L’idée de faire d’Arcachon une ville de villégiature pour l’hiver, sinon pour des cures médicales, remonte avant l’installation ici de la Compagnie du Midi. D’ailleurs, elle souhaite plutôt créer une station pour concurrencer la PLM qui jette déjà les bases de la Côte d’azur. Il faut se souvenir que le docteur Pereyra, médecin bordelais, qui deviendra le très officiel médecin-inspecteur local de nos bains de mer, a, depuis longtemps, remarqué que la tuberculose pulmonaire ne frappe pas les marins et les résiniers testerins, malgré leurs mauvaises conditions de vie. Constatant aussi les effets bienheureux sur la santé de certains de ses patients qu’il envoie en séjour prolongé à Arcachon, il écrit en 1843 : « Je ne doute donc pas que la plage d’Arcachon ne soit fréquentée un jour par beaucoup de personnes atteintes de phtisie commençante et que leur constitution n’y soit modifiée de la manière la plus heureuse ».
Dix ans plus tard, il diffuse une communication constatant
« L’influence des bords du Bassin d’Arcachon sur les tuberculeux pulmonaires et les malades du cœur et sur l’habitation de cette plage pendant l’hiver par les personnes atteintes de maladies chroniques ». Après lui, mais dès 1850, alors que la mode des bains de mer se développe, le docteur Jean-Isidore Sarraméa, spécialisé dans les maladies des enfants, livre un mémoire intitulé « Pour la fondation sur les bords du Bassin d’Arcachon d’une colonie de jeunes détenus lymphatiques, scrofuleux ou tuberculeux ». Ces diverses observations révèlent une voie d’autant plus productive, qu’elle remplace celle du bain de mer quand il devient plus ludique et moins médicalisé. Quant au docteur Lalesque, il estime que les vapeurs de térébenthine, qu’il appelle les « Les émanations térébenthacées », contenues dans la résine des pins, ont, aussi, un effet direct sur l’appareil génito-urinaire. Il se base pour écrire cela, sur le grand nombre d’enfants que l’on compte dans les familles de résiniers. Mais on sait que des déductions, basées uniquement sur des statistiques, restent un peu aléatoires …
Fait extraordinaire : ou bien qu’elle forme l’ancêtre du Viagra ou bien qu’elle purifie les bronches, cette résine qui, depuis la nuit des temps, a fait la fortune du pays de Buch, voilà qu’elle va produire, maintenant, la richesse d’Arcachon. « Il faut songer qu’à l’époque, relève le docteur Robert Fleury, la tuberculose, la phtisie, comme on disait alors et dont on ignorait les causes, massacre 90 000 Français par an, dont beaucoup de jeunes ». On comprend que toutes les possibilités de soins ou de guérison de cette maladie, même les plus aléatoires, soient alors recherchées. Un peu plus tard, dans le journal « La Gironde », le docteur Pouget, médecin-inspecteur des bains de Royan, et qui, de ce fait, ne peut être soupçonné de partialité, écrit le 6 juillet 1857 : « Arcachon s’occupe activement d’organiser pour les malades une saison d’hiver ; nulle localité ne se prête mieux à la création d’un établissement de ce genre, puisqu’elle possède (…) les émanations balsamiques de ses vastes forêts de pins ».
Quant au docteur Mels, médecin hollandais chargé d’inspecter par son gouvernement des stations hivernales, il écrit au docteur Pereyra, à la fin de l’année 1856 : « les phtisiques ne sauraient trouver ailleurs qu’à Arcachon, de meilleures conditions hygiéniques et médicales ».
Les esprits sont donc déjà préparés pour que se construise ce lieu de cure arcachonnais. Oscar Déjean, que ses fonctions de conseiller municipal de Lamarque mettent dans le secret des Dieux, peut alors écrire sans hésiter : « la Compagnie de chemin de fer s’occupe de cette question pour qu’il soit possible d’espérer une solution heureuse et prochaine ». Effectivement, en 1862, commencent les travaux de la Ville d’hiver. On en fera, plus tard, « un sanatorium ouvert ». C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca