Chronique n° 125 – En quête d’un maire

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En 1938, Arcachon se cherche vainement un nouveau maire et certains journaux locaux proposent même de le recruter par leurs petites annonces, offertes gracieusement à la municipalité. Ce qui veut dire que le mandat de Marcel Gounouilhou se finit mal. Arcachon qui, depuis dix ans est retombé dans son travers polémiste, va-t-il, de nouveau, faire valser ses maires ? Pourtant, la liste de Gounouilhou est fort bien élue aux élections de mai 1935, puisqu’elle remporte vingt-et-un sièges sur les vingt-sept à pourvoir. Mais voilà qu’éclate une grosse affaire. Le 22 juin 1936, Marcel Gounouilhou est accusé de fautes de gestion dans son journal “La Petite Gironde”, l’ancêtre de “Sud-Ouest”. Un procès devant le Tribunal de première instance de Bordeaux conclut à l’annulation des actes reprochés mais, vus les attendus, Gounouilhou n’en sort pas totalement blanchi. Cependant, il est réélu confortablement conseiller général, au premier tour des élections cantonales d’octobre 1937.

Mais lorsque affaire vient à la barre, cette fois celle du Tribunal correctionnel de Bordeaux, le 4 février 1938, il est condamné, pour abus de confiance, à mille francs d’amende et au remboursement de vingt-huit millions de francs à “La Petite Gironde”. Et encore, le Tribunal a-t-il abandonné les chefs d’accusation d’établissement de faux bilans et de distribution de dividendes fictifs ! C’est le tollé dans l’opposition arcachonnaise, menée par l’ancien maire, Ramon Bon. Le 10 février 1938, Marcel Gounouilhou démissionne de son mandat de maire et, le lendemain, il quitte son poste de conseiller municipal. Vingt-cinq autres conseillers démissionnent aussi et se mettent en quête d’un nouveau maire. Plusieurs arcachonnais refusent ce poste car l’opinion publique souhaite dans ce fauteuil une personnalité qui ait de l’entregent au niveau national. Georges Fleury, qui raconte cet épisode, note des interventions de journaux locaux qui demandent « Un maire de grande envergure, fortuné, aux relations étendues, ayant son entrée dans les Cabinets ministériels ».

Un oiseau si rare que, le duc Decazes, le professeur Georges Portman ou Philippe de Rothschild refusent cet honneur. Mais c’est lui, Philippe de Rothschild, qui sauve la situation. Lui, qui fréquente le “Tout Paris”, connaît celui qui pourrait très bien faire l’affaire. Il s’agit du comte André de Fels, alors âgé de quarante-neuf ans. Brillant ancien combattant, décoré de la Légion d’honneur, il appartient à une famille de banquiers, venue du Danemark. Il s’intéresse très tôt à la vie politique. Maire du village de Saint-Hilarion, dans l’actuel département des Yvelines, il se fait élire député de centre droit aux élections de 1928. Au Parlement, il noue de solides relations et son épouse reçoit, en son salon littéraire, le Gotha des écrivains parisiens. Mais, aux élections de 1932, de Fels est battu de justesse par Gabriel Péri, qui deviendra un célèbre membre du parti communiste français. Le voilà donc disponible et sans doute prêt à reprendre une carrière politique dans des terres plus avenantes pour la droite que la banlieue parisienne. Va, pour Arcachon puisque Philippe de Rothschild le lui propose.

En moins de trois jours, le 21 mars, De Fels a formé une liste d’union où, en particulier, figurent deux candidats socialisants. S’oppose à elle, la liste du docteur Monod, radicale et socialiste. Mais les choses se compliquent puisque, le 26 mars, une liste communiste apparaît avec, en tête, MM. Cléaz et Coutié. De plus, cinq candidats se présentent individuellement : MM. de Gracia, Espagnet, Bon, Sentuc et Duvaché. De houleuses réunions se tiennent alors dans la fameuse salle du skating, théâtre de tant de chaudes joutes oratoires, ou parfois le geste musclé se joint à la parole. De Fels, au cours d’une de ces joutes, refuse toute attitude politique, parle d’union et de gestion rigoureuse, scrupuleuse d’honnêteté. Une allusion à l’affaire des travaux de la ville qui entache des conseillers sortants. Finalement, après de rudes tractations menées entre les deux tours de scrutin, la liste de Fels est largement élue, tout entière. On y trouve notamment : Jean Sentuc, Henry Boy, Jean Sensevin, qui mourra en déportation, Camille Duvaché, Georges Fleury, Emile Doussy, René Fabre, Albert Maubourguet, Lucien de Gracia et l’abbé Gabriel Martin. Des noms qui reviendront souvent désormais dans l’histoire arcachonnaise. Mais comment va se passer le mandat d’André de Fels ? C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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