Les processions nautiques longeant la côte entre Notre-Dame et le Mouëng, inventées par le cardinal Donnet, vont, pendant des décennies et, au moins jusqu’en 1927, constituer le sommet festif de toute saison estivale réussie. Une manière pour l’Église de développer le culte marial, en rejetant dans l’ombre de l’oubli les traditionnelles fêtes arcachonnaises de la Sainte-Anne, le 26 juillet. Car le cardinal Donnet, certes aime Arcachon, mais il en fait une terre d’expérience pour développer l’influence chrétienne dans un milieu en plein développement : celui des loisirs.
Et lorsque, le 24 septembre 1865, le cardinal Donnet descend majestueusement en gare d’Arcachon de son wagon salon et qu’il gagne, en cortège rutilant, l’église Notre Dame, précédé de la fanfare Sainte-Cécile, entouré des pompiers et des douaniers en grand uniforme, le cardinal jubile car il exhibe ostensiblement l’autre objet de toutes ces festivités : l’opposition d’une partie de l’église de l’époque, dont le pape, à toute forme de manifestation religieuse humble et, sainte horreur, janséniste. De plus, la fête, fût-elle religieuse, devient, comme le dira plus tard Héricart de Thury, « une des mamelles d’Arcachon », l’autre mamelle étant, selon le maire… un bon entretien des rues.
Mais la bonne volonté du cardinal Donnet de développer Arcachon ne s’arrête pas là. Le 24 janvier 1854, il écrit au ministre de la Marine « En cas de guerre, les côtes de France, de Royan à Bayonne, sont à peu près nues. C’est une lacune à remplir et de grandes choses peuvent sortir de la transformation d’Arcachon en un port de guerre que je bénirai ». Il s’agit, du même coup, de donner des arguments contre ceux qui prétendent alors qu’Arcachon devenu commune manquera de ressources financières. Huit mois plus tard, une commission, nommée par l’Empereur, préconise d’installer le port face au Cap Ferret où le terrain est peu cher. Le 19 mai 1856, une enquête officielle s’ouvre afin d’étudier, notamment, la fixation de la passe principale, perpendiculairement au rivage. Auguste Lalesque, conseiller municipal testerin, parle alors « d’une spéculation mystique qui tuera la station balnéaire car jamais les dames ne se baigneront au milieu des matelots aux façons excentriques ». Mais c’est uniquement l’énormité du prix des travaux qui les fait abandonner.
Cependant, onze ans après, le cardinal Donnet regrette encore « que cet asile providentiel si bien protégé n’ait pas été encore utilisé ». Il ne le sera jamais. A la recherche d’une compensation, Arcachon songe à une caserne. Après plusieurs échecs, car des opposants s’indignent en imaginant « place Thiers, le perpétuel spectacle du troupier suivant les bonnes », il faut attendre 1898 pour que la municipalité de Veyrier-Montagnères annonce l’accord des autorités militaires pour installer quatre cent quinze militaires dans une caserne située dans le quartier de Saint-Ferdinand. Ils manœuvreront sur les dix hectares d’un terrain taillé près du garde-feu du Sémaphore. Revers de la médaille : il en coûte 488 700 francs aux finances locales. Des opposants hurlent : les impôts vont doubler, la vie sera insupportable avec les tambours et les clairons sonnant les manœuvres, avec les disputes fréquentes dans les cafés, avec les chants des soldats ivres sous les fenêtres des hôtels, avec « les pékins traités en quantité négligeable » et avec la morale bafouée « par certaines maisons utiles aux garnisons » !
Malgré cette apocalypse annoncée, un référendum autorise le conseil municipal à poursuivre ses démarches. Hélas : l’emplacement proposé pour implanter la caserne ne convient pas au chef de bataillon du Génie, Lagarde ! Il ne sera plus jamais question de garnison à Arcachon. Vingt ans plus tard, fort heureusement, l’économie locale bénéficiera des retombées financières diverses venues de la base aérienne de Cazaux. Mais c’est une autre histoire …
À suivre…
Jean Dubroca