sous toutes ses formes, une manifestation qui a trouvé un vaste rayonnement régional et même national. Mais, c’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca