Chronique n° 010 – Chenaux, esteys, arrouilles et crassats

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Arcachon a pris, en 150 ans d’existence officielle, une excellente réputation touristique car la ville  se trouve aux rives mêmes d’un monde étrange. Un monde que l’on devine depuis ses jetées et qui s’imbibe d’eau salée grâce à un réseau parfois secret d’arrouilles, d’esteys et de chenaux. Ils portent de bien jolis nom, ces esteys. Écoutez donc : estey d’Afrique, estey de la Réousse ou encore estey de Pelourdey. Étroites coulées taillées dans la vase ou dans le sable, ces esteys conduisent à des lieux précis, parcs à huîtres ou  étroites coulées vers des replis quasiment invisibles depuis la côte. D’où l’expression « ne  manque pas l’estey ». Une fausse manœuvre, dans cette phase délicate d’approche, conduit inexorablement à un échouage dont on se gaussera longtemps dans les cabanes !

Plus étroit encore que l’estey, l’arrouille s’y déverse en drainant l’eau des vasières, ces terres lourdes où poussent de luisantes herbes rêches. Evidemment, on navigue plus facilement dans le chenal. Il s’appelle Mapoutchet, du Passant ou Moutalette.

Le chenal va de plus large, presqu’un fleuve comme le Teychan qui coule en face d’Arcachon et continue l’Eyre, au plus étroit, tel le chenal d’Andernos, d’où il faut avoir un sacré coup d’œil pour découvrir l’entrée du port du Bétey. Quant au chenal de Lège, il n’y conduit surtout pas, s’arrêtant à hauteur de Claouey et finissant sa douce courbe vers l’estey du Pout qui se perd dans des crassats.     Les crassats, qu’on appelle aussi en gascon, les « tatchs », forment  des zones que la marée haute recouvre, parfois à grande vitesse. Ils constituent les deux tiers de la surface du Bassin et abritent le plus grand herbier maritime d’Europe. C’est dire s’il faut éviter de déverser n’importe quoi dans le Bassin car ces fragiles prairies en constituent un des rouages essentiels de son complexe écosystème. Les crabes, les mollusques ou les poissons de toute écaille y trouvent, à marée haute, leur table préférée.

À marée basse, dans un deuxième service, s’y régalent les bécasseaux échasse, les courlis cendrés, les huîtriers-pie, les barges rousses et même les chevaliers à pattes jaunes. Quarante espèces d’oiseaux de ce genre nichent ou font escale dans le Bassin qui s’ouvre ainsi sur le ciel. Au-delà des « tatchs », l’eau saumâtre atteint les marais maritimes qui deviennent des prés salés, hébergeant une flore et une faune d’une variété inouïe.

Les prés salés franchis, on peut tenter de marcher dans une dernière zone, plus terrestre que maritime car elle ne voit l’eau que quelques heures par an. Ce qui ne l’empêche pas de constituer un élément essentiel de la poésie sauvage qu’exhale en ces lieux, le Bassin. Enfin, on ne saurait expliquer le charme de ce Bassin si l’on ne parlait pas de son île aux Oiseaux qui fait rêver car elle semble inaccessible. Il faut aussi évoquer les bancs, pourtant très éphémères. Car le trop couru banc d’Arguin a eu au moins cinq prédécesseurs que les Titans ont transformé en dune du Pilat. Voilà donc  maintenant achevé ce portrait du Bassin au naturel. Il offre  tout ce qu’il faut pour que les hommes y vivent au mieux. Mais c’est une autre histoire.

À suivre …

Jean Dubroca

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Aimé

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