Croquis du Bassin – Les Bordes entre terre et eau

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Les prés salés ouest testerins font beaucoup parler d’eux, surtout en période électorale. Cela passé, il faut se rendre à la raison, celle qu’imposent notamment les impérieuses règles hydrographiques. Par contre, on parle peu du symétrique des prés salés ouest, la zone des Bordes, cent cinquante hectares situés à l’est de la ville. Les Bordes, un terme que l’on trouve déjà sur une carte du 18è siècle. Littré déclare qu’il signifie “métairie” ou parfois “cabane”. D’autres disent “bergeries”. En tous cas, on lit sur la même carte, qu’il s’agissait alors de plusieurs cabanes puisqu’il y est spécifié “Village des Bordes” et, dit-on, lieu de rendez-vous pour les pèlerins de l’Est-Bassin se rendant à Notre Dame des Monts. Aujourd’hui, une promenade s’y impose pour s’imprégner d’un lointain passé qui a laissé des traces dans un paysage peu ordinaire.

Les Bordes, ne sont pas en fait de véritables prés salés mais des “padoens”, un espace entre terre ferme et eaux du Bassin, occupé par des pâturages, principalement pour des chevaux. Sûrement pas de très bonnes terres puisqu’en 1550 le captal de Buch, Frédéric de Foix, les donna “à fief et à perpétuité, aux habitants”, avec une importante clause restrictive. En effet, cette clause permet, en 1780, au seigneur de Ruat, captal de Buch, de concéder ces padoens à Henri Giers, afin “d’y établir des cultures et des prairies”. Moyennant quoi, le dit Giers, creuse … des réservoirs à poissons qui concurrencent rudement les pêcheurs locaux. Et cela, bien que Louis XV ait interdit au captal de disposer des lieux, en vertu de l’ordonnance de 1681 qui délimite le domaine public maritime. À la suite d’un extraordinaire imbroglio juridique, un nommé Harry Scott Jonhston devient leur propriétaire en 1872. En 1918, une contre-digue protège au nord-ouest une zone étrange, quadrillée de crastes, est parcourue d’herbes dures, de chasses de pantes à la saison… Pour les Bordes, comme pour les près salés ouest, le problème essentiel reste celui posé par l’eau, la meilleure et la pire des choses pour le quartier. La meilleure, c’est la proximité du Bassin qui a permis l’installation du port ostréicole industriel Rocher, appuyé sur une forte réserve d’eau salée. La pire, si l’on n’y prenait garde, c’est qu’aboutissent là des “crastes”, sortes de fossés d’écoulement qui doivent être scrupuleusement entretenus.           

Et puis, il y a les digues. Tout La Teste se souvient encore de l’inondation du 29 décembre 1951. Ce jour-là, une forte tempête a ouvert une brèche de trente-cinq mètres de long dans la digue nord. Aussitôt, deux mètres d’eau ont recouvert le site et un syndicat s’est rapidement formé pour entretenir l’ouvrage de défense. Il n’en reste pas moins que la surveillance et l’entretien de toutes ces digues s’impose encore aujourd’hui.

À l’est, s’ouvrant au bout sur le port de La Hume, sur une dizaine d’hectares, existe une zone quasiment remblayée qui correspond aux anciens réservoirs à poissons de 1780 et où, en 1989, on avait lancé un projet de ferme aquacole. Une initiative vite abandonnée devant des alarmes soulignant l’importante pollution engendrée par ce type d’installation. Suivit une idée de marina, abandonnée elle aussi car la présence de la mer est ici très intermittente. Aujourd’hui, on voit encore, par instants fugaces, s’envoler des nuées d’aigrettes ou de lourd vols de hérons, en rupture de parc ornithologique. Et puis, comme un borne mesurant le temps, on aperçoit aussi le vieux moulin en pierre d’alios, pieusement restauré par son propriétaire et qui démontre la richesse historique locale des Bordes.

Jean Dubroca

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