Le mois d’août 1914 est celui des dernières vacances pour beaucoup de jeunes hommes. Le 2 août, un avis de la mairie est placardé à côté de l’affiche de mobilisation générale. Veyrier-Montagnères y fait appel au patriotisme de tous et au désintéressement des commerçants et industriels desquels dépend l’alimentation publique. Une Commission de l’approvisionnement est créée. En deux endroits de la ville, la Commission organise des distributions gratuites de soupe aux familles des mobilisés, soutiens de famille. Il leur est aussi remis des bons pour cinq cents grammes de pain par personne et par jour. Tous les trains sur la ligne Bordeaux-Arcachon sont supprimés et un service réduit ne reprend que le 24 août.
La municipalité ouvre un hôpital provisoire au Grand hôtel, Mme Veyrier-Montagnères en ouvre un autre, dans les bâtiments de l’Assistance, boulevard de l’Océan. Un troisième hôpital bénévole se met en place à la pouponnière du boulevard Deganne. Bientôt, s’y ajoutent des hôpitaux militaires, installés dans les casinos et à Saint-Elme. Des romans d’amour, parfois solides, naissent avec de jeunes Arcachonnaises qui y travaillent comme infirmières. C’est alors que les Allemands envahissent la Belgique et pénètrent en France jusqu’à la Marne où ils sont arrêtés. Une victoire que le grand-père de Jean-Paul Sartre annonce au public du Théâtre municipal, sous les yeux étonnés de son petit-fils.
Peu de temps après, soixante-et-un enfants réfugiés des régions envahies sont accueillis au sanatorium protestant du Moulleau. Le Comité de la Croix rouge crée l’œuvre du tricot et du paquetage du soldat, pour faire face à l’hiver sur le front, car on pressent que la guerre ne sera pas fraîche et joyeuse ! Déjà, les annonces de nombreux décès de soldats parviennent dans les familles. Le 17 septembre, Louis-Paul Veyrier-Montagnères, soldat au 18e RI est tué, lors de l’assaut du village de La Ville-au-Bois, dans le département de l’Aisne.
Durant l’été 1915, plusieurs concerts de soutien aux hôpitaux bénévoles locaux sont organisés. Au 1è novembre 1915, déjà trente-six Arcachonnais, morts à la guerre, sont inhumés dans la ville. Une ville où le ravitaillement devient difficile et, pour l’organiser, un Comité municipal est créé. Des représentants des commerçants y siègent. Sauf dans les écoles, les services publics et chez les personnes assistées, le charbon se fait rare et il faut limiter la consommation du gaz d’éclairage chez les particuliers. En avril 1917, la municipalité achète vingt mille kilos de pommes de terre et les revend à la population, au prix de vingt-huit centimes le kilo. Mais au mois de juin 1917, les stocks de farine s’amenuisent car il en faut vingt-huit sacs par jour. Or, le Comité bordelais, depuis huit jours, n’en a pas envoyé un seul. Un appel à la restriction de pain est donc lancé à la population.
Pendant ce temps, des enfants réfugiés de l’Est arrivent en ville. La Croix rouge quête dans les rues. En mai 1918, le Comité local demande que la viande de boucherie, au prix très élevé, soit taxée et, pour peser sur le marché, une société coopérative de ravitaillement est créée. L’avoine pour les chevaux manque aussi. Il faut faire d’incessantes démarches jusqu’au ministère du Ravitaillement à Paris pour s’en procurer. Le maire achète directement vingt tonnes de pommes de terre à Tarbes et à Saint-Malo et les revend à prix coûtant aux habitants, ce qui n’empêche pas des calomnies de circuler, le traitant de profiteur de guerre. Cependant qu’en 1918, les offensives et les contre offensives se succèdent sur le front, rendant toujours le sort de la guerre incertain, le conseil municipal vote une motion de confiance au gouvernement de Georges Clémenceau.
Enfin, arrive l’armistice du 11 novembre 1918. On illumine la mairie, on y boit le champagne avec tous ceux qui ont contribué à la victoire tandis que la musique des quatre régiments américains stationnés au Courneau donne un concert et joue “La Marseillaise”, sous le kiosque de la place Thiers. Mais ce soir-là, dans des foyers arcachonnais, on a aussi beaucoup pleuré. La ville a perdu deux cent cinquante-huit de ses enfants. C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca