Le pin des Landes
On ne voit en passant par les Landes désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eaux vertes
D’autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc ;
Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
L’homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu’aux dépens de ce qu’il assassine,
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !
Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.
Le poète est ainsi dans les Landes du monde ;
Lorsqu’il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu’il ait au cœur une entaille profonde
Pour épancher ses vers, divines larmes d’or !
Théophile Gautier (1811-1872), España
Le métier de résinier est un métier pénible. Il faut arpenter les forêts du soir au matin et ce tout au long de l’année pour un salaire parfois dérisoire.
Le résinier n’est pas propriétaire des pins dont il s’occupe. Il est payé en général sur la moitié de la vente de la résine, l’autre moitié étant pour le propriétaire qui fournit le matériel notamment les pots de résine et une cabane pour abriter le gemmeur et sa famille en pleine forêt.
Le gemmeur a ses propres outils dont il prend un grand soin. En janvier et février, le résinier enlève les morceaux d’écorce du pin et place en dessous le pot pour pouvoir recueillir plus tard la résine. Le pin est alors cramponné et écorcé. À partir du premier mars, le gemmeur pratique la pique avec une sorte de hache appelée le hapchot landais. Il entaille l’aubier (partie de l’arbre juste sous l’écorce) pour sectionner les canaux résinifères et assurer un débit de résine suffisant qui sera recueilli dans le pot.
La plupart des gens confondent sève et résine. Les deux substances sont sensiblement différentes à plusieurs égards. Tous les arbres produisent de la sève dans une large mesure, mais la résine existe dans le domaine des arbres qui appartiennent à la famille « Pinaceae » comme le pin, le sapin et le cèdre.
Quand on « observe » au microscope du bois de pin, en coupe transversale (tranche de tronc, ultra fine !), on y voit :
– une multitude de petits trous bordés d’un mur vert : ce sont les trachéides du bois, les « tuyaux » empruntés par le flux de sève brute, montant des racines de l’arbre vers ses aiguilles (le flux),
– des files de cellules plus foncées, plus grisées (flèches rouges sur la photo), qui ne sont pas des tuyaux vides comme les trachéides : ce sont les rayons ligneux. Dans l’aubier de l’arbre, les rayons sont formés de cellules contenant l’amidon mis en réserve par l’arbre pendant la belle saison (et qui lui serviront pendant l’hiver pour lutter contre le gel de ses tissus, et au printemps pour permettre la reprise de croissance des bourgeons). C’est parce que les cellules des rayons sont encore vivantes, pleines de sucres, que l’aubier de l’arbre est grignotable et grignoté par les micro-organismes,
– et puis enfin, quelques structures éparpillées dans le bois (et d’ailleurs aussi dans l’écorce des branchettes, ou même dans les aiguilles du pin) : un trou entouré de cellules rosées, vivantes elles aussi et capables de fabriquer des huiles essentielles, de la résine : ce sont des canaux à résine, des simples espaces vides (des trous !) bordés de cellules vivantes fabriquant et sécrétant dans le trou la résine.
Résine et sève sont deux liquides distincts, sans aucun lien direct ; elles ne se trouvent pas dans les mêmes tuyaux, elles n’ont pas la même origine : la sève brute est fabriquée au niveau des racines, la résine au niveau des canaux résinifères du bois, de l’écorce ou des aiguilles. La formation et l’excrétion des résines se produisent principalement dans la zone d’aubier.
Enfin, autant les sèves circulent, mues par des moteurs physiques (la sève brute aspirée vers le haut par l’évaporation de l’eau, la sève élaborée poussée par les aiguilles), autant la résine ne bouge pas, ne circule pas : elle est simplement « endiguée », maintenue dans les canaux résinifères. Elle ne s’écoule qu’en cas de blessure, pour polymériser au contact de l’air et « boucher » la plaie.
Un canal résinifère est une cavité tubulaire, de longueur variable, formée par une ou plusieurs couches de cellules de parenchyme dont la plus interne est sécrétrice. Ces cellules sécrètent une oléorésine dans la lumière du canal.
Les canaux résinifères se développent dans deux directions :
- axiale : issus des initiales fusiformes du cambium, ils sont disséminés dans les trachéides axiales, conduisant la sève brute
- radiale : issus des initiales des rayons, ils sont localisés dans des rayons élargis
Les deux types coexistent toujours. Les canaux se joignent en divers points en formant un réseau.
Les canaux résinifères normaux sont formés chaque année par le cambium, plutôt à la fin de la saison de végétation. Ils sont nombreux et régulièrement répartis dans la masse du bois.
Il peut aussi se former des canaux résinifères traumatiques à la suite d’une blessure de l’assise cambiale. Groupés en grand nombre, en série tangentielles, ils forment alors des « poches de résine », bien visibles à l’œil nu.
Les canaux résinifères normaux ne se trouvent que chez quatre genres : Pinus, les pins, Larix, les mélèzes, Pseudotsuga les douglas, et Picea, les épicéas. Ils sont bordés de cellules sécrétrices à parois minces chez Pinus et à parois épaisses chez les trois autres genres. Les pins possèdent les canaux résinifères les plus gros et donc les plus visibles à l’œil nu. Par contre chez l’épicéa, les canaux résinifères sont plus petits, moins nombreux et donc plus difficile à percevoir. Les sapins (Abies) ne possèdent pas de canaux résinifères.
Gemmage au « cròt » à la Teste-de-Buch, 1818
Gravure de Gustave de Galard
La saignée ainsi obtenue par le résinier s’appelle la care. Un pin peut comporter plusieurs cares. De la care, la gemme se met à couler, mais elle cristallise lentement au contact de l’air. Le résinier est donc obligé de rouvrir la blessure de l’arbre tous les sept jours. Lorsque les pots sont pleins, les femmes, dont c’est principalement le travail, récoltent la résine. Cette opération s’appelle la ramasse ou l’amasse. Ces pots sont transvasés dans des bidons en tôle, des couartes ou escouartes d’une contenance de 10 à 12 litres. Puis c’est dans des barriques qu’est versée la gemme avant d’être expédiée à la distillerie la plus proche. Il y a cinq récoltes par année de gemmage, la dernière intervenant début novembre. Souvent les gemmeurs entretiennent la forêt durant l’hiver, ce qui leur permet de recevoir un salaire complémentaire.
On devient résinier par tradition familiale : on est résinier de père en fils. Cette transmission orale et pratique des gestes et des techniques dure près de trois années avant de devenir un bon gemmeur.
Un bon gemmeur exploite avec sa femme huit à neuf mille pins ou plutôt huit à neuf mille cares. La Revue des eaux et forêts de 1939 nous renseigne sur les rendements moyens observés dans deux centres d’expérimentations, l’un dans les dunes d’Hourtin et Lacanau (Gironde) et l’autre dans celles de la Coubre et de Saint-Trojan (Charente-inférieure). Les rendements moyens annuels (pins à 1 ou 2 cares) sont de 1,53 litre à 1,66 litre en Charente-inférieure contre 1,57 litre à 2,06 litres en Gironde. Le rendement en gemme croît avec le diamètre ou l’âge des pins. Dans les années 1920, 100 000 arbres sont exploités et produisent 1 500 hectolitres de résine.
Pour aller plus loin : Forêts charentaises, ouvrage collectif sous la direction de J.-L. Neveu, Le Croît vif, 2001
http://www.jdpoleron.info/article/les-resiniers-de-la-foret-de-saint-trojan,12298.php
http://desfleursanotreporte.over-blog.com/pages/Resine-et-seves-liquides-non-miscibles-8365794.html
Voir https://lms.fun-mooc.fr/c4x/lorraine/30003S02/asset/MOOC_anatomie_chapitre16.pdf
Voir https://www.aquaportail.com/definition-8590-resinifere.html
La résine est produite par les pins pour sceller leurs blessures. Si par bonheur vous vous trouvez dans une forêt de pins perdu, c’est l’un des meilleurs endroits que vous pouviez espérer tomber !
Cherchez d’abord les branches endommagés ou tombés avant de couper l’écorce du pin pour la sève. Si vous devez endommager l’arbre, faites-le dans une petite zone d’un seul côté. Aussi, prenez seulement ce dont vous avez vraiment besoin et laissez le surplus sur l’arbre pour le protéger contre les parasites.
Si la résine est sèche et durcie, elle peut être ramollie à la chaleur. Lorsque vous chauffez la résine, utilisez un récipient profond pour éloigner la sève des flammes nues. La résine de pin peut s’enflammer facilement.
Jadis, les Amérindiens utilisaient la sève de pin à des fins médicinales. La résine est soit mâchée ou transformée en boisson en la mélangeant avec de l’eau. Recette connu pour être très efficace dans le traitement des ulcères d’estomac et de la polyarthrite rhumatoïde (forme de rhumatisme).
1 – Premiers soins : les accidents de coupe sont fréquents. La résine peut être appliquée directement sur la plaie pour endiguer le flux sanguin un peu sous forme de colle. La résine va également inhiber la croissance et la propagation des bactéries en raison de sa nature collante qui substitue à la bactérie l’humidité dont elle a besoin pour survivre. Il suffit de laisser la résine en place jusqu’à ce qu’elle sèche. Elle fermera la plaie de la même façon qu’une suture. Vous pouvez réappliquer la résine au besoin. On s’entend pour dire que ce sont des premiers soins improvisé mais quand nous en sommes rendu là !
2 – Employez la résine pour imperméabiliser des chaussures et d’autres articles : Chauffez la résine jusqu’à ce qu’elle se liquéfie pour ensuite l’appliquer sur le matériau que vous voulez rendre imperméable à l’eau.
Vous pouvez également utiliser la résine pour sceller les joints, réparer les trous dans les chaussures, les embarcations ou les structures pour éviter les fuites.
3 – Lumière et chaleur : La résine peut être utilisée pour faire une lampe. Recherchez un récipient, une boîte, une coquille, ou n’importe quoi qui peut être rempli de résine. Comme mèche, utilisez un chiffon tordu. Remplissez la dépression avec la résine, posez la mèche sur le dessus et allumez la mèche. Le matériau de la mèche enflammera la résine qui brûlera comme une bougie.
Pour utiliser la résine de pin comme source de chaleur, procurez-vous un récipient métallique et percez des trous dans son côté. Placez-le sur la résine enflammée. Le métal absorbe la chaleur et conduit à la zone environnante. Cela ne chauffera pas une grande surface mais vous aurez suffisamment de chaleur pour vous réchauffer les mains et les pieds.
4 – Faire de la colle à partir de résine de pin : Chauffer la résine jusqu’à ce qu’elle devienne liquide. Pendant que la résine de pin chauffe, émiettez du charbon de bois en poudre fine (environ 1/3 du volume de la résine). Lorsque la résine est liquide, retirer du feu et incorporer le charbon de bois en poudre. Tremper un bâton à plusieurs reprises dans le mélange pour former une boule qui aidera à l’application. Plus la préparation sera chaude, mieux elle s’étendra.
Astuce: Vous pouvez réparer les trous des récipients d’eau, les semelles de chaussures, appliquer des plumes sur des flèches faites maison ou durcir les pointes de chasse pour les empêcher de se briser.
5 – Démarrer un feu avec de la résine de pin : vous pouvez utiliser la résine pour allumer un feu dans des conditions humides. Recherchez une résine durcie et quelques bâtons de pi ; poser quelques aiguilles de pin séchées à proximité de ceux-ci. Lorsque vous allumerez la résine, elle brûle suffisamment longtemps pour sécher les aiguilles de pin et vous pouvez ajouter de petits morceaux de pin qui brûleront même s’ils sont légèrement humides.
6 – Apaiser un mal de gorge : vous pouvez obtenir la résine directement de l’arbre et la mâcher. Cela aide à apaiser et à enduire votre gorge. Faites gaffe, celle-ci est très adhérente aux dents !
Voilà un bon résumé des possibilités d’utilisation pour la résine de pin…
http://survieboreale.com/wp/la-resine-de-pin/
http://fr.scienceaq.com/Nature/100116257.html