Chronique n° 069 – Un abbé entremetteur

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Le cardinal Donnet a toujours conservé un œil autant bienveillant que pastoral sur Arcachon naissant. Aussi, lorsqu’il repère Xavier Mouls, prêtre de vingt-huit ans installé à Cazaux, il en fait le curé d’Arcachon en priant pour qu’il mette son opiniâtreté déjà connue, dans le développement de la paroisse. Le cardinal Donnet lui facilite la tâche en examinant avec bienveillance, le 16 avril 1853, la demande déposée par Lamarque de Plaisance, encore maire de La Teste, afin que la chapelle Notre-Dame d’Arcachon devienne indépendante de La Teste. Les formalités remplies, le 15 avril 1854, l’Empereur érige la chapelle d’Arcachon en succursale et, le 1er mai 1854, Donnet nomme son protégé desservant de la nouvelle paroisse qui englobe le Cap Ferret.

Mouls, qui a été curé en Lot-et-Garonne d’où vient Lamarque, le connaît. Il lui rend même un service d’ami, raconte une mauvaise langue, Guy de Pierrefeu, Jacques Ragot dixit. Lamarque vit en concubinage avec Antoinette-Marie Ravard, cuisinière de profession. La relative discrétion d’Arcachon l’a mis à l’abri des critiques ulcérées de sa tante, devant un tel dévoiement. C’est Mouls qui arrange la situation, en allant plaider la cause de son maire auprès de la famille Lamarque. Le voilà donc bien en cour, à Bordeaux comme dans sa paroisse.

Et il ne traine pas pour montrer son zèle en organisant, dès le 8 août 1854, une grandiose procession nautique, tout à fait dans les vues liturgiques du cardinal Donnet qui y parade sous un dais rouge. Cependant, Mouls ne pense pas qu’à organiser des fêtes qui font la réputation de la ville. Il se lance dans l’équipement religieux d’Arcachon. Entre le 31 mars 1855, date d’achat du terrain et le 6 juillet 1856, pose de la première pierre, il trouve 150 000 francs pour bâtir une église néogothique à trois nefs, “en style ogival, le seul qui réponde dignement par son immensité à la pensée chrétienne”, commente l’abbé Mouls.

En même temps, il encourage la construction d’une chapelle à l’Est, au Mouëng. Fin octobre 1854, la première pierre en est posée sur un terrain offert par Pierre Célerier. Fin décembre 1855, la chapelle entre en service. Elle devient en 1870, le centre de la nouvelle paroisse Saint Ferdinand, portant le prénom du cardinal girondin. Enfin, en 1856, une soixantaine de propriétaires du centre veut aussi sa chapelle. Elle l’a en 1858, au milieu de l’actuelle place Claude-Bouscau. Elle se révèle peu commode et, vendue, elle devient, en 1863, le temple de l’Église Réformée. Pendant tout ce temps, l’abbé Mouls a su faire face aux problèmes financiers, aux retards sur les chantiers et aux aléas des débats dans les conseils de fabrique.

Ce qui n’empêche pas cet homme étonnant de se démener dans d’autres domaines. Le 20 avril 1859, il créé l’orphéon d’Arcachon. En 1861, il adjoint une fanfare à la chorale, l’ensemble prenant le nom de Société Sainte-Cécile. C’est l’ancêtre de l’Avenir musical arcachonnais. Cette même année 1861, il reçoit des savants bordelais venus étudier les installations ostréicoles. Cette visite lui donne une nouvelle idée et le 23 août 1863, montrant un certain culot, alors que la ville ne compte que sept cent trente-deux habitants, il fonde avec vingt-deux personnalités arcachonnaises, la Société scientifique. Elle existe toujours. Enfin, Xavier Mouls joue un rôle important en intervenant auprès du riche banquier Émile Pereire auquel il écrit : “la ville d’Arcachon comprendra la cité d’hiver dans sa forêt embaumée, la cité d’été avec ses coquettes villas de baigneurs et la cité industrielle à l’est”. Une vision prémonitoire, s’ils ne l’avaient déjà eue, qui n’a pu que convaincre les frères Pereire d’investir dans la ville nouvelle.

Mouls est donc partout. Auréolé de la Légion d’honneur que lui a remise Napoléon III, lors de sa visite du 10 octobre 1859, Mouls rédige des articles, fait et défait des municipalités, crée la société de secours mutuel et contrôle la vie politique locale. Comme sa réussite lui donne l’impression qu’il peut tout, il libère souvent son caractère intransigeant et ne contrôle plus son orgueil. Ce qui le perdra. Mais c’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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