Jusqu’en 1841, se rendre à Arcachon pour prendre les bains et jouir des charmes du Bassin, rèleve d’une véritable expédition en contrée lointaine. François Legallais, qui a le sens des affaires, organise un service de voyageurs au départ de Bordeaux, grâce à un char à bancs mais monté sur ressorts. On quitte Bordeaux chaque mercredi et samedi, à cinq heures du matin, ou à cinq heures du soir, s’il fait chaud. En 1835, il faut compter quatorze heures de voyage, après s’être requinqués aux Argenteyres. Lorsque la route est empierrée jusqu’à La Teste, l’engin se fait plus confortable et compte huit places. Il faut retenir la sienne à l’hôtel de la Tête Noire, rue des Ayres, pour des départs prévus les mardis, jeudis et samedis, à quatre heures du matin et parvenir à La Teste dans l’après-midi. Passé l’endroit, les choses empirent. Il faut, de plus, entre une et deux bonnes heures pour gagner l’hôtel Legallais.
En 1841, le chroniqueur du “Mémorial bordelais” raconte. « Vous vous entassez à six ou neuf dans une voiture fort peu moelleuse, chacun portant l’autre. A la sortie du bourg, à marée basse, vous entrez dans une vaste et fangeuse prairie appelée prés salés. Il serait dangereux de s’écarter du chemin qu’indiquent des ornières creusées en précipices dans une fange noire. A force de coups de fouet et de jurons énergiques, votre conducteur parvient à arracher la voiture des boues Elle s’enfonce maintenant dans un sable mouvant, celui des dunes, vous traversez un petit bois de pins, voici à votre droite, l’établissement de M. Gaillard ». Au fond, tout cela déplait-il vraiment aux baigneurs qui s’offrent; à bon compte, une belle aventure ?
Toutefois, pour éviter de telles épreuves, on peut, si vents et marées le permettent, s’embarquer sur des pinasses, manœuvrées par des batelières, de robustes testerines, qui jambes nues, pantalons bouffants et coiffes à bords relevés sur l’avant, n’hésitent pas à porter le baigneur dans leurs bras si le bateau ne peut assez s’approcher du rivage de la Canelette, aujourd’hui, bordant le port d’Arcachon. Selon la destination, d’après des prix cités par Robert Aufan, pour trois personnes, il en coûte de 1 franc 50 à 4 francs 80.
Mais des différents commerciaux éclatent souvent, à grands renforts de cris et l’autorité publique doit se mêler de l’affaire. Non seulement, le maire bloque les prix des transports, mais il limite à six le nombre de passagers et oblige chaque tillole ou bâtarde à embarquer un marin pour la satisfaction et la sécurité de voyageurs. Moyennant quoi, les prix augmentent. Tout cela n’aura qu’un temps… C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca