1793 – Défense des côtes, Bazignan

  Imprimer cet article Imprimer cet article

Lieux indiqués : Bassin d’Arcachon, Passe du nord pour les barques de 40 tonnx seulement, Passe du sud pour les grds vaisseaux, Bancs qui ne découvrent jamais, Cap feret, matoc, cap bernet, le pilla, Balise(2), Baterie de la Roquette, pte du Sud, Cazaux, Sanguinet, Isle de la teste, petite foret d’arcachon, pte daiguillon, la teste, grande foret d’Arcachon, Cazaux, Étang de Cazaux, Gujan, Ruat, le Teich, La mothe, Route de Bordeaux à Bayonne, chemin de Bordeaux à la teste, Biganos, Tagon, Comprian, Andenge, St ives, Certes, Lanton, Andernos, Entrée d’arès, Bord du Bassin, arès, liege, le sangla, arpeich (2), peydebuch, fossé pour l’écoulement des Eaux, [Le Porge n’est pas désigné]

Carte du sistème général de la défense des côtes

depuis Cap Breton jusqu’à la rive gauche de la Seudre, exécuté sous la direction du citoyen Bazignan, chef de bataillon de l’arme du Génie, présentée aux représentants du Peuple en séance à Bordeaux par le citoyen Poiséré (17..-17..?). Éditeur à  Bordeaux.

Bassin d’Arcachon, Passe du nord pour les barques de 40 tonnx seulement, Passe du sud pour les grds vaisseaux, Bancs qui ne découvrent jamais, Cap feret, matoc, cap bernet, le pilla, Balise(2), Baterie de la Roquette, pte du Sud, Cazaux, Sanguinet, Isle de la teste, petite foret d’arcachon, pte daiguillon, la teste, grande foret d’Arcachon, Cazaux, Étang de Cazaux, Gujan, Ruat, le Teich, La mothe, Route de Bordeaux à Bayonne, chemin de Bordeaux à la teste, Biganos, Tagon, Comprian, Andenge, St ives, Certes, Lanton, Andernos, Entrée d’arès, Bord du Bassin, arès, liege, le sangla, arpeich (2), peydebuch, fossé pour l’écoulement des Eaux, [Le Porge n’est pas désigné]

Joseph Henri Menaud de Bazignan, né le 15 février 1740 à Francescas (Lot-et-Garonne), mort le 10 septembre 1821 à Agen (Lot-et-Garonne), est un colonel français de la Révolution et de l’Empire.

Il entre en service le 1er janvier 1759, comme élève aspirant du génie, et il est admis en qualité de lieutenant en second à l’École royale du génie de Mézières le 1er janvier 1762. Sortie de l’école le 1er janvier 1765, avec le grade de lieutenant en premier (ingénieur ordinaire), il reçoit son brevet de capitaine le 15 août 1773.

Après avoir servi dans plusieurs places du royaume, il est fait chevalier de Saint-Louis le 3 avril 1790, et il obtient le grade de lieutenant-colonel le 4 décembre 1792, à Bordeaux.

Le 3 juillet 1795, il est nommé chef de brigade, directeur des fortifications sur diverses places frontières, et le 27 janvier 1798, il devient directeur des fortifications à Nice.

L’année suivante, il adresse au comité des fortifications, un rapport sur la défense du comté de Nice et des pays adjacents occupés par l’armée française, accompagné d’une carte bien étudiée des localités, qui mérite à son auteur des témoignages de satisfaction de la part du comité. Il fait faire une reconnaissance des cols qui aboutissent à la grande chaine des Alpes, fortifie le col de Tende, à hauteur de La Briga, d’où, avec une compagnie de sapeurs de 200 hommes, il maintient constamment libre les communications entre Nice et l’armée d’Italie, ainsi que celles entre la France et l’armée des Alpes.

En 1800, lorsque le corps du général Suchet se replie sur le Var, il est chargé de fortifier les places de Monaco, de Villefranche, et le fort du mont Alban. Ces dispositions défensives arrêtent la marche du feld-maréchal Melas. L’intelligence et le zèle déployés en cette circonstance, lui mérite les éloges du directoire.

Le 30 mars 1800, il prend la direction du génie à Antibes, et en 1802, il occupe les mêmes fonctions à Bordeaux.

Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 11 décembre 1803, officier de l’ordre le 14 juin 1804, et membre du collège électoral du département de Lot-et-Garonne.

Affecté à Rochefort comme colonel directeur des fortifications, il est admis à la retraite le 20 mars 1810.

Il meurt le 10 septembre 1821, à Agen.

1700/ & /1800 – Medoc – Bassin d’arcachon, Le porge, Lege, Ignac, aréeε

Plan de partie du Medoc. Trois lieues

Sujet :  batteries le long de la Gironde

Bassin d’arcachon, Le porge, Lege, Ignac, aréeε

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53032773q.r=medoc?rk=107296;4

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8445839b.r=medoc?rk=85837;2

Fort de la Roquette

La côte de Guyenne, du nord au sud, de l’embouchure de la Gironde à celle de l’Adour, ne présente qu’une région déserte, longue et plate, formée de dunes de sable mouvant, sans cesse poussées par les vents d’ouest, refoulant vers l’est le chapelet d’étangs qui les bordent à l’intérieur.

La mer, hier comme aujourd’hui, est dure, houleuse, les tempêtes surviennent souvent à l’improviste, et sont des plus violentes. Quand les vaisseaux échouent sur cette rive sablonneuse, ils sont alors sans ressource.

Il n’y a pas de ports ni de rades sur une longueur de rivage de près de 250 kilomètres, en dehors du bassin d’Arcachon dont l’entrée est difficile entre des bords dangereux.

On y pénètre par deux passes, la passe Nord et la passe Sud, lesquelles, à raison de leurs fonds sableux, sont fort variables. Une seule tempête suffit à les boucher, à les déplacer ou à en faire varier la profondeur.

Le bassin a la forme d’un triangle, mesurant 15 500 hectares de superficie à mer haute.

Les navires qui ont pu y pénétrer par circonstance favorable, y sont ensuite fort en sûreté.

M. le baron d’Haussez, préfet de la Gironde en 1824, étudie le bassin d’Arcachon et dit que cette belle rade est sans pareille au monde si ce n’est, peut-être, certaines baies de l’Inde.

La région qui entoure le bassin d’Arcachon s’appelle le pays de Buch, et forme l’une des parties de la Guyenne et du pays bordelais.

La capitale est le bourg de La Teste-de-Buch. Il comprend quinze autres paroisses : Gujan, Le Teich, Biganos, Audenge, Lanton, Andernos, Arès, Lège, Le Porge, Le Temple, Saumos, Lacanau, Béliet, Salles et Mios (Arcachon n’existe comme commune que depuis 1857).

En 1681, Vauban, visitant le bassin d’Arcachon, est impressionné par sa position et veut en faire un port de guerre. Mais comment une flotte en sortirait-elle si elle y est bloquée par l’ennemi ? Le célèbre ingénieur songe alors à compléter le bassin par un canal d’Arcachon à Bayonne, lequel livrerait passage aux vaisseaux du Roi.

Si l’ennemi ose faire une descente sur la côte et la réalise dans des conditions favorables, ce débarquement ne peut s’accomplir que lentement. On aura le temps de prendre des mesures pour le repousser.

En supposant toutefois que cette manœuvre réussisse, l’ennemi peut ensuite, par de mauvaises routes, franchir 60 kilomètres et arriver à Bordeaux.

Telles sont les réflexions que nos hommes de guerre se font au XVIIIe siècle et telles sont aussi les difficultés qu’ils résolvent de vaincre par une organisation de défense bien comprise et bien réalisée.

Cette perspective d’invasion par l’ennemi venant de la mer est de tout temps l’inquiétude des habitants du pays de Buch.

Déjà, pendant l’occupation gallo-romaine, les Romains établissent des postes de vigie et des abris contre un coup de main éventuel, dans les localités de Lamothe et de Mios (au Bourdieu) notamment et dont les traces sont encore très visibles.

Au moyen âge, au XIIIe siècle, voici le château de Lège, muni — nous précisent les anciens textes — d’une barbacane (ouvrage avancé), les châteaux de Certes, d’Audenge, de La Teste, un peu plus tard ceux d’Andernos et de Salles.

Au XIVe siècle, le pays est ravagé par les Anglais pendant la guerre de Cent ans.

En 1650, les partisans de la princesse de Condé, à l’époque des troubles de la Fronde, s’emparent du port d’Arcachon pour faciliter la descente des Espagnols dans ce pays.

En 1666, des vaisseaux anglais pénètrent dans le bassin d’Arcachon au cours de la guerre de la France et de la Hollande contre l’Angleterre.

La défense des côtes comprend trois organisations principales : 1° Les troupes spéciales appelées garde-côtes, subdivisées en milices garde-côtes, canonniers garde-côtes, dragons garde-côtes, secondées par la maréchaussée et la garde nationale ; 2° Les batteries de côtes, établies dans le pays de Buch sur le sommet des dunes, près du rivage, et protégeant surtout l’entrée du bassin ; 3° Un système de vigies et de signaux pour transmettre rapidement les nouvelles ou les ordres.

Le service de la garde-côtes, ou guet de la mer, dont le principe a été déjà établi par Charlemagne avec ses Custodes maritimi (Capitulaire de 802), est régularisé par Colbert. Ce service astreint les habitants du littoral marin à une charge assez pénible, les enlevant à leurs occupations habituelles pour en faire des soldats.

Malgré ces sacrifices, ces hommes vaillants remplissent leur devoir sans faiblesse, pour le salut des femmes et des enfants, prêts à repousser un ennemi implacable, visible le jour, mais invisible la nuit.

On sent vraiment chez ces braves battre le cœur du peuple, le cœur même de la France.

Des lettres patentes du roi Louis XIII (14 janvier 1616) accordent aux habitants du pays de Buch l’exemption de certains impôts, tels que la taille et les taxes commerciales, à raison de leur fidélité et de leur dévouement à observer la « garde de la mer ».

Nos Testerins continuent à remplir ponctuellement cette charge, pendant près de deux siècles, puisqu’en 1789, dans leur cahier des doléances, ils demandent alors au roi de vouloir bien leur maintenir ces avantages à raison de la régularité de leur vigilante faction.

Cette obligation était assez onéreuse, car en dehors de la cessation de leurs occupations professionnelles et de bénéfices qu’ils perdent, ils doivent en cas d’alerte maritime faire porter « en poste », c’est-à-dire le plus rapidement possible, à leurs dépens, à Bordeaux, l’avis de cet événement aux gouverneurs et jurats de cette ville.

En 1719, Louis XV désigne le baron d’Arès, seigneur d’une des paroisses du bassin d’Arcachon pour être capitaine garde-côtes, de la capitainerie de La Teste et pour y commander sous l’autorité de l’amiral de France. Cet officier doit veiller soigneusement et pourvoir à la sûreté et défense des côtes, former des compagnies de milices garde-côtes, faire faire le guet de garde pour empêcher la descente d’ennemis ou pirates (Règlement du 28 janvier 1716). Le baron d’Arès prête serment aux mains d’Alexandre de Bourbon, amiral de France. Ce gentilhomme est encore en fonctions en 1744.

Le 5 août 1721, paraît un règlement pour les capitaineries garde-côtes de la province de Guyenne, divisant cette province en sept capitaineries, dont la capitainerie de La Teste-de-Buch comprenant vingt-cinq paroisses. Ces sept capitaineries sont commandées par vingt-quatre officiers majors généraux et sept clercs du guet garde-côtes. Leur devise est : Et vigil et pugnax (Bien éveillé et belliqueux). Ce service de garde-côtes oblige les cultivateurs des paroisses éloignées à une servitude gênante et onéreuse, leurs officiers leur imposent des corvées désagréables, sinon ils sont mis en prison. Tel est le tableau de la situation, pour le Médoc notamment.

Mais pour La Teste c’est un tout autre ton : « Rien à reprocher », dit une note de service. On signale quelques exemptés de service, notamment les marchands de poisson ou les armateurs de pêche. En 1749, il y a aussi une brigade à Salles, et en 1777 une autre brigade au Teich.

En 1738, un marin de La Teste fait prisonnier par les Anglais meurt en Angleterre. De 1738 à 1749, douze Testerins meurent en captivité.

En 1744 on projette d’établir des corps de garde et des poudrières sur les côtes d’Arcachon. Mais ce n’est qu’en 1754 que ce projet – le fort Cantin –  est mis à exécution, pendant la guerre avec l’Angleterre qui commence. Un fort est alors construit un peu au sud de Moulleau, sur une butte de sable dans laquelle on fixe des pièces de bois, et où on établit des retranchements. Quelques détachements de gardes-côtes y sont envoyés en 1767. Mais les tempêtes, la mer et les sables emportent ces constructions qui sont refaites en maçonnerie et en briques en 1779. En 1781, ce fort est commandé par le sieur Taffard de la Ruade, lieutenant garde-côtes. En 1783, des ordres sont donnés pour le désarmement de cette batterie.

En 1757, la capitainerie de La Teste-de-Buch se divise en trois compagnies :

— pays de Buch : La Teste (9 paroisses) avec 100 hommes ;

— Gujan (16 paroisses) avec 100 hommes ;

— pays de Born (Landes) : Saint-Julien-en-Born (7 paroisses) avec 100 hommes.

Les compagnies de La Teste et de Gujan s’assemblent à La Teste et celles du pays de Born à Pontenx (Landes).

En 1758, en Guyenne, chaque compagnie comprend alors un capitaine, deux lieutenants, quatre sergents, quatre caporaux, quatre anspessades (soldats d’élite), deux tambours, quatre-vingt-six fusiliers, dont vingt-cinq canonniers. Ces compagnies portent le nom des villages où elles doivent être assemblées et peuvent en temps de guerre être portées à 120 hommes au plus. Le service est de six années avec tirage au sort. Au mois de mars on passe la revue, un jour de fête ou un dimanche. La dispense pour raison de maladie attestée par certificat.

Pour compléter les compagnies, on choisit des garçons de 16 à 40 ans, de la hauteur de cinq pieds au moins (1 m. 60). À défaut de garçons, on prend des hommes mariés jusqu’à 40 ans. Leur instruction militaire se fait les 1er et 3e dimanches des mois de mars, mai, avril et juin. Des revues générales ont lieu pendant huit jours en mai et en août. Le manquement aux revues est puni d’un jour de prison.

Le capitaine est payé 900 livres par an. On donne 3 livres par an à chaque tambour pour l’entretien de sa caisse.

En temps de guerre on délivre aux soldats des gibernes, avec tournevis, un tire bourre, un fusil, une baïonnette, des munitions, 2 pierres à fusil de rechange.

Pendant la guerre, les militaires en service doivent monter la garde au corps de garde qui leur est désigné.

Dans chaque corps de garde, on met en place un râtelier où sont rangés les fusils, des lits de camp, une table, des bancs, un fanal, un chandelier de fer.

L’officier loge dans le village le plus proche et dans une chambre.

En 1758, dans la province de Guyenne, il y a 18 compagnies de dragons de 50 hommes qui forment 9 escadrons. La capitainerie de La Teste comprend 6 compagnies avec un capitaine, un lieutenant, un cornette (porte-étendard), un maréchal des logis, deux brigadiers, un tambour et quarante-six dragons. La compagnie s’assemble pendant un mois chaque année. Le service dure six ans.

En 1760, le chevalier Pic de la Mirandole commande la compagnie d’Audenge de la capitainerie de La Teste de Buch et en 1764 le sieur Joseph de Vaureheman est major général de la capitainerie de La Teste.

Les dragons garde-côtes sont des hommes à cheval, formés à combattre une descente de l’ennemi et à renseigner rapidement de ce qui se passe. En temps de guerre ils sont postés de distance en distance sur la côte. Chaque dragon fournit son cheval et l’entretient. Il doit s’habiller et s’équiper à l’exception des tambours auxquels il est accordé un habit bleu, un chapeau et une caisse.

Un des premiers actes de guerre des Anglais contre la côte du pays de Buch, est le 27 juillet 1762. Ce jour-là une barque de Saint-Martin-de-Ré est poursuivie par deux corsaires anglais de Guernesey et forcée de faire côte sur notre rivage. La barque se brise en atterrissant et son chargement de résine, brai, fer et « réguelisse » est fortement endommagé. Les garde-côtes de La Teste alertés arrivent sur les lieux mais ne peuvent que constater le désastre.

En 1765, ces cavaliers arrêtent à La Teste des étrangers qui volent et font des désordres. En 1788, le brigadier et un cavalier découchent quatre jours et passent deux jours pour la capture d’un malfaiteur qu’ils conduisent ensuite à Bordeaux.

Le règlement du 17 décembre 1778 indique que les canonniers garde-côtes doivent faire leur service aux batteries de côtes en temps de guerre, par détachements relevés tous les quatre jours. Ils passent plusieurs revues par an.

Pendant la guerre d’Amérique qui dure de 1778 à 1783, notre marine arcachonnaise perd 23 de ses bâtiments, depuis 1779, époque où les corsaires anglais commencèrent à venir dans le golfe de Gascogne jusqu’à la fin des hostilités de 1783.

En 1780, la division de canonniers garde-côtes de La Teste, comprend 150 hommes, se rend à l’école des garde-côtes à Lormont pour y perfectionner son instruction. La solde à La Teste est la suivante :

  • 1 sergent, pour cinq jours de service : 3 livres, 6 sols, 8 deniers ;
  • caporaux, pour cinq jours de service : 4 livres, 13 sols, 4 deniers ;
  • 9 canonniers, pour cinq jours de service : 14 livres, 5 sols, 4 deniers ;
  • tambour, pour cinq jours de service : 2 livres, 1 sol, 8 deniers.

En 1782, on accepte que, lors du tirage au sort, 4 recrues payent pour être remplacées. Sur 10 paroisses (dont La Teste) et 253 conscrits, il y a 75 remplacés. Des garçons de trop petite taille sont refusés, on pense les prendre comme marins en cas de besoin.

Le 26 mai 1783, le comte de Flahaut de la Billarderie, maréchal de camp et armées du Roi, vient à La Teste pour faire passer la revue des canonniers garde-côtes de La Teste, d’Andernos et de Mimisan (Landes). Sont présents : 2 capitaines, 2 lieutenants, 5 sergents, 10 caporaux, 100 canonniers, 3 tambours. Quatorze sont absents ou malades.

Charles-François de Flahaut, comte de la Billarderie, fils de Charles-César de Flahaut, lui-même marquis de la Billarderie, naît en 1726. Issu de la noblesse française, Charles-François de Flahaut termine sa carrière comme maréchal de camp au service des armées du roi.

Veuf d’un premier mariage avec Françoise-Louise Poisson, (1724-1765), la sœur de la marquise de Pompadour, il rencontre chez madame de Marigny la très jeune orpheline Adélaïde-Marie-Émilie Filleul, à peine âgée de 18 ans. Charles-François de Flahaut, alors âgé de 53 ans, conclut un mariage convenu et surtout assuré d’intérêt, le 30 novembre 1779, avec la future femme de lettres Adélaïde de Flahaut (1761 – 1836). Il est le père « officiel » de Charles Auguste Joseph de Flahaut, né le 21 avril 1785 (les pères présumés de l’enfant sont William Windham (1750-1810), parlementaire britannique rencontré en 1781, et surtout Talleyrand (1754-1838). Arrêté durant la Terreur, Charles de Flahaut s’évade avec la complicité de son avocat, avant de se réfugier à Boulogne. Laissant sa femme partir pour l’Angleterre, il se rend aux révolutionnaires pour éviter la mort à son avocat. Il est guillotiné en 1794 à l’âge de 68 ans.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Fran%C3%A7ois_de_Flahaut_de_La_Billarderie

En 1788, un cavalier porte à Bordeaux un paquet de lettres d’affaires du Roi.

La brigade de la maréchaussée de La Teste, opère en plein hiver, les chevaux ayant de la neige jusqu’au ventre dans les bois : en 1788 également, la brigade composée d’un brigadier et de deux cavaliers arrête trois scélérats armés de pistolets qui ont volé et pillé la chapelle d’Arcachon près de La Teste ; cette arrestation a lieu sur la route de Bayonne après six jours et six nuits de transes et de courses dans la neige, les hommes étaient morfondus de froid. Ils conduisent ces malfaiteurs à Bordeaux. On les condamne aux galères perpétuelles.

Le jour de Noël 1789, cent-cinquante volontaires du régiment patriotique assistent à la cérémonie de la bénédiction du nouveau drapeau.

L’état-major a à sa tête le duc de Duras, généralissime des troupes de l’arrondissement du bassin, M. de Romefort, colonel, un major, un capitaine, un chirurgien et un porte-drapeau.

Le nombre des volontaires ayant augmenté, on peut fournir six compagnies commandées par un capitaine. Ce régiment, pendant des années, assure l’ordre à La Teste.

Le petit fortin de Moulleau, établi en 1790, comprend deux maisonnettes sombres avec canons rangés par devant et boulets par derrière. Il est abandonné, puis rétabli en mai 1808, avec trente-trois hommes relevés tous les quinze jours. Cette batterie sert pendant l’Empire à protéger l’entrée du bassin où se réfugient de nombreux navires poursuivis par les croiseurs anglais. La batterie croise ses tirs avec ceux de celle du cap Ferret.

En 1791, il y a 55 gardes-vigies entre la Gironde et l’embouchure de l’Adour, dont 5 à proximité de La Teste : à la pointe du sud, à l’Île aux Oiseaux, à la pointe de Bernet, à la pointe de l’Aiguillon, et à la Roquette ; il n’est plus question du Fort Cantin, désaffecté.

Chaque mât de vigie est gardé par deux hommes armés de fusils à baïonnette et 4 coups à tirer chacun.

Mais ce service de garde des vigies est désagréable et pénible ; on trouve difficilement des hommes pour le remplir.

On s’aperçoit assez vite que le service des vigies se néglige progressivement et qu’on ne peut plus compter sur la vigilance des gardiens de vigie, les gardes nationaux manquant de zèle et de régularité : la petite garnison de la batterie est composée de canonniers vétérans et de volontaires et aussi de gardes nationaux qui se relaient car le service de la batterie ne doit pas être interrompu un instant.

Le 4 mars 1791, les régiments de garde-côtes sont licenciés et remplacés par la garde nationale, pour le service des côtes, concurremment avec la troupe de ligne jusqu’en 1799.

La batterie de la Roquette est établie au mois de juin 1792 ; le nom de « Roquette » était jadis donné à de petites forteresses, nous dit Littré.

À cette époque, une descente des Anglais sur la côte du pays de Buch devient chaque jour plus probable (en effet, le 1er février 1793, la Convention déclarera la guerre à l’Angleterre).

Le 2 juin 1792, ordre est donné par M. de Gestas  maréchal de camp, commandant la 11e division, de construire une batterie, de 6 pièces de canon de 24 et d’un mortier en bronze montés sur des affûts de côtes, à l’entrée de la passe du Sud : La Roquette se trouve être vis-à-vis l’île de Matoc, en ligne à peu près directe d’une maison de garde appartenant à M. de Ruat, et une pointe de pignadar entre deux.

La batterie en bois doit aussi comprendre des magasins, mâts de signaux, baraque pour loger dix-huit artilleurs garde-côtes, canonniers invalides.

La municipalité de La-Teste fournit gratuitement des pins pour la construction de ce fortin (on trouve, à proximité des ouvrages, tous les bois qui sont nécessaires). On met en adjudication les fournitures de bois de chêne et d’arbousier, et celles de chandelles (18 livres, 8 à la livre).

Les travaux sont exécutés rapidement sous les ordres du lieutenant-colonel du génie Bazignan.

En 1792, à la suite d’une pétition des habitants de La-Teste demandant qu’on emploie au plus tôt le crédit de 6 000 livres ouvert par le Conseil général du département et d’un rapport dans ce sens de l’ingénieur en chef en date du 16 août, les travaux d’ensemencement sont autorisés par un arrêté du Conseil général du 20 septembre, signé P[asc]al Buhan Se Gal, et sont repris le 15 octobre. Ils ont pour but de mettre à l’abri de l’ensablement la batterie qui vient d’être établie, sous la direction du capitaine d’artillerie Bazignan, pour défendre l’entrée du bassin d’Arcachon en ensemençant les dunes voisines, notamment une partie de celle de la Roquette. Le 9 octobre, sur demande pressante de Peyjehan, le Conseil général augmente les salaires des ouvriers, puis, le 20 février 1793, les élève encore et les porte à 30 sous pour les hommes, à 18 sous pour les femmes. L’administration invite le citoyen Peichan à apporter à l’exécution de ces travaux tous les soins et le zèle dont il est capable. Peyjehan, en attente d’être payé, suspend les travaux d’ensemencement le 5 mars 1793. Il est alors remplacé par Desgons qui, faute de fonds, arrête à nouveau les travaux le 6 juillet 1793. En tournée le 9 fructidor an III (26 août 1795), les citoyens Pierre Partarrieu, administrateur, et Nicolas Brémontier, ingénieur en chef, rapportent : « Ces semis embrassent tout le bord de la mer, depuis la petite forêt d’Arcachon jusqu’à 1000 toises du bassin du Pilat, ce qui forme une longueur de 2500 toises, sur une largeur plus ou moins étendue. »

Plus tard, Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans évoque les semis : « Après une heure de marche environ, nous arrivâmes au Geniés, où Brémontier commença ses semis, et où ils ont fait des progrès très remarquables. Ces semis, garantis du vent direct de la mer par le sommet des dunes qui les dominent à l’ouest, sont devenus de véritables bosquets ; ils donnent de charmants labyrinthes naturels, où l’on aime à se reposer lorsqu’on vient de franchir, sous un ciel brillant, l’aride désert des dunes.

Saint-Amans nous situe le Geniès : « Devant nous, un peu sur la droite, l’entrée du canal, se présentait le cap Ferret entouré de brisant. La forêt d’Arcachon était sur la même ligne, aussi à notre droite. Celle de la montagne (la Forêt usagère), à notre gauche, était cachée par les dunes au pied desquelles gisait la batterie de la Roquette avec ses magasins et ses signaux. Un peu plus en avant, vers l’entrée du canal, paraissait le Matoc, dangereux écueil, célèbre par mille naufrages. »

Les constructions terminées, une batterie de six pièces de 24 est mise sous la garde de quinze hommes commandés par Taffard de la Ruade. Ces pièces sont chargées à boulets rouges, la batterie disposant à cet effet d’une grille spéciale sur laquelle les projectiles, à l’aide d’une soufflerie, sont portés à une haute température et sont tirés incandescents sur les navires dans le but de les incendier. En effet, on a aussi construit un gril avec soufflet pour faire rougir les boulets et les lancer incandescents sur les navires afin de les incendier. Ce procédé, qualifié par l’amiral Nelson de diabolique, est en réalité moins diabolique que puéril.

Dès ce moment La Teste devient un port militaire.

Ce n’est pas au début un séjour sûr ni agréable ; l’approvisionnement s’y fait mal, les armes manquent. On met en adjudication les fournitures de bois de chêne et d’arbousier, et celles de chandelles (18 livres, 8 à la livre).

Peu après une forte tempête abîme les constructions : on doit les réparer.

Quant à la petite garnison de la batterie, elle est composée de canonniers vétérans et de volontaires et aussi de gardes nationaux qui se relaient à tour de rôle ; car, comme on le précise, « le service de la batterie ne devait pas être interrompu un instant ».

En août et septembre 1792, plusieurs soldats de La Teste tombent malades ; ils sont logés dans des chambres humides et mal éclairées, et sont dans un triste état. Il est difficile de les envoyer à Bordeaux ; il faudrait, de toute urgence, établir un hôpital militaire à La Teste : après étude de la question, le maire prend, au moins provisoirement, la caserne de gendarmerie habitée par un seul gendarme et qui a une salle pouvant renfermer douze à quinze lits. On approvisionne l’hôpital de riz, d’œufs, de miel, d’amandes douces et amères, de vin vieux, de citron, de vinaigre. Chaque malade a son vase de nuit. La cuisine est pourvue de son mobilier et de vaisselle. Une chambre est réservée au chirurgien de garde, MM. Jougla père et fils sont les chirurgiens, et M. Thore, le docteur en médecine. Le docteur Thore offre une boîte contenant les objets nécessaires à ranimer des noyés sortis de l’eau.

En 1795, deux infirmières s’occupent des malades.

Cet hôpital un peu délaissé en 1798 finit par ne plus exister en 1805, les soldats malades sont alors portés à Bordeaux.

En 1793, le 1er février, la guerre reprend entre la France et l’Angleterre. De mars à octobre 1793, on compte cinq bateaux de La Teste échoués par poursuite de corsaires anglais. Ici se place une aventure qui révèle bien la mentalité de nos Landais : le 5 mai 1793, la municipalité de La Teste reçoit la lettre suivante des citoyens municipaux d’Ygos (commune des Landes à 65 km au sud de La Teste) : « Les Anglais sont entrés cette nuit sur nos côtes de Messanges (commune des Landes, près de l’Océan), au nombre de 40 000.

Vous êtes invités à faire partir de suite tout le monde que vous pourrez de votre commune et de vous armer le mieux qu’il vous sera possible.

Faites le savoir de suite à toutes les municipalités voisines. »

Cette lettre vient, à travers les Landes, par Labouheyre, Biscarrosse, Sanguinet avec le visa de chacune de ces municipalités. La Teste est prévenue également par un autre côté (Liposthey et Parentis).

Aussitôt La Teste alerte Gujan. Les gardes nationaux de Gujan et du Teich se hâtent et arrivent à La Teste armés de fourches, de haches et de quelques fusils de chasse en mauvais état.

« Tous, dit le narrateur de cette aventure mémorable, tous étaient bien déterminés pour vaincre ou mourir, pour le maintien de la liberté et de l’égalité de la République une et indivisible, en chantant unanimement d’un chorus général, l’hymne glorieux des braves Marseillais.

Plutôt la mort que la loi des tyrans ! »

Le Conseil général de La Teste décide donc de porter secours au département des Landes aussi complètement que possible.

Sur les entrefaites on annonce que sept à huit bâtiments armés en guerre manœuvrent comme pour entrer dans la rade sous pavillon blanc.

On ne veut pas s’effrayer du péril. « Le courage, dit le narrateur, est la vertu de l’homme libre, du vrai républicain, et il n’y a point de courage là où il n’y a point de calme ou de sang-froid, à l’approche du péril.

Il faut délibérer avec une ferme sécurité, on pourra chercher à se procurer des fusils ; il y en a notamment chez des veuves et femmes de marins.

Tous les citoyens se réunissent avec un zèle qui fait présager le salut de la chose publique.

On va fondre des balles de plomb.

Si l’on reçoit des réfugiés des communes voisines, les boulangers vont fabriquer du pain en supplément.

La troupe bordelaise part, tambour battant, pour se rendre à la Batterie de la Roquette avec l’air de contentement qui caractérise les guerriers républicains, pour défendre la Batterie ou mourir en combattant.

Tous manifestent la ferme résolution de repousser vigoureusement l’ennemi qui menace leur foyer.

Ils réclament des fusils pour ceux qui n’en ont pas, et de la poudre et des balles pour tous.

Tous les citoyens sont prêts, ils n’attendent que le commandement pour marcher à l’ennemi.

Tous les gens valides avec la Garde nationale, tambour battant et chantant la Marseillaise, partent pour la Batterie. Ceux qui ne peuvent faire le parcours restent dans la commune pour garder femmes et enfants.

Les Gardes nationales de Gujan et du Teich arrivent et ensuite partent pour la Batterie.

On a vu six à sept navires dans les passes.

La Garde nationale de Salles (à 25 km de La Teste) arrive avec fusils de chasse, fourches, broches et faux emmanchées à l’envers.

Ils sont accueillis à la républicaine.

Le danger ne semblait pas être imminent ; et, vue la difficulté qu’on va avoir à nourrir tous ces hommes, on expédie des messages dans les communes pour leur demander de ne pas envoyer encore leur secours.

On porte à la Batterie 662 livres de pain et 251 livres de bœuf pour la nourriture des soldats.

On signale deux corsaires ennemis sur nos parages qui poursuivent cinq ou six bâtiments français.

La Batterie tira trois coups de canon sur les corsaires. Ils gagnèrent le large et les six bâtiments français purent entrer librement dans le port de La Teste.

Arrivée de la Garde nationale de Lugos (à 28 km de La Teste) tambour battant et drapeau déployé.

6 mai. — À trois heures de relevée, le maire de La Teste écrit de la Batterie de la Roquette une lettre au Conseil général de La Teste annonçant que toutes les craintes que l’on avait de l’invasion de l’ennemi sur notre territoire sont dissipées; nul danger ne menace et l’on peut faire retirer dans leurs foyers les citoyens qui se dévouaient à la défense du pays.

7 mai. — On constate que la côte n’est plus en danger, cependant on portera secours à nos frères de Messanges s’ils le réclament.

Toutes les troupes qui étaient venues à La Teste seront congédiées et rendront les balles et la poudre qui leur ont été livrées.

Nos braves défenseurs ont bien du mérite : champs, ateliers, commerce, tout avait été quitté. Ils ont fait à qui mieux mieux. »

Il faut croire que cette fameuse alerte de Messanges avait fait grand bruit dans tout le pays, puisque le 7 mai le gros bourg de Cadillac (sur la rive droite de la Garonne à 70 km de La Teste) envoie à La Teste un messager spécial, chargé d’offrir un secours de 4 000 hommes. Le 9 mai, c’est une députation de trois citoyens d’Illats (à 65 km de La Teste) qui vient au secours.

Toute cette agitation n’est en somme que la preuve du patriotisme et du dévouement de nos populations du pays de Buch et de leur attentive vigilance.

En 1793, le procureur de la commune de La Teste constate que la batterie de la Roquette n’est pas suffisamment gardée par le détachement des troupes qui s’y trouvent. On peut craindre l’irruption des ennemis à la faveur d’un débarquement. Ce point de la côte est très important à maintenir pour la sécurité des départements de la Gironde et des Landes.

En janvier 1793, le salut de la République, est, dit-on, entièrement lié au service des vigies. “Ce n’est que par lui, affirme-t-on, que les enfants de la Liberté peuvent être avertis des projets désastreux des tyrans coalisés et des points où ils doivent se porter pour en purger la terre.”

Chaque mât de vigie est gardé par deux hommes armés de fusils à baïonnette et 4 coups à tirer chacun. Il y a 55 gardes-vigies entre la Gironde et l’embouchure de l’Adour appelée cap Brutus. Pour cette organisation on choisit la pointe du Sud, l’île de La Teste (île aux oiseaux), la pointe du Bernet et la pointe de l’Aiguillon. Mais ce service de garde des vigies est désagréable et pénible ; on trouve difficilement des hommes pour le remplir. Il semble qu’on confonde au début du XIXe siècle les vigies avec les sémaphores. On signale en 1814 le sémaphore de la côte du Sud et en 1816, celui du cap Ferret.

Le 18 février 1793, un arrêté prévoit un envoi d’hommes de La Teste-de-Buch pour défendre la batterie de la Roquette : on renforce en conséquence la garnison de la batterie qui est portée à cent-cinquante hommes. C’est une pierre d’attente, car il faudrait au moins deux cents hommes armés et disciplinés, dont cinquante canonniers avec un chef expérimenté.

Le 10 mars 1793, une pétition est présentée au Directoire du département de la Gironde par les citoyens de huit communes du pays de Buch, composant le bataillon des Gardes nationales de la 2e section du canton de La Teste : « Nous avons appris que nos frères des communes de La Teste, Gujan, et Le Teich, composant le bataillon des Gardes nationales de la 1re section de ce canton, sont allés vous offrir leurs services pour la garde de la batterie de La Roquette et la défense de notre côte.

Nous qui, quoique divisés par sections, n’avons jamais été divisés de principes avec nos frères, nous venons faire la même proposition et vous annoncer que, comme eux, nous désirons consacrer nos bras à la défense de la Patrie.

Nous nous dévouerons à ce service dur et pénible en pleine connaissance de cause.

C’est pour nous, pour la défense de nos femmes, de nos enfants, de nos vieillards, les plus chères de toutes les propriétés, que nous demandons à le faire.

Craindrait-on que nous manquassions de courage ? Un soldat de la liberté en a-t-il jamais manqué ?

Fait en la réunion tenue à Certes, le 10 mars. »

Suivent 49 signatures et les noms de 204 citoyens qui ne savent pas signer.

À cette pétition, le Directoire répond le 13 mars qu’il daignera ne demander au contingent de La Teste que 3 volontaires au lieu de 10. S’il acceptait ladite pétition, dit-il, toutes les communes maritimes pourraient en demander autant.

Le 24 mars, réquisition du citoyen Mazade tendant à l’envoi d’une demi-compagnie de canonniers pour le service de la batterie de la Roquette établie à la passe de la baie d’Arcachon. Bordeaux envoie deux cents hommes, huit caisses de 8 400 cartouches à balles d’infanterie, un baril de 1 000 pierres à fusil, et un armement complet pour les pièces de 24.

« Les soldats bordelais, dit la chronique de l’époque, seront des hommes redoutables contre l’ennemi de la patrie et en même temps des hommes paisibles avec leurs concitoyens. Les Testerins rendront leur séjour aussi agréable que possible, leur exprimant des sentiments de paix, d’union et de fraternité. Ces braves amis seront chaleureusement accueillis à leur arrivée. »

« Au mois d’octobre 1793, dit un rapport, on constate que les soldats de la batterie de la Roquette n’ont que des fusils de chasse, et encore très mauvais.

Ils ne sont pas habillés, continue le rapporteur, et l’on sait que l’uniforme sert à exciter en général, parmi les troupes de la République, cette émulation qui caractérise le guerrier, le défenseur intrépide. Il rend toujours présent à son esprit les couleurs tricolores qu’il a juré de défendre jusqu’à la mort. Il l’attache davantage à la discipline, au bon ordre et à la bonne tenue.

C’est surtout sur le sans-culotte de la campagne de nos contrées, accoutumé à se voir couvert de toile et de peaux de mouton, que l’habit uniforme opère ce succès heureux et ranime son ardeur pour le soutenir et le défendre. »

On observe aussi que la batterie pourrait être surprise par derrière : on installe donc de ce côté une petite redoute avec quatre canons de 12, plus un clayonnage contre l’envahissement continuel des sables, car ce sont eux les principaux envahisseurs !

Si l’ennemi veut entrer dans le département de la Gironde et venir à Bordeaux, on doit croire qu’il tentera d’entrer par La Teste. Ce point de la République doit être soigneusement gardé.

Le 24 octobre de cette même année 1793, on signale la présence d’une escadre ennemie de 17 à 18 gros vaisseaux sur la côte d’Hourtin, un peu au nord du pays de Buch. Aussitôt nos sans-culottes de La Teste lancent une proclamation toute brûlante de patriotisme républicain : « Il faut se mettre en état de défense tel, qu’il puisse faire repentir à ces vils Anglais d’avoir osé nous croire capables de consommer une trahison.

Il faut qu’ils sachent, au contraire, que des hommes libres combattant pour leur patrie, ne connaissent d’autres résçlutions que celle de vaincre les esclaves des monstres couronnés.

Il faut enfin qu’ils sachent, que les sans-culottes de La Teste ne souffriront jamais que le point de la République qu’ils sont chargés de défendre soit souillé un seul instant par les amis de l’infâme Pitt, ni par tout autre esclave que la nature s’indigne d’avoir créé ! »

Nos soldats et nos canonniers sont certes pleins de bonne volonté, mais que peuvent-ils faire, avec des fusils de chasse, sans sabres ni pistolets ? Le soir, nos hommes reviennent ; ils ont interrogé tous les gens du pays, sont montés en haut de toutes les dunes élevées desquelles on voit à 3 lieues à la ronde. Ils n’ont rien vu : les Anglais ont disparu.

« Ils reviennent à La Teste, dit le compte rendu de cette journée, où le Conseil général les félicite et les engage à se maintenir dans les sentiments républicains dont ils viennent de donner des preuves utiles. »

Nouvelle alerte : les troupes de La Teste sont envoyées au Pilat, mais les navires annoncés ayant disparu, le calme revient.

Nous ne pouvons, afin de ne pas allonger ce récit, parler de toutes les poursuites de navires français par les Anglais et de leurs échouements ; et rappeler aussi la vigilance de nos marins de La Teste, au cours des années suivantes, époque du Directoire, du Consulat et de l’Empire.

La commune est requise de « faire porter de suite un canon à Lisle de Lateste et un second au cap Bernet, tous deux au pied des deux vigies désignées. Plus un globe au cap Bernet, 1 à la pointe de l’Eguillon, 1 dans Lisle, 1 au Pilla, 1 à la Roquette. Ce qui fait en tout cinq globes. Plus me procurer un homme demain matin à 6 heures avec un cheval pour le transport des flames et des pavillons aux vigies. Salut et fraternité.

À Lateste, le 21 brumaire de l’an 2 (11 novembre 1793) de la répub. française.

Signé Corcelle adjoint »

Au mois de novembre 1793 on ajoute à la petite garnison une escouade de trente cavaliers garde-côtes destinés à surveiller la côte et porter messages ou renseignements. On se plaint que les hommes manquent de bas, de souliers, de capotes (la démographie s’en ressentira !) À l’entrée de l’hiver ils devraient recevoir l’équipement que la loi leur assure.

La loi du 14 frimaire an II (16 décembre 1793) ordonne l’exploitation du salpêtre. « C’est une mesure qui importe grandement au salut de la République.

Vous exciterez, vous échaufferez le zèle des Républicains.

Vous ferez ramasser les terres salpêtrées, les ferez lessiver, les femmes porteront leurs eaux de lessive. C’est là une exploitation dont la République a le plus pressant besoin.

Cette exploitation est d’urgence nécessaire au salut de la République. Certains propriétaires sont négligents à se conformer à la décision prise : c’est de l’indolence, peut-être aussi ignorance de la loi et de l’importance de la chose. Autrement ils seront traités comme suspects et détenus jusqu’à la paix. » (mai 1794.)

Sans salpêtre, sans poudre par conséquent, qu’auraient pu faire malgré leur patriotisme les douze armées mobilisées par la Convention ?

La commune de La Teste est en mesure de procurer de grandes ressources de ce produit : toujours en mai 1794, à La Teste, les propriétaires des landes, où croissent les herbes, plantes et arbustes pouvant produire du salin, sont requis de fournir une quantité de cendres que le conseil municipal fixe d’après l’étendue de leurs propriétés et le nombre de personnes de leur famille.

Le 14 juillet 1794, fête du peuple français : « Chaque citoyen était invité à allumer devant sa porte un feu de joie, en réjouissance de la conquête du peuple souverain sur les tyrans, la féodalité et la servitude. Il devait apporter les cendres provenant de ces feux au magasin de la commune pour contribuer d’autant à la fabrication du salin qui doit servir à la destruction totale de la tyrannie et de ses satellites. »

Le résultat de cette récolte est la conversion de 16 270 livres de cendres (venant 6 000 de La Teste, 6 270 de Gujan, 4 000 de l’atelier de brûlement) en 410 livres de salin. On a pu installer un atelier où fonctionnent six chaudières et cent-vingt cuveaux pour lessiver les cendres.

On réquisitionne cinquante ou soixante citoyens ou citoyennes pour couper les herbes et les bruyères, chacun recevant comme solde une livre et demie de pain par jour.

En huit jours, le travail de l’atelier et des cent trois ouvriers qui y sont employés produit vingt barriques de cendres de 300 livres chacune, soit 6 000 livres de cendres. On a aussi 17 000 livres d’herbages et végétaux coupés prêts à être brûlés.

À cette époque, dans toute la Gironde, il n’y a que quatre centres d’ateliers de salin : à Bordeaux, à Lormont, à Castelnau (en préparation) et à La Teste.

Un maître de pêche de La Teste, ayant besoin de compagnons pour faire la pêche avec lui, détourne quatre citoyens qui avaient été requis afin d’aller couper des bruyères dans la forêt pour la fabrication du salin. Ce maître de pêche est condamné à travailler pendant dix jours à l’atelier, sans salaire, et son salaire est distribué aux ouvriers sans reproche.

Pour les encourager, on leur dit par exemple : « De la fabrication du salin doit sortir la poudre avec laquelle les républicains, soldats de la Liberté, doivent pulvériser les trônes et les tyrans, et assurer par leur destruction une paix éternelle aux humains.

La mesure de vos sentiments républicains, de votre haine éternelle contre les tyrans, la tyrannie, égale l’immensité des plantes, des arbustes et des végétaux inutiles qui vous entourent.

Déposez vos produits sur l’autel de la Patrie. »

Au mois de décembre 1794, l’atelier de La Teste comprend 21 hommes, 24 femmes, 4 enfants, et dans ce même mois recueille 10 660 livres de cendres produisant 1 469 livres de salin.

Cet atelier fonctionne jusqu’au 18 vendémiaire an VII (septembre 1798) et rend un réel service à la nation. À cette dernière date on vend ses chaudières.

Voici en quoi consiste la fabrication de salin : La poudre de guerre se compose alors pour les trois quarts de salpêtre (azotate de potasse) et pour le reste de soufre et de charbon en quantités égales. On utilise jusqu’alors le salpêtre naturel importé d’outre-mer. Mais depuis près d’un demi-siècle, on sait en fabriquer artificiellement.

On lessive à froid les terres naturellement salpêtrées qui se trouvent en des endroits humides et sombres, comme celles des caves, des étables, des écuries, des bergeries, des celliers, ainsi que leurs murs. L’État achète le « sel vengeur » 24 sous la livre et le fait passer à la raffinerie puis à la poudrerie.

Dans toute la France c’est une chasse civique au salpêtre. On procède aussi, pour recueillir ce sel, à la combustion des plantes, dont on lessive ensuite les cendres et dont on retire ainsi le salpêtre. On traite aussi la lie de vin.

Ces plantes, on en trouve facilement aux environs de La Teste, dans la forêt. Ce sont les fougères, la jaugue (ajonc), les genêts, qui sont riches en salin. Mais la plante la plus intéressante est l’amaranthe, très commune aux environs de La Teste, et qui peut fournir l’azotate de potasse. Enfin n’oublions pas la plante marine, le varech, très abondant sur les rives du bassin ou de l’Océan. C’est dire ainsi que La Teste est un centre naturel particulièrement privilégié et riche pour la fabrication du salin.

En avril 1794, la commune de La Teste est déclarée officiellement place forte et port maritime.

Le 29 prairial an II (17 juin 1794), le bruit court que les Anglais veulent faire une descente du côté de la baie d’Arcachon ; Garrau est aux environs et prend les mesures nécessaires pour tromper leurs espérances.

En messidor an II (juin 1794), le citoyen Durpaire, général de brigade, se rend à La Teste pour y faire sa résidence à l’occasion du commandement de la division des côtes maritimes qui lui est confié.

Au mois de juillet 1794, des réparations importantes sont faites à la batterie, les sables continuant à l’envahir, poussés par le vent de la mer : mais à cause de leur mobilité et de leurs variations, on ne peut trop en répondre.

Le régime de la Terreur (1793-1794) jette le peuple dans la misère. Les pauvres attendent vainement le partage des biens des nobles ou du clergé ; en outre, tandis que le père quitte son foyer pour aller monter la garde au fort de la Roquette, le fils bataille contre les Anglais sur un navire de l’État et les animaux des parcs ou de la forêt servent à nourrir les troupes.

Pendant ce temps, la femme, restée seule au foyer avec ses enfants en bas âge, acquitte un total de contributions inconnu sous l’Ancien Régime.

Jusqu’à la fin du Directoire en 1799, l’histoire de la Roquette se déroule sans gloire.

Depuis 1793 le poste de commandant de cette batterie a été supprimé et l’effectif des troupes sensiblement réduit.

Mais bientôt, en 1795, on regrette trop d’empressement dans la réforme. La mer n’est pas sûre, des flottilles ennemies donnent la chasse aux barques de la région et font échouer une frégate française, l’Andromaque, pour la piller. D’autre part, des bandes de brigands parcourent la campagne en menaçant les propriétés et même les personnes. Pour remédier à ces divers maux, le conseil municipal de La Teste désigne un commandant à la Roquette et forme une colonne mobile de gardes nationaux.

En mai 1795, on décide qu’en cas d’alarme la batterie de la Roquette tire quatre coups de canon : on enverra aussitôt une ordonnance pour prévenir le commandant de place à La Teste. La générale sera battue, les citoyens prendront les armes avec la troupe ; on ira chercher les drapeaux, la compagnie d’artillerie se rassemblera, on préviendra les communes voisines Gujan, Le Teich. Seize bouviers de La Teste et des environs porteront des munitions à la batterie de la Roquette. Le rendez-vous général sera à La Teste « près du temple de l’Être Suprême » (ancienne église paroissiale).

Joseph Durieux indique que le conventionnel Pierre Jacques Chalès (1753-1826), l’un des députés les plus acharnés contre les Girondins, est nommé sous le Directoire “commandant temporaire de La Teste-de-Buch et de la batterie de la Roquette”.

Pour l’abbé Petit, le Conseil de La Teste rétablit le titre de commandant de la Roquette en faveur de Meynier le 14 brumaire an V (4 nov. 1796).

Une voie d’eau considérable ayant forcé le capitaine Dominique Morel à quitter une division dont il fait partie et qui est en croisière dans le golfe de Gascogne, cet officier se dirige sur Rochefort. Il n’est plus qu’à quelques milles de ce port lorsque, le 30 août 1796, il est chassé par la frégate HMS Galatea appartenant à la division du commodore anglais sir John Borlase Warren et l’Andromaque est obligée de courir au sud pour chercher une autre relâche.

Bientôt il a la certitude de ne pouvoir atteindre un abri avant d’être joint. Il prend alors un parti extrême : il jette l’artillerie à la mer et met l’Andromaque à la côte, dans le département de la Gironde, à quelques encablures de Biscarrosse. Dès qu’elle est échouée, il fait couper la mâture.

La frégate, ainsi allégée, approche très près de terre. L’équipage peut gagner le rivage, à l’exception d’une vingtaine d’hommes – dont Mathieu Brizard  – qui trouvent la mort dans les flots.

Le capitaine Morel, par une sévérité de principes difficile à expliquer, reste à bord avec deux officiers et deux marins qui ne veulent pas le quitter. Ils sont tous les cinq faits prisonniers par des canots anglais détachés pour incendier l’Andromaque.

En 1796 et en 1797, la batterie est en très mauvais état par suite de l’envahissement des sables, et son épaulement s’écroule ; la plateforme est hors de service.

Vers 1797, les Anglais croisent dans nos parages et pillent les barques et les côtes. D’après un rapport le courage des défenseurs est à la hauteur de tous les dangers.

Après une mobilisation de cinquante hommes de la place, l’officier en retraite de Pontac vole au secours de la Roquette inquiétée par l’apparition d’une frégate anglaise. Voici en quels termes patriotiques il rend compte de sa mission : « Nous prîmes les mesures nécessaires pour repousser cet infâme ennemi, s’il avait tenté aucune hostilité sur notre sol.

Autant il en aurait paru sur la terre de la Liberté, autant le soleil qui l’éclairé les aurait vu mordre la poussière. Les Républicains ne savent que vaincre et toujours complètement. »

Le 8 mai 1798, Pierre Fouet, garde-magasin et commandant de la Roquette – et futur douanier – croit reconnaître une frégate anglaise dans le bâtiment qui vient “de s’affaler sous le vent en face” de la batterie. Il s’agit en fait d’une frégate de la République, La Franchise, capitaine Guillotin.

En 1798, plus de navires anglais aux passes, plus de barques pillées. La sécurité est revenue et, avec elle, la quiétude des habitants. Aussi laisse-t-on la batterie de la Roquette se dégrader peu à peu, et en septembre 1799 la violence de la mer détruit les pilotis qui soutiennent la dune sur laquelle cette batterie est assise, et emporte presque toute la palissade d’enceinte.

Le 14 thermidor an VIII, on célèbre à La Teste la fête du 14 juillet « qui a renversé le despotisme des Rois ». Ce jour est illustré par une salve d’artillerie de quinze coups ; en 1801 et 1802, la poudre de la batterie sert aux salves d’artillerie des fêtes du 14 juillet. En octobre 1810, des salves d’artillerie sont tirées en l’honneur de la victoire de Coïmbre, remportée par l’armée de Portugal. Le 24 mai 1811, on tire à chacune des batteries, cent un coups de canons pour annoncer l’heureux accouchement de Sa Majesté l’Impératrice.

Après dix ans de révolution (1789-1800) et presque autant de guerres, le patriotisme des habitants ne répond plus au besoin de la défense nationale. Les hommes refusent quelquefois de prendre leur tour de garde à la Roquette, et les jeunes gens désertent. Il faut, à tout prix, supprimer un désordre aussi grave. Le maire décide des poursuites et envoie la troupe à domicile pour rappeler les délinquants au devoir. Peine perdue : les conscrits poursuivis dépistent les recherches, se cachant le jour dans la forêt, et la nuit couchant dans des cabanes. Dans une seule commune, on compte vingt-cinq rebelles. Pour réduire ces indisciplinés, on mobilise un détachement de douze chasseurs basques qui sont en garnison à La Teste, la brigade de gendarmerie et trente gardes nationaux : en tout quarante-cinq hommes. En deux fois, les Basques capturent trente-huit mutins. On triomphe des plus obstinés, on établit chez leurs parents une garnison de soldats logés et nourris aux frais de ces derniers. Ce procédé, imité des dragonnades, provoque des mécontentements et des plaintes, mais a pour effet de diminuer le nombre des déserteurs.

Dans ces faits délictueux, il ne faut pas voir trop de bas égoïsme ou de lâcheté. L’idée d’une grande patrie, commune, à laquelle tout citoyen doit se sacrifier complètement, donner sa vie et ses intérêts, n’est pas entrée dans l’esprit de nos Testerins, absorbés par les soucis de la vie matérielle : ils sont peu préparés à un dévouement prolongé.

Pourtant aux heures de danger, la masse se signale par la spontanéité de son patriotisme. On la voit en 1789 organiser un régiment de garde nationale, accepter au-delà de ses ressources la contribution du quart et fournir en nombre des soldats de terre et de mer pour voler à la défense des côtes.

Sous les murs de Bayonne, en particulier, un groupe de Testerins montre tant de bravoure que le représentant du peuple leur adresse de solennelles félicitations et leur accorde le privilège de former « la Compagnie de La Teste de Buch » exempte d’encadrement.

En maintes occasions, le conseil municipal se croit autorisé à se prévaloir du patriotisme de ses administrés. Le 8 floréal an VIII (avril 1800), il déclare que le canton a donné tant de ses enfants pour défendre la patrie sur terre et sur mer que l’agriculture, la forêt, la pêche manquent de bras. La majeure partie des marins est embarquée, notamment sur les navires de l’État.

Mais alors pourquoi ce beau zèle se refroidit-il sous le Directoire (1795-1799) ? Pendant dix ans, la contrée a envoyé ses jeunes gens, ses hommes mûrs à la guerre, ses animaux lui sont pris, les uns pour alimenter la boucherie, les autres pour traîner les fourgons militaires.

En même temps, faute de bras, les champs restent sans culture, les greniers sans blé, les maisons sans hommes.

Au début de la Révolution (1789), le peuple, emporté par la griserie de l’enthousiasme, ne sait pas marchander ses générosités, l’avenir lui semble bien beau, à travers les magnifiques discours révolutionnaires. Mais après des années de souffrances et de privations, les gens se laissent gagner par la désillusion et l’abattement. Les impôts augmentent progressivement. Quelle différence entre l’âge d’or promis par les orateurs révolutionnaires et les épreuves de la réalité! De là nait fatalement le découragement.

Ainsi ces sentiments gagnent tous les degrés de la société, depuis les bouviers qui refusent de charroyer les canons du Pilat, jusqu’aux magistrats dont les sièges restent vides les jours de séance. Et si l’on jette un regard sur le département tout entier, on voit que le fléau de la désertion et de la révolte se manifeste partout. En l’an VII (1798-1799), l’administration centrale constate qu’un tiers seulement des conscrits a répondu à l’appel. Pour ramener les autres dans le devoir, elle menace tout délinquant des rigueurs de la commission militaire. Mais cette mesure, restant sans effet, le ministère de la Police générale édicte les pénalités suivantes : 1° Envoyer des garnisons dans les communes de déserteurs et loger les garnisaires chez les parents des coupables ; 2° Inscrire les déserteurs sur la liste des absents et bientôt des émigrés ; 3° Exiger des parents des déserteurs le payement intégral et immédiat de toutes les impositions foncières et immobilières.

À La Teste, l’emploi du premier moyen suffit pour réprimer le désordre. Le mal est donc moins grave que dans maintes communes de la Gironde.

Sans doute les crimes des uns n’excusent pas les fautes des autres : mais d’autre part l’histoire n’a-t-elle pas le devoir de se montrer indulgente quand l’ensemble des citoyens a besoin de pardon ? Dans ce cas, en effet, la responsabilité retombe moins sur les sujets que sur le régime.

Idéologues achevés et administrateurs incapables, les gouvernants de cette époque commettent l’erreur de demander un héroïsme continu à une race positive par nature, et en plus déçue et ruinée par les réformes, les guerres et l’arrêt du commerce. Rien d’étonnant si une contrée comme La Teste n’a pas bien répondu à leur appel.

Vienne sur les entrefaites l’annonce d’un régime nouveau, les Testerins applaudissent au coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), félicitant Bonaparte et les consuls de les avoir délivrés du Directoire et saluant le Consulat comme une ère de régénération et de paix.

Plus tard, le 5 août 1814, une ordonnance du roi portant amnistie pleine et entière à tous les déserteurs du département de la marine, affichée à La Teste le jour de la Saint-Louis (25 août), produit une joie inexprimable, non seulement parmi les marins déserteurs (au nombre de 85), mais dans le plus grand nombre des familles du pays et des environs.

Le 8 janvier 1802, une lettre du ministre Berthier ordonne la démolition de la Roquette et la vente de ses divers matériaux.

L’avenir montrera que les autorités se sont trop pressées. Les guerres de Napoléon avec l’Angleterre ramènent en effet des frégates ennemies dans le golfe de Gascogne et, en 1803, l’on est obligé de réparer la batterie, et d’y installer un détachement avec un commandant et vingt canonniers fournis par les communes bordant le bassin.

En 1804, Bonaparte fait établir le parc d’artillerie de La Roquette, avec des canons en face de la double passe du Ferret et de Matoc.

Les mois suivants s’écoulent sans incidents notables lorsque, le 4 janvier 1807, les Anglais font une descente au Pilat. À la nouvelle de cette invasion, le maire de La Teste réunit en toute hâte et à marche forcée la garde nationale vers le point menacé. Elle arrive à 2 heures de relevée : trop tard ! Déjà les ennemis regagnent le large, chargés de butin, après avoir commis de nombreux méfaits. Ne rencontrant aucune résistance sérieuse ils ont pillé les magasins de la batterie, encloué quatre grosses pièces, incendié le corps de garde et mis le feu aux poudres. De la batterie il ne reste plus que des décombres fumants sur une plateforme défoncée et des canons détériorés ou ensablés au bas de la dune. Tout est consumé : vêtements, fusils, sabres, chandelles, bois, canons encloués.

 

Sur la plage, les magistrats municipaux accourus pour constater les désastres aperçoivent un soldat armé et revêtu de l’uniforme anglais. Ils le font saisir et l’interrogent sur place. L’inconnu donne d’étonnants renseignements. Il déclare tout d’abord qu’il est Français, et même originaire de Barsac. Il s’est engagé sur un navire anglais, il y a bien des années, pour gagner sa vie. Il avoue avoir fait partie du détachement ennemi qui a incendié le fort. Mais profitant de la hâte des vainqueurs à se rembarquer, il s’est enfui dans la forêt avec l’intention ensuite de gagner La Teste et, de là, son pays natal. « Le matin même, dit-il, une frégate anglaise, forte de 50 canons, 30 hommes d’équipage et 300 hommes de garnison, et une galiote avaient mouillé en face du cap Ferret. Puis à la marée montante la galiote était entrée dans les passes du bassin pour jeter sur la plage 110 hommes et 3 officiers.

La consigne donnée par le capitaine, lord Crokel, portait la destruction de la batterie de la Roquette, comme on l’avait fait pour plusieurs autres forts du côté des Sables. »

Ce matelot n’a pas besoin d’ajouter que les ordres ont été fidèlement exécutés. La batterie n’est plus en état de nuire. La nouvelle de ce désastre jète la consternation et l’effroi à La Teste. Tant de mobilisations, de dépenses de temps et d’argent aboutissent donc à ce résultat ! Et la frégate anglaise continue ses ravages à l’entrée des passes.

En prévision d’une seconde agression, il est décidé que vingt gardes nationaux restent à la Roquette et que trois batteries seraient construites à Bernet (en plus de celle du Moulleau), au Pilat et au cap Ferret. Dès ce jour, les régiments logés chez l’habitant à La Teste viennent occuper, à ces différents endroits, des bâtiments rudimentaires élevés à cet effet.

En 1807, la Garde nationale de La Teste comprend 292 gardes, 2 capitaines, 2 lieutenants, 2 sous-lieutenants et 1 sergent.

En 1809, sa petite garnison est composée d’un officier et de soldats polonais, logés à La Teste chez l’habitant avec lequel ils ont quelques difficultés de rapport à raison du mal à se faire comprendre dans leur langue maternelle. En 1810, on note encore leur présence à La Teste, au Ferret, à la Roquette et à Arès. En 1811, la garnison de La Teste est même commandée par le capitaine polonais Czerminski.

En 1810 au mois d’avril, trois cents hommes de troupes de ligne arrivent à La Teste. On se rend bientôt compte qu’ils sont inutiles, à raison de leur éloignement des divers points de la côte. L’ennemi ne pouvant faire que des coups de mains et se rembarquer ensuite, peut remplir son but avant même que la troupe ne soit instruite de son débarquement : il vaudrait mieux leur faire faire journellement des rondes sur la côte.

Quatre-vingts à cent hommes suffiraient pour la garde des batteries et pour porter secours aux naufrages qui auraient lieu dans les environs.

En 1812, on constate l’insuffisance des troupes de ligne pour garder les côtes ; on requiert la Garde nationale pour faire le service du poste de La Teste et l’on prend à cet effet une compagnie de 100 hommes âgés de 17 à 38 ans de La Teste, Gujan et Le Teich.

En 1812, Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans  nous conte son séjour de 12 jours à La Teste ; séjour durant lequel Meynier, de La Teste, le conduit en bateau à La Roquette : « La batterie construite en bois est maintenant hors de service. Trois ou quatre pièces de campagne, qu’on peut transporter avec leurs affûts sur les points voisins, remplacent cette batterie, qui n’est plus là que pour la représentation. Quelques magasins, quelques mats élevés pour les signaux, une baraque en planches pour loger le détachement d’artillerie des gardes-côtes, forment seuls un petit hameau où s’arrêtent tes yeux sur cette plage ingrate et déserte. [… ] Nous occupâmes à l’extrémité de la baraque, le réduit nommé la chambre de l’officier, où nous passâmes la nuit, ayant le plancher pour lit, et nos manteaux pour couvertures. Le lendemain, nous bûmes du lait excellent, que les pâturages voisins rendent sucré d’une manière remarquable. Meynier, capitaine d’artillerie des gardes-côtes, fit tirer une volée à ricochet de ses pièces de campagne qui portèrent jusqu’au cap Ferret ; et nous partîmes ».

Réparée, la batterie de la pointe du Sud est armée, en 1814, de six canons et desservie par un détachement du 66e régiment et de dix canonniers gardes-côtes ; nos Testerins s’empressent auprès d’un groupe de leurs compatriotes revenus de la prison anglaise de Norman Cross ou de la prison royale de Dartmoor, au climat glacial.

 Le dernier fait d’armes à signaler est la prise de La Teste, le 14 mars 1814, par les Anglais. Ils inspirent une telle frayeur aux habitants que le capitaine d’un balaou (goélette de pêche), l’Echange, mouillé en rade de Moulleau, fait sauter son bateau pour le soustraire à leurs rapines.

Une ordonnance du 4 juin 1814 supprime les canonniers gardes-côtes ; la batterie joue décidément de malheur : La Roquette est de nouveau – volontairement – incendiée, le 2 août 1814, vraisemblablement par des réfractaires et, d’après André Rebsomen, c’est un kilomètre plus au nord qu’un nouveau fort sera construit sous le nom de “Batterie du sud”, en raison de la mobilité des sables et des variations du rivage.

Le 9 avril 1815 (début des Cent Jours), une dépêche ministérielle prescrit de faire arborer le pavillon et la cocarde tricolore (à la place de la cocarde blanche de la première Restauration avec le roi Louis XVIII). Le 23 juillet 1815, changement de régime, Louis XVIII est roi des Français, le préfet maritime prescrit de faire arborer le pavillon blanc sur tous les bâtiments de l’État et du commerce ; et la cocarde blanche aux officiers militaires, civils, et aux troupes de la marine. Le drapeau blanc qui flotte sur la porte des édifices officiels est salué par une décharge de vingt et un coups de canon, aux cris de « Vive le Roi! »

Un décret du 21 avril 1815, rétablit les canonniers gardes-côtes : le 2 mai, convocation et rassemblement à La Teste de tous les anciens canonniers garde-côtes et réorganisation de cette compagnie. Ces hommes, il faut le dire, se rendent avec indolence et peu nombreux à l’appel. Beaucoup d’entre eux sont impropres au service pour lequel ils sont désignés, ou à raison des infirmités qu’ils y ont contractées. On décide de les remplacer par les marins revenant des prisons d’Angleterre, non susceptibles d’être appelés pour un autre service, célibataires, robustes et autant que possible déjà au fait du service des batteries. « Que cette mesure s’exécute promptement, ordonne le sous-préfet de Bordeaux, afin de repousser, s’il en était besoin, les ennemis de notre tranquilité. »

Le nom de maréchaussée désigne des troupes à cheval placées dans les provinces pour assurer la sécurité publique.

Jusqu’à la paix de 1815, l’histoire de la Roquette est assez monotone et semble être plutôt une lutte contre les sables, qui l’envahissent toujours, que contre les Anglais. La mer gagne sans cesse sur le rivage mer de près de 200 mètres. Le 1er octobre 1814, un inventaire de cette batterie indique qu’elle renferme douze canons en fer et deux mortiers en bronze.

En 1815, il reste encore à la Roquette douze canons de siège, deux mortiers en bronze, près de 800 boulets pleins, 50 bombes et 20 boîtes de mitraille. Un caporal et quatre hommes y demeurent, abrités dans une baraque en planches.

Comme le dit, en 1816, Bory de Saint-Vincent, géographe et naturaliste, qui visite alors la côte du pays de Buch, cette batterie n’est plus là que pour la représentation.

Le 11 août 1815, sous la seconde Restauration, Louis XVIII décide la suppression des garde-côtes, suppression définitive et qui correspond d’ailleurs, en même temps, à la paix maritime de la France continentale. La brigade de La Teste comprend trois hommes.

En 1816, la compagnie de la Garde nationale de La Teste comprend 105 hommes, dont 1 tambour et 3 cavaliers. Ces hommes sont armés presque tous de fusils de chasses ; aucun n’a d’uniforme. Ils connaissent peu l’exercice et leur instruction est insuffisante.

La compagnie est composée aux trois quarts de marins et de résiniers. Les premiers sont presque tout le temps à la mer ; les seconds dans leurs cabanes de la forêt. C’est ainsi que les effectifs sont réduits presque au quart. Il y a aussi des ouvriers, des propriétaires que leur travail tient éloignés du centre de la commune du matin au soir. Aussi leur zèle n’est-il pas très ardent.

En 1822, on signale une batterie au truc du Baillon, qui est de courte durée ; la Roquette est désarmée : les pièces utilisables sont envoyées à Toulouse, les autres placées sur la dune ou à 50 mètres du rivage : elles restent pendant plusieurs années sous la surveillance d’un gardien qui les défend contre l’air salin au moyen d’une couche de peinture. Après avoir été baignées et rongées par les grandes marées, elles disparaissent peu à peu sous les flots ; et de la batterie de Moulleau on n’aurait gardé qu’un vague souvenir si l’intelligente initiative de la Société immobilière de Moulleau n’avait, en 1899, arraché aux eaux et aux sables le canon qui décore aujourd’hui la façade du Grand Hôtel de Moulleau.

En 1832, une compagnie du 48e régiment de ligne et, en 1833, une autre compagnie du 44e de ligne sont cantonnées à La Teste. Le 4 juin 1832, le préfet écrit au maire de La Teste : « Des dirigeants du mouvement de la Vendée, le comte de Bourmont, le duc d’Escars, de Coislin, de Menars et peut-être la duchesse de Berry, cherchent probablement un port de mer pour se sauver, par exemple La Teste.

Que les gendarmes fassent la surveillance la plus étroite, vérifiant les passeports. S’ils sont irréguliers ou si l’on a quelque soupçon, qu’on arrête l’individu jusqu’à ce qu’on soit éclairé. En tout cas, rendre compte au préfet. »

C’est en avril 1849 que les braves habitants de La Teste croient utile de réorganiser les garde-côtes. On ne sait jamais après tout ce qui peut arriver.

Une très intéressante relation manuscrite de M. Laporte, commandant la compagnie des garde-côtes mobilisables de La Teste, ornée de dessins, nous donne sur cette période militaire du pays de Buch de très précieux et pittoresques détails.

On forme donc à cette époque une compagnie de garde-côtes mobilisables avec 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sergent-major, 1 sergent fourrier, 4 sergents, 8 caporaux et 46 garde-côtes. Total : 62 hommes.

Le 1er avril 1849, le maire convoque ces garde-côtes pour procéder à l’élection de leurs officiers. Sur 63, 60 répondent à l’appel.

Leur uniforme est conforme à celui des anciens marins de la garde.

En cas d’incendie (de forêt notamment), le sabre et le fusil sont remplacés par la petite hache, dite hache d’abordage.

On tient réunion tous les huit jours dans la cour de la mairie : défense de fumer pendant la faction.

Une des grandes préoccupations de cette troupe est de réunir des fonds pour habiller les gardes-côtes qui n’ont pas les moyens de payer leurs uniformes, lesquels coûtent 14 fr. 50 (blouse, képi, baudrier, giberne, épaulette).

Le 4 mai 1849 se déroule un service extraordinaire : Il s’agit de fêter l’anniversaire de la proclamation de la République française. Une prise d’armes a lieu au son du tambour. On se réunit à l’église paroissiale de La Teste où la messe est célébrée et le Te Deurn chanté.

« Le citoyen vicaire » qui officie, nous dit la relation, fait entendre ce cri « si sympathique » de « Vive la République ». Tous y répondent par une acclamation unanime.

À l’occasion de la fête patronale de La Teste, le 28 mai 1849 (Pentecôte), on organise un bal à l’Hôtel du Chemin de Fer, avec prix d’entrée de 3 francs par personne. La somme ainsi recueillie est affectée à l’habillement de la compagnie. Au mois d’août suivant éclate une épidémie de choléra. Nos braves gardes-côtes, n’ayant plus d’ennemis à combattre sur le bord de la mer, s’attaquent à ce nouveau genre d’adversaire et maintiennent le bon ordre dans La Teste. Ils y font exécuter les prescriptions sanitaires édictées par le maire. Ils transportent les malades à l’hôpital Saint-Aimé de La Teste, qui vient de se fonder, et veillent à l’allumage et ensuite à l’extinction des feux qui brûlent dans tous les quartiers pour purifier l’air.

Le 20 septembre on peut regarder l’épidémie comme terminée.

7 octobre : leçon de l’école de peloton.

15 octobre : élection d’un représentant du peuple. Pour la garde de l’urne électorale, deux fonctionnaires sont désignés et sont relevés toutes les heures.

L’hiver approche. Les hommes de Cazeaux sont dispensés du service pendant cette saison à cause du mauvais état des chemins.

Voici maintenant une nouvelle particularité, très couleur locale de notre compagnie de gardes-côtes : une jeune Testerine, aux sentiments très patriotiques, Mlle Marie Dignac, présente une demande, sollicitant la place de cantinière de la compagnie. Elle est admise à l’unanimité ! On lui compose un gracieux uniforme ; elle a pour arme un petit poignard.

Le 24 février, jour anniversaire de la Révolution de 1848, encore messe solennelle, et le 1er avril, jour anniversaire de la formation de la compagnie des gardes-côtes, promenade militaire. On quête pour une famille de La Teste réduite à la mendicité par la mort de son cheval : on récolte 45 fr 60. Puis on simule un débarquement.

Le 28 mai, promenade militaire. On se rend dans la forêt pour y cueillir du feuillage lequel sert à orner la salle de bal. Le départ de la troupe se fait devant l’Hôtel du Chemin de Fer, après s’être formée en ligne de bataille, devant 800 Bordelais débarquant du train, et tout étonnés de cette manifestation guerrière. Le bal a lieu au retour dans la salle de l’hôtel ornée de drapeaux avec la devise « Honneur et Patrie ». Une guirlande de jeunes filles, jeunes femmes en élégantes toilettes font vis-à-vis en face de nos troupiers. Le bal est ouvert par le maire de La Teste. Grâce aux bénéfices de ce bal, 20 gardes-côtes pourront être habillés ; deux restent à vêtir.

Le 10 juin, 48 gardes-côtes forment l’escorte du dais de la procession de la Fête-Dieu. Un reposoir militaire a été dressé devant la mairie.

Le 24 juin, la troupe se rend à La Hume pour combattre un incendie de pins. Plus tard un autre incendie se déclare dans la forêt à 9 kilomètres de La Teste. On bat le rappel suivi de deux coups de baguette. L’incendie gagne en étendue et en violence, sous l’action d’un vent qui fait rage. Après quatre heures de durs efforts le désastre est circonscrit ; mais les hommes bivouaquent toute la nuit pour surveiller et empêcher de nouveaux malheurs.

Faute d’événements sensationnels, le commandant des gardes-côtes, M. Laporte, organise le 27 janvier 1850 une promenade militaire à Gujan, et, toujours pour recueillir des fonds, afin de payer l’habillement de la compagnie, on donne un concert vocal et instrumental, fort réussi, dit la chronique…

Le 24 février 1850, on célèbre, dans les mêmes conditions, et avec les mêmes cérémonies que l’année précédente l’anniversaire de la proclamation de la République.

Le 19 mai, nos garde-côtes répriment une échauffourée qui a éclaté à Mestras, faubourg de Gujan. Des marins se sont portés à des sévices et voies de fait graves contre des maîtres de pêche, qu’ils accusent, à tort ou à raison, de concussion et de dilapidation, l’autorité du maire ayant été méconnue.

Les garde-côtes arrivent à Gujan à la sortie de la messe ; la foule lance alors des pierres sur les militaires qui sont obligés de charger à la baïonnette et de dégager la maison du maire. La nuit suivante est calme.

Le 18 juin, encore un incendie, les gardes vont l’éteindre.

En 1849 on compte 63 gardes-côtes, en 1850, 76. L’âge de ces hommes varie entre 21 et 34 ans.

Ainsi s’achève la relation du commandant Laporte.

C’est seulement en juin 1854 qu’a lieu enfin la suppression définitive des deux batteries, de la Roquette et du cap Ferret. Il ne reste plus de la Roquette que les souvenirs d’un passé témoignant plus de la bonne volonté des Testerins que de leur génie militaire.

Le 20 février 1860, on attribue vingt batteries pour la défense des côtes françaises. En 1898, au moment de l’affaire de Fachoda, la défense des côtes est reprise.

En 1871, on forme le projet de la création d’une école d’artillerie à La Teste, avec polygone à Cazeau pour l’essai de canons à longue portée, avec casemates et piste de 8 kilomètres de long. En juillet, grâce à l’empressement patriotique des habitants de La Teste et de Cazeau, les travaux sont terminés, mais n’ont pas de suite.

Des anciennes batteries de la région, en plus du canon de Moulleau, il reste un canon en fonte au cap Ferret, placé sur une hauteur, derrière le bureau municipal du quartier appelé « Le Canon », à raison de cette bouche à feu. Cette pièce repose sur des pierres, pointée sur Arcachon. Sa longueur est de 2 mètres. Il porte ces deux lettres : R. F. gravées au milieu d’une ancre.

À Arès on conserve encore trois canons : deux de ces pièces, place de l’Église, forment les piliers d’une galerie, la troisième sert de borne un peu plus loin.

Enfin à La Teste, on peut voir, rue du Maréchal-Foch, près de l’ancienne gendarmerie, un ancien canon enfoncé dans le trottoir.

Histoire militaire du Pays de Buch aux XVIIIe et XIXe siècles par M. André Rebsomen, vice-président de la Société scientifique d’Arcachon (avec plans et dessins de l’auteur), Actes du 80e Congrès des sociétés savantes, Lille, 1955

Voir « L’Amirauté de Guyenne, depuis le premier amiral anglais en Guyenne jusqu’à la Révolution », Marcel Gouron, 2019

 

1803 – Batterie de la pointe du sud

La Teste-de-Buch : plan de la batterie du sud de la Teste, an XII

Alexis-Honoré Roché (1757-1828), Architecte

 

Alexis-Honoré Roché est né le 30 mai 1757 (ou 1759) à Orléans où son père est entrepreneur. Il a un frère, François Roché qui est aussi architecte à Bordeaux et qui a travaillé avec Victor Louis, marié en 1814 avec Thérèse Bomberault.

Alexis-Honoré Roché est formé dans le Corps du génie et suit d’abord une carrière militaire. On le retrouve à Bordeaux, en 1786, architecte civil, où il participe à plusieurs projets privés. Il se marie en 1787 à Bordeaux avec Denise Darmagnac dont il a un fils, Jean-Baptiste Alexis Roché (1787-1863), architecte à Bordeaux et ami d’Eugène Delacroix par l’intermédiaire de son frère Charles-Henri Delacroix.

Alexis-Honoré Roché reprend du service dans la corps du génie pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire. Il est chargé de la construction d’ouvrages de défense comme ingénieur. La chute de l’Empire l’envoie à la retraite en 1814 avec une solde modeste de 347 francs. Il doit rechercher un emploi.

Il est nommé architecte départemental de la Dordogne le 27 novembre 1819. Logé 6, rue Taillefer, il reçoit ses instructions du préfet, le comte Constant Marie Huchet de Cintré. Il est prévu de construire, à Périgueux, un palais de justice, un palais épiscopal, un grand séminaire et la restauration de la cathédrale Saint-Front, à Ribérac, une sous-préfecture et un tribunal, à Nontron, à Montignac, des casernements de gendarmerie, à Brantôme, un dépôt de mendicité.

Il étudie le projet d’un nouveau palais de justice. Il signe le projet le 20 août 1820, qui est rectifié le 3 juin 1821, pour un montant de 248 653,31 francs. Il est prévu sur les allées de Tourny, à l’emplacement du couvent des Augustins (occupé aujourd’hui par le Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord). Le ministre de l’Intérieur approuve le projet mais il ne se réalise pas. C’est son successeur, Louis Catoire, qui réalise le palais de justice de Périgueux en critiquant les plans de Roché, en 1827.

En 1821, le préfet et le maire de Périgueux, Jean-Romuald de Moneys d’Ordières, proposent à l’évêque, Alexandre-Charles-Louis-Rose de Lostanges-Sainte-Alvère, d’établir le grand séminaire de Périgueux dans l’ancien couvent Sainte-Claire situé en bordure de l’Isle (emplacement actuel du Centre de secours). L’architecte Roché étudie le projet de rénovation pour accueillir 80 séminaristes en suivant les instructions de l’évêque. Le conseil des Bâtiments civils refuse le projet de Roché qu’il juge d’une « trop grande simplicité ». Il reprend l’étude du projet qui aboutit à une nouvelle critique adressé par le ministre au préfet : « L’auteur de ce projet, qui date de 1822, ne me paraît pas suffisamment compétent ».

Finalement, Alexis-Honoré Roché décide de demander sa retraite d’architecte départemental en octobre 1826 pour retourner à Bordeaux. Il est remplacé par Louis Catoire.

Deux ans plus tard, il est rappelé pour suivre les travaux de construction du grand séminaire. Il meurt dans sa chambre de l’hôtel Le Chêne Vert, à Périgueux, où il a pris pension, en 1828.

 

http://bibliotheque.bordeaux.fr/in/faces/imageReader.xhtml?id=h::BordeauxS_B330636101_DP038_066_06&pageIndex=1&mode=simple&selectedTab=record

http://bibliotheque.bordeaux.fr/in/faces/details.xhtml?id=h::BordeauxS_B330636101_DP038_066_07

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis-Honor%C3%A9_Roch%C3%A9

1809

 

1815 – La Teste-de-Buch : plan de la batterie du sud de la Teste, Combes

 

La Teste-de-Buch : plan de la batterie du sud de la Teste, Louis-Guy Combes (1757-1818), Architecte  [121]

Louis-Guy Combes plus couramment appelé Louis Combes naît le 20 août 1754 (ou 1757) à Podensac. Il est le fils d’un maître menuisier de Bordeaux qui appartient à un milieu protestant modeste. Il commence à travailler dans le cabinet de l’architecte voyer de la ville, Richard-François Bonfin. Il est remarqué et reçoit déjà des prix, en 1778. Quelques mécènes lui permettent de poursuivre sa formation à Paris où il est accueilli dans l’atelier de Richard Mique puis de Peyre le Jeune. En 1781, il reçoit le grand prix d’architecture de l’académie. Il part alors passer trois années à Rome où il étudie les monuments antiques et de la Renaissance.

Les dix années précédant le début de la Révolution sont pour Bordeaux une période de réflexions et de propositions pour son développement. En 1782, l’intendant Nicolas Dupré de Saint-Maur présente à l’Académie de Bordeaux un mémoire sur l’embellissement de la ville. Pour permettre le développement de la ville, il prévoit la construction d’une ceinture de canaux pour drainer les marécages, la construction d’un pont pour permettre d’accéder à la rive droite de la Garonne, de nouveaux équipements pour le port et des bâtiments publics pour améliorer le commerce. Les spéculations financières, malgré les aléas des guerres (guerre d’indépendance des États-Unis) permettent que cette période voit, à Bordeaux, premier port du royaume, des lotissements privés se projeter et se réaliser : quartier de l’archevêché, quartier de Rodesse et pavé des Chartrons. Tous les architectes bordelais participent à ces opérations.

Combes revient à Bordeaux en 1785 où il travaille sur le projet de la place en remplacement du Château Trompette dirigé par Victor Louis dont l’intendant a obtenu du roi la démolition en août. Après avoir reçu la somme de 7 500 000 livres pour l’achat des matériaux du château Trompette en octobre 1786, Louis XVI demande aux architectes de présenter leurs plans. Victor Louis prévoit une place en hémicycle s’ouvrant sur le fleuve sur laquelle donnent treize rues en hommage aux treize états américains devenus indépendants. Cette place est ornée en son centre d’une colonne Ludovice à la romaine surmontée de la statue du roi. Ce projet s’arrête en 1787 quand on s’aperçoit que les 7 500 000 livres n’ont jamais été versées en monnaie sonnante et trébuchante.

Combes publie en 1785 un traité dans lequel il critique l’art des siècles précédents et surtout du Moyen Âge. Il fait partie du Musée, société créée par des négociants protestants opposés à l’Académie de Bordeaux. Il publie en 1788 une leçon d’introduction d’un cours d’architecture. Il publie dans le Journal de Guienne du 6 octobre 1787 des réflexions sur l’architecture. Il y distingue les architectures de papier qui permettent aux architectes de se livrer entièrement à leur génie et faire usage de toutes les ressources de l’art, et les projets à réaliser faits sur des données, pour être exécutés avec toute l’économie possible. Il fait prévoir une architecture utile au bien public. Il pratique les deux types d’architecture.

Combes se déclare très attaché aux idéaux révolutionnaires. Il est aussi un architecte utopiste et visionnaire, à la manière d’un Ledoux ou d’un Boullée. En 1790, il propose à l’Assemblée nationale des plans pour un temple de la Liberté, place de la Bastille, et pour un cirque national. Puis il propose, pour répondre à un concours à Bordeaux, un port monumental sur la Gironde, puis, en 1798, un projet de place. En 1813, il propose de tailler le mont Cenis en forme de pyramide pour en faire le piédestal d’une statue de Napoléon Ier.

La Révolution bouleverse la propriété de certains bâtiments qui appartiennent à la Couronne ou aux ordres religieux. Devenus biens nationaux, leurs ventes permettent la mise en chantier de nouveaux projets d’urbanisme. Le développement de la ville va durer jusqu’à la Terreur, stagner ensuite, puis reprendre pendant le Directoire, puis de nouveau stagner jusqu’à la paix d’Amiens, mais les guerres reprenant, l’activité du port devient très faible. L’impécuniosité de l’État ne permet pas la réalisation de tous les bâtiments édilitaires prévus. Progressivement la bourgeoisie quitte le vieux Bordeaux pour s’installer dans les nouveaux quartiers. Lorenz Meyer, le frère du consul de Hambourg à Bordeaux, constate en 1801, au cours de sa seconde visite, l’arrêt presque complet de l’activité du port entraînant des faillites mais une fièvre de constructions de maisons et d’hôtels dans les nouveaux quartiers.

L’après 1789 voit succéder au style antiquisant Louis XVI et au style “à la grecque”, un style plus sévère qui est appelé révolutionnaire ou républicain. Ce style se veut plus vertueux et patriotique mais en conservant une approche antiquisante. On préfère au style grec et romain des formes qui semblent plus primitives, le dorique et le toscan. Avant l’expédition de Bonaparte en Égypte, on commence à s’intéresser aux formes égyptiennes dont l’art est considéré comme plus ancien.

En août 1790, Combes est nommé architecte-ingénieur du département de la Gironde. L’archevêché étant devenu un bien national, il est chargé, en 1791, de le transformer en hôtel de l’administration. Il réalise alors, dans l’aile droite de la cour, les tribunaux civil et criminel d’une sévérité “à la romaine”.

Le palais de l’Ombrière devant être détruit, il projette, en l’an IV, sur son emplacement, une grandiose place ronde.

Combes se rapproche du milieu des négociants bordelais. En 1795-1796, il travaille pour Daniel Christoph Meyer, consul de Hambourg. Il transforme un hôtel face au Grand Théâtre de Victor Louis. Il édifie pour Meyer une maison de campagne à Blanquefort.

Au printemps 1799, il participe, avec le peintre Pierre Lacour, à la remise au goût du jour de la décoration du Grand Théâtre.

À partir de 1791 se pose la question de la conservation ou de la destruction du palais Gallien. La même année Volney publie Les ruines ou Méditations sur les révolutions des Empires. La Commission des artistes intervient en l’an IV pour sauver le monument et la commune suspend les opérations. En l’an IX, Louis Combes, architecte des bâtiments civils de la Gironde, remet un rapport au préfet où il demande la conservation du portique au couchant et de la partie elliptique. Les parcelles concernées sont alors expropriées.

En 1802, deux commerçants philanthropes, Rodrigues et Gœthals, s’associent et veulent montrer au public leurs collections de sciences naturelles, de tableaux, d’antiquités, dans le quartier des Grands-Hommes. Louis Combes réalise pour eux le Muséum. La façade est marquée par deux colonnes ioniques. L’intérieur est organisé comme une salle hypostyle avec huit colonnes doriques soutenant trois dômes.

Le rétablissement de la religion catholique après le concordat va nécessiter de réparer les églises rouvertes en 1803. Louis Combes a en charge, en 1804, la restauration de la cathédrale. Les combles du transept et du chœur ont été détruits par un incendie accidentel le 25 août 1787, et n’ont été réparés que sommairement. La cathédrale, fermée en 1793, est ensuite restée sans entretien. Combes respecte son style gothique, reprenant une recommandation de l’architecte bordelais Jean-Baptiste Lartigue en 1776 au moment de la présentation de son projet : Le frontispice d’un portail gothique pour l’église métropolitaine Saint-André. Comme le remarque Jouannet dans l’Éloge de M. Combes fait en 1819 à l’Académie Royale des Sciences et Belles-lettres de Bordeaux, on admira l’échafaudage qu’il a inventé pour restaurer les tours, échafaudage dont tout Bordeaux se plaisait à comparer la légèreté avec celle des flèches elles-mêmes. Il a donné à la nef l’apparence qu’elle a conservée depuis.

Combes travaille dès 1805 sur les bâtiments de la propriété de Château Margaux et construit le château à partir de 1810.

Louis Combes réalise en 1811 le dépôt de mendicité, devenu ensuite le petit séminaire jusqu’en 1906, avant d’être transformé, en 1930, en établissement scolaire, aujourd’hui lycée Gustave Eiffel.

Louis Combes fait remarquer, dans un mémoire sur le projet d’un hôpital, qu’il a été construit avec l’économie qui convient aux monuments consacrés à l’infortune.

Considéré comme un des meilleurs architectes de province avec Mathurin Crucy de Nantes, il a été correspondant de l’Institut de France.

Fortifications — Arcachon, Bassin d’(Gironde, France)  [9]

Images liées:

Raphaël

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *