Chronique n° 105 – Et l’auto survient…

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Les longues querelles politiques qui marquent l’évolution d’Arcachon, n’arrêtent pas le développement de la station, grâce à ses nombreux atouts. Mais tout autour d’elle, le monde change à grands pas. Et même à grands tours de roues puisque Arcachon ébahi, découvre, le 13 avril 1897, une automobile ! C’est une « Panhard-Levassor » qui arrive de Bordeaux. Au volant : M. Lafitte. Il a embarqué le couple Escarraguel et son fils. “L’Avenir d’Arcachon ” qui raconte l’événement, cité par Jacques Ragot, précise : « Le véhicule a mis 1 heure 46 pour parcourir les soixante kilomètres qui nous séparent de Bordeaux, malgré le mauvais temps et l’état défectueux de la route ». Et le journaliste perspicace – car il en existe – ajoute : « Ce sport sera dans bien peu de temps un mode de locomotion usuel ». Plus étonnant encore : c’est le 11 octobre 1897 que reviennent Arthur Escarraguel et Mme, cette fois dans leur propre landau, toujours un Panhard-Levassor, mu par un moteur à pétrole de six chevaux vapeurs, de marque Daimler-Phœnix. Ils partent pour Salles puis en reviennent au bout d’un circuit de quatre-vingts kilomètres qui dure presque quatre heures. Et “L’Avenir d’Arcachon” n’hésite pas à entrer dans des détails, encore relevés par Jacques Ragot, qui passionnent ses lecteurs. « Il a fallu quatorze litres d’essence, un peu d’huile et seulement cinq grammes de graisse pour le périple, soit une dépense totale de 6,68 francs ».

En donnant ces précisions, M. Escarraguel, devenu entre ses deux visites, président de l’Automobile club bordelais, fait, “de la réclame” pour un engin dont l’arrivée tonitruante marque le début d’un nouvel âge pour Arcachon. L’automobile devient si vite un moyen de tourisme que le premier guide “Michelin”, offert gracieusement aux chauffeurs, paraît en 1900. On y apprend qu’il ne faut pas acheter de l’essence autrement qu’en bidon plombé, qu’il en coûte cinquante centimes par litre et que les pneumatiques à chambre à air ne se trouvent, été comme hiver, que chez Geniés, à Bordeaux. Par contre, Biarritz possède un dépôt ouvert toute l’année, un détail qui prouve la différence de notoriété entre Arcachon et la cité basque… Quant aux derniers perfectionnements techniques, d’après les “réclames” insérées dans le guide, il faut absolument posséder un véhicule à quatre vitesses tournant dans l’huile, sans chaînes, à freins agissant directement sur les roues et avec une direction épicycloïdale, très démultipliée et irréversible, annulant les chocs sur le volant. Il faut s’équiper d’accumulateurs, d’allumage électrique indéréglable et de phares à acétylènes, de marque Louis-Blériot.

Évidemment, le “Michelin 1900” recommande des hôtels. Les meilleurs doivent posséder, dans l’ordre : un garage avec fosse pour les automobiles, une salle bains, avec baignoire et des WC perfectionnés, dotés d’un appareil de chasse. On doit aussi y trouver le téléphone et un cabinet noir pour les photos. Dans Arcachon, répondent à peu près à ces critères, le Grand hôtel, triplement étoilé et l’hôtel Legallais, moins chic d’une étoile. On n’y paie pas le remisage. On répare l’auto en panne chez Couach et l’on trouve du carburant chez Agoust, qui vend aussi des cycles et qui en vendra d’ailleurs très longtemps. De l’essence, il y en chez Ayol et Bellangé, deux épiciers du boulevard de la Plage.

Et le guide donne encore d’utiles conseils. « Ne faites pas débarquer vos bagages avant d’avoir visité la chambre proposée ; entendez-vous personnellement avec l’hôtelier sur le prix ; méfiez-vous car il voudra d’abord vous donner sa plus mauvaise chambre et s’il vous dit alors que c’est complet, faites mine de vous en aller, il en trouvera tout de suite une meilleure ». Nous sommes en 1900 et vous pensez bien que ces mœurs ont complètement disparu dans l’hôtellerie d’aujourd’hui. L’auto, qui n’échappe d’ailleurs pas aux mêmes taxes que les voitures attelées de mulets, l’auto développe donc une nouvelle forme de tourisme. La preuve : les deux hôtels sélectionnés se trouvent au bord de l’eau, loin de la ville d’hiver. Mais l’automobile n’est rien, par rapport aux autres progrès en matière de déplacement qui vont subjuguer les Arcachonnais. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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Aimé

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