Voici venir deux dates qui comptent dans l’histoire d’Arcachon : les 21 et 24 février 1855, les conseils municipaux de Gujan, puis de La Teste, adoptent le projet de rachat des droits d’usage dans la forêt de la Petite Montagne où fleurit Arcachon. Même si l’apurement des comptes prendra vingt ans, la disparition de cet épineux obstacle, facilite, entre autres causes, l’ouverture de la voie de l’indépendance du quartier balnéaire. D’autant plus qu’il est déjà bien structuré, s’étalant toujours plus vers l’ouest, dans un mouvement qui ne s’arrêtera qu’au Moulleau et même, au début du XXème siècle, dépassant les limites arcachonnaises, à Pilat.
Depuis 1854, les futurs boulevard de la Plage et allée de La Chapelle sont empierrés grâce aux 2700 francs investis par La Teste dans cette opération. Viendra le tour des actuelles rue Jéhenne et Sainte-Marie, en 1859 et 1862. Ailleurs, les chemins sont encore de sable, recouvert de grépins ou de copeaux de bois. En 1854, alors qu’on numérote des villas et qu’on interdit de galoper sur le chemin départemental, les propriétaires paient les premiers réverbères sur le boulevard de la Plage, du Mouëng à La Chapelle, ainsi que les premiers trottoirs. On y plante des arbres. La fourniture en eau potable, portée à domicile, repose encore sur des puits peu profonds. Robert Aufan en a répertorié sept, tous privés, dont un pompé par un mulet qui tourne autour. L’eau qu’ils fournissent alarme le médecin-inspecteur Pereyra. Il demande aux autorités « de changer sa nature, car elle est tellement colorée dans quelques endroits que sa vue seule inspire parfois une certaine répulsion ».
Dans le domaine spirituel, on a déjà dit comment, en 1856, est posée la première pierre de ce qui sera bien plus tard la basilique Notre-Dame. Dès 1854, alors que Notre-Dame est érigée en succursale, on a même déjà envisagé la construction d’autres églises, dont l’une dans le quartier d’Eyrac alors que des Bordelais proposent de démolir l’antique chapelle Notre Dame ! Ce qui fait hurler de colère …des Gujanais ! Il faut aussi s’occuper de l’enseignement des enfants. Mais les choses traînent bien qu’en1852 le conseil municipal testerin ait demandé l’ouverture d’une école laïque à Arcachon et même recruté un maître et déterminé un local dans un entrepôt d’Eyrac, le maire de La Teste, Lamarque de Plaisance, explique, en 1854, que rien ne presse puisqu’il existe une école libre ouverte aux enfants des deux sexes. Mais il faut y payer la scolarité et elle est réservée à la petite enfance. On peut se demander si le maire, Lamarque de Plaisance, ne cherche pas, en gagnant du temps, à conserver l’argument de l’absence d’école primaire à Arcachon, qui sera utilisé lors de la demande d’indépendance ?
Dans le domaine commercial, pleuvent les autorisations d’ouvrir des cabines de bains de mer, des débits de boisson et des commerces. Par exemple, entre 1852 et 1856, Michel Boyé a relevé la création de dix-sept établissements. En 1854, s’ouvre un marché quotidien pour les comestibles. Robert Aufan, de son côté, a répertorié trois cents soixante-dix-neuf constructions nouvelles jusqu’en 1857. Quant à la population permanente, on estime qu’elle avoisine alors les quatre cents habitants. Par contre, en été, elle se multiplie par dix. Curieusement, c’est encore une multiplication sur laquelle on s’accorde le plus souvent encore aujourd’hui pour estimer le nombre de nos touristes. Mais le plus important des événements se passe en coulisses. C’est une tout autre histoire.
A suivre…
Jean Dubroca