Vol. — Dans la nuit de samedi à dimanche, des gamins d’Arcachon, les jeunes P. et C. âgés de 10 à 11 ans, ont dévalisé à la Teste, la baraque d’un confiseur forain nommé Pompon. Ils ont mangé des bonbons et gaspillé des cigarettes au cacao et chocolat. Le dégât s’élève à une trentaine de francs. Plainte de ces faits a été portée à la Gendarmerie de la Teste, qui a dressé procès-verbal.
L’Avenir d’Arcachon du 14 novembre 1897
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54329757/f2.image.r=ponpon?rk=343349;2
En mai 1903, un marchand de bonbons et sucre d’orges bien connu ici sous le nom de Pompon, et qui a passé l’hiver à La Teste, vient d’être victime d’un vol de 800 francs.
L’Avenir d’Arcachon du 24 mai 1903
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6158095s/f2.image.r=ponpon?rk=708158;0
Ponpon et la Belle Hélène
On nous excusera si, tout en nous déclarant ici, comme toujours, les défenseurs de notre Municipalité dans l’ensemble, nous conservons, sur les détails, un droit de critique indispensable à notre indépendance, aux intérêts de notre commune et à cette municipalité elle-même.
Nos représentants communaux sont, ainsi que les braves gens, animés des meilleures intentions. Comme nul d’entre nous n’est parfait, ils ont assez souvent raison, mais quelquefois tort.
C’est incontestablement, et de l’avis unanime, du côté de l’erreur qu’ils se mettent en persécutant les gagnepetits. Accoutumés depuis toujours à vendre leurs marchandises sur la plage pendant la belle saison, ces derniers ne comprennent pas ce veto subit. Le public, qui aime à ce que tout le monde puisse gagner sa vie ne comprend pas davantage. Nous non plus.
Le prétexte invoqué pour cette mesure draconienne apparait à la réflexion tellement détestable que certains bruits fâcheux se sont mis à courir. Ils sont enfantés, nous en sommes convaincu, par l’imagination populaire. Notre devoir n’en est pas au moins de les signaler, vrais ou faux. Convenons-en d’ailleurs : les considérations ayant permis d’interdire l’accès de notre grève à quelques marchands ambulants sont tirées par les cheveux au point de faire mettre en doute leur sincérité et d’y chercher des « dessous ».
Comment, pour supprimer tout commerce sur une plage où l’on vient surtout s’asseoir, se reposer, s’allonger, où l’on stationne mais ne circule pas, un arrêté municipal invoque de soi-disant besoins circulatoires ! Et un garde-champêtre qui, n’ayant pas de champ à garder fait la grève, en ce chasse le pauvre Ponpon, marchand de bonbons, et lui dresse un procès-verbal ! Maigre, fluet, sa petite boîte de gourmandises en bandoulière, glissant comme une ombre entre les tentes, Ponpon n’a jamais gêné ni bousculé personne. Ponpon, nuisant à la circulation, c’est un mythe ! Il l’égayait, au contraire, de son chant, régalait de sa « vanille pour les petites filles ou de son nougat pour les prélats » des familles ravies de le voir, de l’entendre, surtout de pouvoir lui acheter leur collation sans le moindre dérangement…
Aujourd’hui, il faut se déranger dans le même but et pour aller où ? Au kiosque municipal, loué moyennant 1.500 francs par an à une belle chocolatière.
Ce n’était pas une chocolatière, mais une ferronnière qui fit faire quelques bêtises au roi François Ier.
L’histoire est un éternel recommencement. La seule différence est qu’il n’y a plus de grands monarques mais seulement — chacun dans leur spécialité — une foule de petits rois…
Continuera-t-on plus longtemps de permettre aux malicieux de croire ou de vouloir faire croire que la guerre entreprise à Arcachon contre les marchands de gaufres ou de sucres d’orge se recommande des exploits d’Ulysse et d’Agamemnon et que la Belle Hélène y a remplacé sa pomme d’api par une noix de cacao ? Si l’on ne veut pas que ces suppositions, tout à fait gratuites, persistent malgré tout, il faut, le plus tôt possible, trancher ce mensonge par la base. Il faut rapporter l’arrêté municipal et d’ailleurs illégal qui a permis de faire assigner Ponpon. Il faut en utiliser l’article qui fait un pied de nez aux autres en permettant de les anéantir par voie de dérogation. II faut, grâce à ce contre-sens, autoriser l’ancien combattant à reprendre son commerce sur la plage avant la fin de la saison propice à sa vente et le relever ainsi de la ruine où l’a mis une mesure tyrannique et arbitraire. Pendant que nous sommes sur ce sujet, disons également combien nous avons été surpris, à la dernière audience de simple police, de voir apporter par notre juge de paix, M. Poitevin, des entraves à la liberté de la défense d’une cause aussi belle que celle de Dachary, tant au point de vue sentimental qu’au point de vue juridique en refusant les conclusions très nettes que le délinquant s’était fait faire et voulait déposer, comme c’était son droit.
- Poitevin, d’habitude si prudent et si juste, a-t-il réfléchi à ce qui pourrait s’ensuivre si, soit comme juge de police, soit comme juge-civil, il mettait ainsi les plaideurs dans l’impossibilité de lui soumettre leurs arguments par écrit et s’il éludait l’obligation, peut-être ennuyeuse, d’y répondre article par article dans ses jugements ?
À sa prochaine audience de police, Dachary, dit » Ponpon « , comparaitra de nouveau devant son juge si la Municipalité n’a pas un bon mouvement, celui de faire supprimer une affaire aussi regrettable.
Nous ne savons qui plaidera. Quel qu’il soit, nous sommes certain que des choses seront dîtes au sujet desquelles il eût été préférable de ne pas soulever un débat. À qui la faute ?
Albert de Ricaudy
Sur l’affaire de l’interdiction de l’accès de la plage aux petits marchands ambulants tels que Dachary dit Ponpon, le marchand de bonbons, nous nous sommes surtout attachés aux considérations morales et, comme on dit au Palais, aux » points de fait ».
[…]
Tout d’abord posons en principe qu’un maire n’est pas un législateur (mais seulement un subordonné du législateur : il ne peut prendre des arrêtés réglementaires que s’ils ont formellement leur source dans une loi et s’ils n’en contrarient aucune autre. Or, il suffit d’avoir un peu » pioché » le Dalloz c’est à dire le grand répertoire — nous allions dire réservoir — de jugements et arrêts qui nous rendent blancs ou noirs, pour se rendre compte au milieu de quel fouillis, de quelles arguties se meut le règlementateur municipal : questions de fond, questions de forme, autant de chausse-trappes dans lesquelles il risque de choir !
Il faut n’avoir pas la moindre connaissance des écueils de l’archipel juridique et n’en avoir jamais été victime pour naviguer dans ses eaux avec la belle audace, la belle inconscience qu’a un Maire d’Arcachon en réglementant la plage à sa manière, quand d’un trait de plume, au nom de la circulation, sans aucuns ambages, il l’a interdite « au stationnement et à l’exercice de la profession de marchand ambulant ». Louis XIV n’eut pas fait mieux.
Voyons les questions de fonds que soulève ce petit coup d’Etat à la Bonaparte : La première chose que les lois fondamentales interdisent aux magistrats municipaux, c’est d’attenter à la liberté du commerce, laquelle est déclarée sacrée par la loi des 2-17 mars 1791.
Ils peuvent donc bien dans l’intérêt de la salubrité et de la sécurité la restreindre dans l’intérêt général, mais jamais l’interdire surtout quand l’interdiction vise ou seulement aboutit à créer un véritable monopole pour un ou plusieurs commerçants au détriment des autres. Cette interdiction est d’autant plus interdite quand la commune peut retirer elle-même un profit quelconque de l’avantage créé par la proscription.
Or, dans l’espèce, la suppression, sur la plage, des petits marchands ambulants de bonbons supprime la concurrence qu’ils faisaient à la tenancière du kiosque municipal.
À remarquer que l’application de l’arrêté date précisément — et résulte d’après les témoignages — des plaintes et démarches de l’intéressée pour être seule en situation de vendre aux habitués de la place Thiers et de la plage.
Nous tombons ainsi dans un nouvel acte défendu aux maires : celui qui consiste à créer un monopole, en conséquence d’un abus de pouvoir. Il faut se souvenir à ce propos de la bruyante annulation par le Conseil d’État, au mois de juillet dernier, d’un arrêté du maire de Biarritz qui avait la prétention ou la conséquence d’obliger les baigneurs à se déshabiller exclusivement dans les établissements communaux. N’était-ce pas une bonne leçon à méditer.
Une question de foi : Un maire ne peut réglementer que le territoire strict de la commune autrement dit les terres, non la mer dont la plage est une dépendance. S’il en était autrement, on en arriverait à ce résultat cocasse que le même emplacement relèverait des autorités maritimes à marée haute et des autorités terrestres à marée basse. La loi (article 538 du Code civil et ordonnance de 1681, livre IV, titre 7, article Ier) a voulu éviter cette stupidité en déclarant que le domaine maritime pour la police duquel elle crée, d’autre part, des agents spéciaux, comprend tout ce que la mer recouvre dans ses plus fortes évolutions.
Donc abus de pouvoir et de plus incompétence. Rappelons à ce sujet que, les jours de régates à l’aviron, ce n’est pas le maire mais bien l’Administrateur de l’inscription maritime qui prend des arrêtés.
Enfin, dernière question de fonds : en tenant l’arrêté pour valable, il suffit de le lire avec soin pour comprendre que c’est le stationnement et non la circulation des marchands qu’il interdit. M. Eyssartier, qui le signa comme adjoint au maire, nous a formellement affirmé et nous a promis de témoigner que jamais ses rédacteurs n’eurent en vue de persécuter des marchands aussi peu encombrants et inoffensifs que le pauvre Ponpon.
Quant aux vices de forme en cette affaire, ils sont innombrables :
1° M. Eyssartier, adjoint au maire, n’avait pas de délégation formelle de celui-ci pour prendre des arrêtés,
2° Le dit arrêté n’a pas été communiqué au préfet. Il n’est donc ni expressément, ni tacitement approuvé.
Ces deux circonstances suffisent à le rendre nul.
3° Le procès-verbal qui a provoqué l’assignation en justice est également nul, d’abord comme ayant été dressé sur un territoire en dehors de la juridiction des agents communaux, ensuite parce que s’il est du garde-champêtre Davias, il devait être affirmé dans les trois jours devant le juge de paix et s’il est du commissaire de police, sur le rapport du dit Davias, il est encore nul, les commissaires de police ne pouvant verbaliser que sur les faits constatés par eux-mêmes.
Voilà de quoi pleinement alimenter une belle plaidoirie d’avocat.
Albert de Ricaudy
Le procès de « Ponpon »
À aucun moment le prétoire de notre Justice de paix — ancienne -salle à manger de l’Hôtel des Ancres d’Or — n’avait vu l’affluence qu’y provoquait jeudi l’annonce des débats relatifs au procès de Dachary dit « Ponpon », le marchand de bonbons et de son employé Cledière.
Non seulement cette salle était archicomble mais encore une foule de gens écoutaient des fenêtres de la Cour et de la Rue, sous le péristyle, et jusque dans l’escalier de la mairie.
Deux sentiments bien distincts avaient conduit là cette foule : la curiosité, bien entendu, la curiosité que nos précédents articles avaient au plus haut point mise en éveil — mais, de plus, un témoignage de sympathie et de réconfort solidaire pour la victime d’un arrêté municipal désapprouvé par tout le monde.
L’injustice des poursuites exercées en vertu de cet ukase avait été unanimement ressentie par les plus indifférents d’habitude aux malheurs d’autrui. Non seulement « Ponpon » était sympathique, non seulement « Ponpon » était populaire, mais encore chacun s’était senti atteint avec lui, chacun redoutait de tomber également un jour ou l’autre sous le coup de quelque règlement abusif et vexatoire du même genre. Le public n’a du droit, en général, qu’un sentiment assez confus. Néanmoins, dans cette affaire toute spéciale, il apparut tout de suite que le pouvoir réglementaire avait dépassé les limites de la simple règlementation pour en arriver au point où il est un défi à nos libertés fondamentales : liberté de la circulation, liberté du commerce et de l’industrie, etc.
On était venu, certes, pour prendre du plaisir à écouter la plaidoirie d’un brillant avocat, mais aussi pour protester contre une mesure arbitraire et impopulaire dont on s’attendait à ce que le défenseur fasse la cinglante critique et le juge justice.
Le procès a commencé par l’audition des témoins du Ministère public, le garde Darias et l’agent de la sureté Dufau. Le premier a déposé d’une manière entièrement favorable à la thèse de la défense en reconnaissant que Cledière, le jour où procès-verbal lui fut fait, ne stationnait pas, mais circulait en vendant des sucres d’orges. De plus, Me Auschitzky a fait dire au témoin que jamais avant 1924 on n’avait dressé de contraventions du genre de celle dont « Ponpon » fut victime. L’agent Dufau a reconnu également ce fait, mais a prétendu qu’en 1922 ou 1923, des baigneurs s’étaient plaint de l’importunité des marchands de bonbons, ce qui est la première nouvelle.
C’est avec recueillement que fut écoutée ensuite la magnifique plaidoirie de Me Auschitzky laquelle commença par le dépôt de conclusions circonstanciées et abondamment motivées.
Avec un art et un à-propos remarquables, l’éloquent orateur a démontré lumineusement que l’arrêté municipal ayant servi de base aux poursuites était archinul dans la forme. Il lui manque l’approbation du préfet ou, au moins la preuve, par la production d’un récépissé de dépôt à la Préfecture, que ce fonctionnaire a été mis à même de l’approuver ou de l’annuler selon les prescriptions de l’article 95 de la loi du 5 avril 1884 qui lui refuse autrement tout caractère exécutoire. Il lui manque aussi la preuve, par un procès-verbal, selon les exigences de l’article 96, de sa publication et de son affichage. Enfin, comme il est signé de M. Eyssartier, alors premier adjoint, il manque soit la constatation de l’absence du maire d’alors, soit sa délégation si l’arrêté a été pris ce maire étant présent.
Ce n’est pas tout : Me Auschitzky a fait voir, textes et jurisprudence en mains, que le maire en prenant un tel arrêté dans le sens qu’on lui prête était sorti du cercle de ses attributions et de la limite de sa compétence territoriale.
En effet, au point de vue attributions, l’article 97 de la loi précitée donne seulement aux magistrats municipaux un pouvoir de police ayant pour but « d’assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques. »
Supprimer la circulation de toute une catégorie de citoyens, interdire tel ou tel commerce c’est outrepasser singulièrement les limites de cet article.
Dira-t-on que le meilleur moyen de mettre de l’ordre dans une réunion d’individus quelconques consiste à les empêcher de se réunir et que le véritable remède de l’abus réside dans la prohibition de l’usage ?
Cela serait aussi simple que lapidaire : l’abus de la réglementation répondrait ainsi à l’abus de l’exploitation et de ces deux abus on ne saurait dire lequel est le plus regrettable.
On ne peut concevoir pour les petits marchands ambulants la défense absolue au nom de l’ordre qu’ils n’ont jamais troublé de venir vendre sur la plage.
Un tel ostracisme rappellerait les plus mauvais jours des Doges de Venise ou des tyrans de Syracuse…
Cela d’autant mieux, a dit l’éminent avocat, que le véritable but, le but secret du règlement n’a nullement été d’assurer l’ordre. L’ordre n’est ici qu’un prétexte. Il s’agissait, en éloignant les marchands de sucre d’orge ou autres friandises de la plage, d’offrir un terrain libre à la commerçante qui en débite sous l’auréole du kiosque municipal. Et Me Auschitzky a dit que cela s’appelait un détournement de pouvoirs, que cela concourait à rendre nul dans l’application ce vieux cadavre de règlement mort-né en 1920, enseveli pendant quatre ans dans un tombeau et déterré en 1924 pour un usage répréhensible.
Au surplus, l’arrêté fut-il valable, a-t-il conclu, qu’il serait inapplicable. Il défend seulement aux marchands ambulants « de stationner et d’exercer leur industrie » sur la plage. Il y a leur industrie et non pas leur commerce. Comment a-t-on pu confondre les deux choses ? Aveugle qui ne veut pas voir et sourd qui ne veut pas entendre !
Ponpon n’a pas stationné, Ponpon n’a pas fabriqué, mais seulement vendu ses sucres d’orge sur la grève, défend le rédacteur de l’arrêté, M. Eyssartier, dans une déclaration publiée ici même et non démentie, déclarant que le texte visait les photographes qui avaient installé leurs laboratoires au bord de la mer et les Arabes qui étalaient leurs tapis sur le sable.
Que nous sommes loin de compte ! À la fin des conclusions qu’il a déposées, et qui abondent en citations de jurisprudence, Me Auschitzky a demandé, d’ailleurs, qu’au cas où il subsisterait un doute, M. Eyssartier soit entendu.
- le Commissaire de police a eu la parole en dernier lieu. Il s’efforça de mettre hors de cause la tenancière du kiosque municipal. L’autorisation qu’elle avait elle-même demandée, parait-il, d’aller vendre sur la plage, lui ayant été refusée comme aux autres, il y voit la preuve que cette commerçante ne fut point l’objet d’un traitement de faveur comme on le prétend. Il a soutenu que l’arrêté municipal, étant de 1920, n’avait pu viser le kiosque municipal lequel alors n’existait pas.
Il a demandé un délai de 15 jours pour vérifier si réellement le dit arrêté n’est pas accompagné des pièces indispensables.
Le jugement a été remis à quinzaine.
Albert de Ricaudy
Le jugement de « Ponpon »
- Poitevin, juge de paix, n’a pas eu l’héroïsme d’accepter tous nos moyens de défense dans le procès qu’intentait le Ministère Public au brave « Ponpon », coupable d’avoir vendu sur la plage des sucres d’orge aux enfants gâtés et à nos jolies gourmandes.
Et ce n’est pas de nos meilleurs arguments qu’il s’est servi pour annu1er la contravention et relaxer les pseudo-contrevenants des fins de la plainte sans dépens.
Non pas que ceux dont il a fait usage soient mauvais, mais ils tirent beaucoup moins à conséquence, ils laissent « l’honneur intact » et ainsi, au point de vue administratif, tout est pour le mieux, croit-il, dans le meilleur des mondes. D’après sa sentence, il y a eu simplement de la part de nos administrateurs un petit oubli : ils ont décrété l’exil et la ruine des marchands ambulants qui vivaient de leur commerce sur la grève ! C’est parfaitement légitime et naturel, prétend notre juge. C’est inapplicable uniquement parce que l’ukase n’a été ni publié ni affiché et que le préfet n’en a pas été prévenu.
Quant à Cledière et à son patron Dacharry que leur importe, a pensé M. Poitevin, la raison pour laquelle on les tire d’affaire dès l’instant qu’on les en tire ?
Ainsi, deux parts sont faites de nos griefs, dans l’exposé de M. Poitevin, l’une rejetée afin de rendre hommage aux partisans de l’ostracisme, l’autre pour donner satisfaction quand même, en annulant la procédure, aux victimes de cette mesure draconienne.
Devant cette justice déconcertante dont on ne sait si l’on doit rire ou pleurer, et dont la Petite Gironde, qui l’inspira, se réjouit, en clignant de l’œil, on pense malgré soi au jugement de Salomon ou à la fable de l’huître et des plaideurs…
Et l’on ne peut s’empêcher de comparer à certaines vérités de M. de la Palisse celle qui se dégage de cette extraordinaire sentence à savoir que l’arrêté dont on voulait foudroyer Ponpon eût été valable… s’il n’avait pas été nul !
Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons pas nous déclarer satisfaits d’un tel jugement et voici pourquoi : Nous n’avons pas travaillé pour obtenir l’acquittement d’un marchand de sucres d’orge, qui eut été condamné à un franc d’amende, mais pour défendre tout le petit commerce contre une mesure non seulement irrégulière mais encore — cela saute aux yeux malgré les affirmations de la Petite Gironde et du juge lui-même — foncièrement impopulaire, antidémocratique, abusive et illégale. Les conclusions et la brillante plaidoirie de Me Auschitzky, l’un des maîtres du barreau et l’un de nos jurisconsultes les plus en vue, l’ont surabondamment démontré. Mais il y a des cas où les magistrats, pour avoir leurs coudées franches, considèrent les lois comme des jouets en caoutchouc. La jurisprudence, faite par des juges désireux de s’émanciper du joug législatif, se plait à enseigner qu’elles « ne sont pas limitatives », qu’elles « ne sont pas obligatoires », qu’elles « ne sont pas d’ordre public » etc. même quand apparait nettement le contraire… Cela dit, les juges font ce qu’ils veulent…
Dès lors, s’appuyant sur de tels exemples, M. Poitevin estime que dans certains cas le maire peut porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie ; il étend arbitrairement ces cas à celui, du pauvre Ponpon se promenant sur la plage en chantant sa chanson et vendant ses bonbons (comme si notre gagnepetit faisait ainsi le moindre tort à personne) ; il suppose le droit de police et la compétence territoriale des maires illimités ; illimité aussi le droit de l’adjoint rédacteur de l’arrêté de remplacer le maire sans délégation ni justification d’absence ; illimité toujours le droit du juge d’interpréter un règlement sans entendre le règlementateur et de confondre les mots industrie et commerce en affirmant que vendre des sucres d’orge, c’est devenir industriel ; illimité encore, le droit d’admettre des présomptions à défaut de preuves, c’est-à-dire d’admettre également ce qu’on veut ! Et il peut dire tout cela impunément puisqu’il le dit seulement dans ses motifs. Il sait que seul le dispositif ouvre au perdant le recours en cassation et que « Ponpon » gagnant, malgré tout, ne peut se pourvoir puisque le dispositif ne rejette aucun point de ses conclusions.
Ne s’agissait-il pas d’éviter les foudres des Dieux de l’Olympe et de leur permettre de prendre un nouveau décret d’ostracisme qui serait cette fois régularisé ? On le dit beaucoup. Nous ne croyons qu’on osera aller jusque-là. D’abord le petit commerce ne se laisserait pas faire et nous défendrions par tous les moyens le petit commerce. Ensuite ceux-là même qui ont obtenu de M. Poitevin un satisfecit ne peuvent se faire d’illusion sur la valeur Juridique de ce diplôme. Caveant consules !
Albert de Ricaudy
La France du Sud-Ouest, revenue à de meilleurs sentiments, publie le 14 novembre l’article que voici : L’affaire Pompon. — Jeudi a été rendu le jugement acquittant le sympathique Pompon.
« La France du Sud-Ouest », toujours soucieuse des intérêts des humbles et des travailleurs, applaudît sans réserve à cette mesure d’équité et de justice sociale et espère qu’à l’avenir la municipalité arcachonnaise accordera la liberté commerciale à tous les citoyens de notre ville, surtout aux gagne-petit et aux commerçants de la rue dont Ponpon a vaillamment défendu la cause.
Un Ancêtre de Ponpon
Ponpon, l’illustre et savoureux Ponpon, a enfin triomphé de tous ses adversaires. La Petite Gironde lui a rendu justice, en un pompeux article, dans son numéro du 25 décembre. L’acquittement de de notre ami est complet : relaxé par M. Poitevin, le voici absous par M. Chapon. Il est redevenu blanc comme la neige qu’il met sur ses choux à la crème.
Ses démêles l’ayant rendu populaire, il va devenir le Thomas Lussan de l’agrandissement d’Arcachon.
Thomas Lussan…. Qu’es aco ? vont dire les jeunes Arcachonnais auquel ce nom ne rappelle rien.
Si vous avez encore votre grand-père et si cet aïeul est du terroir, répondrons-nous, parlez-lui en un peu de Thomas Lussan : vous verrez ce qu’il vous dira en se léchant les babouines !
Thomas Lussan était le Ponpon de l’Arcachon d’autrefois. Alors qu’on projetait, non pas d’agrandir, mais d’affranchir notre station, encore sous la tutelle de La Teste, c’était lui qui se promenait sur la plage et dans les rues en costume de marmiton, un panier de brioches sur la tête en criant : « Bonne brioche! Bon pain au lait ! Bonne galette de plomb ! »
Lamarque de Plaisance en parle avec emphase dans le premier numéro du Journal d’Arcachon qui, lui aussi, fut le grand-père de l’Avenir : « le roi de la brioche, dit notre pater civitatis, ne partage avec personne sa puissance et sa gloire il règne et gouverne… Monarque bien aimé, il distribue à pleines mains ses faveurs. Tous ses sujets le bénissent et jamais il n’a fait un ingrat. La reconnaissance est la première vertu de l’estomac qui digère à l’aise, et, à Arcachon, on a toujours faim. Adroit Thomas ! il a cru sans avoir vu et jugé d’un seul coup d’œil tout l’avenir de cette plage privilégiée. Trois maisons existaient à peine à Arcachon que Thomas y construisait la quatrième… »
La première avait été celle de Lamarque, la seconde, celle de M. Jehenne et ,1a troisième, celle de Mme Lafont
La pâtisserie Thomas occupait l’emplacement où se trouve actuellement l’arrière-boutique de l’épicerie Dupuis, les ateliers et les appartements de la photographie Agised. Le photographe Zuaznavar sera le premier surpris d’apprendre, en lisant ce journal, qu’il habite une maison… historique.
Là, en effet, s’arrêta et s’abrita la première diligence venant de La Teste. Là, au faîte de son premier étage, Thomas Lussan, — qui a donné son nom à la rue toute proche – s’était représenté lui-même, en effigie naturellement, la taille pressée dans le tablier traditionnel, la tête ceinte du classique bonnet de coton, montrant aux passants étonnés Arcachon à ses pieds… S’élever une statue de son vivant, ajoute dans son article Lamarque (auquel on n’a pas élevé le plus petit buste), c’était sans contredit le plus sûr moyen d’en avoir ! »
Notre premier Maire, évadé de La Teste et fondateur d’Arcachon, devait être gourmand. Aussi avait-il une admiration sans bornes pour le marchand de brioches — lequel était aussi restaurateur et merveilleux cuisinier. Une fois notre territoire érigé en commune distincte, il lui fit décerner l’écharpe d’adjoint.
Dans la matinée, Thomas faisait les mariages ; l’après-midi, il faisait la plage. Et je vous réponds qu’on ne l’en chassait pas !
Ponpon a un ancêtre de qui tenir.
Protégé par l’Avenir, la France, la Petite Gironde, rien ne dit qu’on ne va pas lui faire la mauvaise farce de 1′ « écharper » à son tour !
Albert de Ricaudy
http://www.leonc.fr/histoire/lesgens/lesgens.htm
L’Avenir d’Arcachon du 14, 21 septembre, 2, 23 novembre1924, 4 janvier 1925
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54221756/f1.image.r=ponpon?rk=21459;2
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5422183r/f1.item.r=ponpon.zoom
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5422236f/f1.item.r=ponpon
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54222566/f1.image.r=ponpon?rk=85837;2#
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5422296q/f3.image.r=ponpon?rk=107296;4
Il est fini le temps où sur la plage d’Arcachon, on entendait Pompon annoncer sa venue en chantant : « Voilà Pompon et ses bonbons ».
Le tableau du mythique Ponpon, vendeur de bonbons de Marie Chaumet-Sousselier (1896) se trouve dans les réserves des Archives municipales d’Arcachon (photo d’Aimé Nouailhas).
L’ouvrage de Jean-Claude Garnung et Christiane Mouls, « Chroniques du Bassin d’Arcachon », pages 75-77 nous conte « Les malheurs de Ponpon », Benoît Dachary (ou Datcharry ?) à l’état civil.
Le bon Ponpon, bienfaiteur des enfants, vendait ses précieuses sucreries en chantant :
« V’la Ponpon et ses bonbons,
toujours frais et toujours bons,
à la vanille pour les filles,
au citron pour les garçons,
qui n’a pas son petit suçon ?
cinq centimes le bâton ».
Voilà ce qu’écrit de lui M. Edgar Courtès, en 1982 dans le numéro 32 du bulletin de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du pays de Buch (SHAAPB) sous le titre « Des Testerins comme on n’en voit plus »:
Bos, dit Pompon « confiseur de son état », habite place Gambetta près du café Apollo. Petit, rondouillard, coiffé d’une casquette de marin et de blanc vêtu, il part à pied de La Teste pour vendre ses bonbons et ses sucres d’orge sur la plage d’Arcachon. Il porte ses sucreries dans une caissette de verre rectangulaire. Deux courroies fixées aux quatre angles, sont retenues par une sorte de collier en cuir dans lequel il passe la tête, ce qui lui permet de maintenir à plat, devant son ventre, ce petit éventaire
Ses sucres d’orge de forme plate, savoureux et pas chers, sont appréciés par les enfants. Ponpon adore ces derniers. Pour ceux qui n’ont pas d’argent, il organise des concours : saut, course à pied, etc… le vainqueur, radieux, recevant un sucre d’orge. Si un tout petit, n’ayant pas pu participer au jeu, pleure, Ponpon lui donne un sucre d’orge pour le consoler. Brave Ponpon, quel cœur d’or !