Annabella, Jean Murat, Pierre Fresnay : hier, nous étions au cinéma. Restons-y, pour évoquer le septième art dans Arcachon. On y a tourné quelques films et téléfilms et les premières projections remontent à 1901. Le “Fantasio-Cinéma” devient la première salle consacrée au septième art, suivi par le casino de la Plage, en 1908. Mais l’histoire du cinéma dans Arcachon, c’est surtout celle de deux salles qui prennent une grande place dans la mémoire arcachonnaise. La première, c’est “L’Olympia”. Baptisé ainsi du nom du dancing qui le jouxte, le cinéma s’installe en 1915, dans le théâtre de Deganne, devenu municipal depuis 1898. C’est Jacques Font, un sujet espagnol appartenant à une famille qui exploite des salles à Barcelone et à Perpignan, qui lance l’aventure de l’Olympia. Jacques Clémens l’a racontée.
Associé à un nommé Gueslin, sans doute un prête nom, Font étant étranger, il loue un appareil de projection de marque Pathé, électrifie le théâtre, achète des décors et même une machine à écrire. Puis en 1919, Gueslin ayant abandonné l’affaire, Font s’accorde avec son employé, Gustin, pour qu’il signe un nouveau bail avec la ville. Gustin semble abuser de sa situation de nouveau prête-nom et revendique 60 % des bénéfices. Ce qui n’empêche pas Jacques Font de faire de l’Olympia “sa” chose. Il y fait presque tout : il l’administre, le répare et assure toutes les projections, sans jamais prendre de vacances. En 1922, on installe le chauffage central, le public et les élus se plaignant depuis longtemps de l’inconfort de la salle. En 1925, l’Olympia s’abonne au téléphone, achète douze strapontins -preuve que les affaires marchent- et repeint les décors.
Car le théâtre accueille des tournées en tous genres et de nombreux spectacles locaux, dont des fêtes des écoles publiques ou des sociétés de gymnastique, qui, plusieurs jours durant, font le plein. Il est vrai, qu’à part le plaisir “D’applaudir le petit”, la qualité des numéros présentés sous les effets de l’émulation, s’apparente au meilleur music-hall. Le collège Condorcet crée même en 49 une opérette de Jean Béziade pour la musique et de Marie Duthu, “Le petit bout de ficelle” où, tout jeune, l’Arcachonnais Jean Stout découvre sa vocation de chanteur lyrique. L’Olympia, c’est aussi, les distributions de prix aux écoliers et, dans un autre genre, les “attractions”, jongleurs, magiciens ou dompteurs de tous poils qui animent les entractes et font la quête avant le début du « grand film ».
En 1930, “ L’Olympia ” s’équipe pour la grande révolution : le cinéma parlant ! En 1931, Font achète des projecteurs à arcs électriques, si modernes qu’on les utilise pendant plus de vingt ans ! Jusqu’au moment où, en 1954, la famille Cayos, née, elle aussi, dans le cinématographe, reprend “L’Olympia”. Monique Dupin, raconte que son grand-père Cayos a commencé en 1905, aux “Variétés” de Libourne avec ses grands-oncles qui, en coulisses, pédalaient pour fournir l’électricité des projecteurs. C’est dire que la famille Cayos a le cinéma dans les gênes. Mais, malgré des coups de peinture, des fauteuils neufs et des projecteurs nouveaux, “L’Olympia” reste fatigué et démodé, avec son balcon en demi-cercle soutenu par des poteaux qui bouchent l’écran par endroits, son bar aux moquettes usées et son paradis que ceux du balcon appellent le poulailler, aux bancs de bois bien durs. En 1974, après un investissement de trois millions de francs, “L’Olympia” prend un visage entièrement neuf avec une salle aux larges fauteuils et intime malgré son ampleur grâce à d’astucieux éléments qui abaissent le plafond. Mais “L’Olympia”, c’est aussi le dancing voisin ouvert en 1922 par Gustin. On y fait du cinéma en plein air et, jusqu’à la fin des années 50, le dancing, fort fréquenté, abrite bien des “ amours splendides ”, endimanchées par des orchestres cubains, par le saxophone de Christian Laur et par des tangos, auréolés des guirlandes de lampes rouges suspendues au balcon en bois qui entoure la piste de danse. Allez : la nostalgie, c’est une autre histoire !
À suivre…
Jean Dubroca