Petite causerie vespérale relative à un principe important de construction des anciennes pinasses arcachonnaises, le clin, qui laissera le lecteur numérique soit « déglingué » soit, je l’espère, « requinqué ».
Avant que leur coque ne soit bordée à franc bord, le bordage des pinasses arcachonnaises était réalisé à clin – le lecteur numérique, qui bien qu’HTBoïate n’en serait pas moins ignorant du vocabulaire maritime, trouvera son profit à consulter les définitions de ces termes au bas de cette publication. Cette technique de construction navale d’origine germanique ou scandinave (très populaire également dans la perfide Albion) montre bien la trace des influences diverses ayant marqué l’évolution des navires de la Petite Mer de Buch.
Grâce au recouvrement des planches à la façon des ardoises d’un toit, le bordage à clin, présentait l’avantage de limiter l’ouverture des bordés lorsque la carène séchait et par conséquent réduisait les opérations fastidieuses de calfatage. Quand le bordé à clin présentaient des ouvertures trop importantes pour être étancher par le calfat dans la zone de recouvrement des bordages, on disait alors que la pinasse était déclinquée ; ce dernier terme, déformé, nous a donné le verbe déglinguer qui exprime aussi bien, au propre, la dislocation, qu’au figuré, la loufoquerie. On pouvait toutefois remédier à cette aporie en réajustant les planches de pin des bordages et on disait alors que l’on reclinquait la pinasse ; cette opération de remise en état est devenu populaire sous une forme altérée : requinquer.
Alors que ce mode de bordage n’est plus employé depuis plus d’un siècle par les chantiers navals fabriquant encore des pinasses à la coque en bois classique, il est amusant de constater qu’on retrouve l’aspect typique d’une coque bordée à clin sur les pinasses électriques commercialisées par la société e-Marine, dont la construction en résine de polyester ne nécessite pourtant évidemment aucun assemblage de planches – au-delà de l’aspect esthétique, il s’agit là d’une évocation du passé fort bienvenue sur un navire représentant probablement le futur de la pinasse arcachonnaise.
je me réjouis de retrouver dans la langue française les traces de ce clin oublié, moi qui suis parfois un peu déglingué et souvent requinqué… par un verre de tisane écossaise (d’ailleurs les Écossais construisaient aussi à clin).
(1) Border : mettre en place le bordé d’un bateau, c’est-à-dire l’ensemble du revêtement étanche extérieur.
(2) À franc bord : dont les bordages se joignent bord à bord
(3) Bordage : chacune des planches longues constituant le bordé ou action de border une coque.
(4) Bordage à clin : façon de border dans laquelle les bordages se recouvrent comme les ardoises d’un toit. On n’écrira pas « à clins » mais bien « à clin », car physiquement le clin n’existe pas – aucun élément du bateau ne s’appelle ainsi –, il s’agit du mode de construction.
(5) Calfatage : action de calfater, garnir de calfat, c’est-à-dire d’étoupe, les coutures entre les virures de bordages (entre les planches formant le bordé).
La société e-Marine qui construit des tilloles électriques et les propose à la vente ou à la location.
Le schéma expliquant ce qu’est un bordage à clin est extrait du Dictionnaire de la Mer de Jean Merrien, qui constitua par ailleurs une aide précieuse pour la réalisation de cette causerie.
Thierry PERREAUD