Croquis du Bassin – Les sources perdues

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Hier, en un extrait du livre « Bassin Paradis », Olivier de Marliave évoquait les pratiques religieuses et les croyances locales liées à certains sites. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Parmi les grands pèlerinages d’autrefois, seuls deux d’entre eux subsistent vraiment encore, à des degrés divers. Bien oubliée sainte Quitterie, où l’on se pressait, le 22 mai, à Andernos, car la sainte devait soulager, entre autres, tous les maux féminins. Bien oubliée, la Saint-Michel, à Gujan-Mestras, chassée par les Foires aux huîtres et autres ports en fête. Toutefois, aujourd’hui, le pèlerinage le plus attractif reste celui de saint Yves, le 19 mai à Audenge, où la statue du saint fait encore l’objet de dévotions particulières, suivies par de nombreux fidèles, le plus souvent âgés. Un foire importante se tient aussi à cette date autour de l’église Saint-Paul, survivance des nombreuses manifestations de ce genre qui accompagnaient chaque fête patronale et formaient alors la base du commerce rural. Reste encore, suivi avec un certain faste, le culte du 25 mars à Arcachon, célébrant l’Annonciation à Marie. Les fêtes du 15 août ont, cependant, occulté ce traditionnel 25 mars. Pourtant, presque jusqu’à la fin du XIXe siècle, il voyait de nombreux pèlerins se recueillir dans la Chapelle des Marins, provenant depuis tous les ports du Bassin et même du nord des Landes. Mais il est vrai que, dès les débuts du  développement touristique d’Arcachon, le cardinal Donnet préféra au 25 mars les processions nautiques, beaucoup plus spectaculaires.

Et que sont donc devenues les sources miraculeuses dont a parlé hier Olivier de Marliave et sur lesquelles il a donné des détails ? Sur les rives sud du Bassin, ces sources sont le plus souvent dédiées à saint Jean. À Lamothe, près du Teich, on peut encore en voir une qui fut d’autant plus renommée qu’elle soignait les rhumatismes et les maladies de peau. Aujourd’hui encore, bien qu’elle soit tarie, on remarque sa façade en moellons, appuyée sur un court tunnel en garluche et sans doute inaugurée sous cet aspect en 1606. Elle est surmontée d’un petit oratoire décoré où l’on distingue vaguement un aigle sculpté, symbole de l’évangéliste saint Jean. Les linges ayant servi à laver les plaies des pèlerins y étaient accrochés pour parachever les prières, plusieurs jours durant. 

La fontaine de Lamothe était située sur le chemin océanique de Saint-Jacques de Compostelle, dans un repli de la forêt dont le silence n’est plus troublé aujourd’hui que par le passage des TGV et TER voisins. Vacarmes d’un nouveau monde qui relèguent loin dans le passé les pas silencieux des très nombreux marcheurs qui avançaient vers Compostelle…Cependant, voilà une vingtaine d’années encore, une petite procession de paroissiens du Teich se rendait pieusement à la fontaine. Mais ce n’était rien, par rapport à l’ extraordinaire culte qu’elle avait  engendré puisque même des trains de pèlerins allant vers Lourdes, s’arrêtaient à la gare de Lamothe, aujourd’hui disparue, afin que les voyageurs puissent prier autour de la fontaine, pour se guérir des poussées de furoncles, de l’impétigo et surtout de  la redoutable pellagre.

Mais la célébrité du lieu avait engendré des superstitions très primitives. Ne disait-on pas que des sorcières y attiraient, en pleine nuit, des âmes extraites de leur corps pendant leur sommeil ? Elles se livraient là, avec des clones de leurs victimes endormies, aux sabbats les moins avouables qui invoquaient Satan, ses diables, ses pompes et ses œuvres.

À La Teste, ensuite,  il reste des traces d’une autre fontaine Saint Jean. Elle se trouve dans la dune de Branquecoureau et on peine à découvrir ses ruines, enserrées par deux troncs de chênes. Pourtant, au moins jusque dans les années 1920, on y venait le jour de la Saint Jean, le 24 juin, autant pour y pique-niquer que pour y célébrer des jeunes mariés qui accrochaient un mouchoir autour de la fontaine, afin demander à saint Jean un amour … vigoureux. Le pèlerinage fut interdit par l’archevêque de Bordeaux en 1923 car de rudes bagarres, autour de la fontaine, opposaient entre eux quelques jaloux ou amoureux éconduits. Tout le reste de l’année, la fontaine testerine ne chômait pas puisqu’elle était réputée pour soigner les conjonctivites ou autres orgelets …

À  Mios, toujours sous le patronage de saint Jean, on peut encore voir l’une de ces fontaines miraculeuses. Elle se trouve au nord du chevet de l’église paroissiale et apparaît en très bon état. Un petit muret de moellons encercle en partie les superstructures de la source, construites en garluches cimentées et surmontées d’une croix blanche en fonte ouvragée. Cette source est, comme celle de La Teste, très réputée pour soigner les maux des yeux. Si réputée que, jusqu’au début des années 1980, une procession nocturne partait de l’église de Mios pour la fontaine et, à minuit exactement, chacun se lavait le visage dans son eau. Un détail amusant, mais base d’une vive querelle ancestrale entre Le Teich et Mios, à peine éteinte : on raconte qu’au moment de la démolition de l’église de Lamothe par les Révolutionnaires, Mios a acheté un tableau de saint Jean-Baptiste y figurant. Mais, tout aussitôt, les gens de Lamothe prétendirent, mordicus, qu’il leur avait été volé, oui, volé, par les Miossais ! Ils le regrettaient d’autant plus puisqu’il était censé éloigner tous les orages du village et même beaucoup d’autres calamités.

Le Sud-Bassin n’est pas le seul à posséder des sources à miracles puisque ce  thème de l’eau purificatrice est vieux comme le monde ! Si un jour votre curiosité vous entraîne du côté d’Ychoux, pas loin d’ici, dans les Landes, faites donc un détour par le « quartier » isolé de Lavigne, dans la forêt. Vous y découvrirez la source et la petite chapelle de sainte Rose, toujours fréquentées, dans un site boisé de pins et de chênes séculaires qui invite à la sérénité et où souffle l’esprit.

Jean Dubroca

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Aimé

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