1583 – Mer océane, de Vaulx – Arcanson

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Au fil des siècles, la Manche a façonné la Normandie. Les invasions vikings, les conflits avec les Anglais, mais aussi les échanges commerciaux ont forgé des marins aguerris à la navigation, désireux de participer à des expéditions vers des terres inconnues. Le développement d’une école hydrographique en Normandie exprime le dynamisme maritime de cette province française au XVIe siècle. Parmi les onze cartographes connus, nombreux sont pilotes de métier et originaires du port de Dieppe. La production cartographique conservée couvre un siècle environ (1542-1635) et se limite à une quarantaine de documents, tous restés sous forme manuscrite.

Fils de Jeanne Vymont et d’un capitaine corsaire originaire du Calvados, Jacques Devaulx, né entre 1555 et 1560 dans une toute jeune ville portuaire du Havre de Grâce, est le cinquième enfant de la famille. Il se marie en 1584 avec Françoise Plaimpel.

Arcanson

En 1583, Jacques Devaulx, présente au duc de Joyeuse, gouverneur de Normandie et mignon du roi Henri III, l’ensemble de 31 feuillets richement illustrés et commentés qu’il a conçus sur la science nautique au cours de son voyage aux Amériques. Encouragé par le duc, Devaulx en fait, en 1584, un somptueux ouvrage enluminé intitulé

« Premières Œuvres de Jacques de Vaulx[1] », traité de navigation, d’hydrographie et de cartographie à l’usage des marins ; Devaulx y compile avec talent les savoirs et savoir-faire du pilote et cartographe, s’appuyant sur les traités les plus récents.

Ce manuscrit met en scène la « navigation aux étoiles ». Il propose une piste nouvelle pour déterminer la longitude en mer, la grande difficulté des marins de l’époque : les illustrations représentent la recherche de la longitude par la micrométrie de l’aimant, la mesure de la déclinaison magnétique sur la terre ferme avec une boussole et une alidade visant l’étoile polaire, l’observation de la hauteur angulaire d’un astre avec le bâton de Jacob. Jacques Devaulx propose une utilisation originale du canomètre,

instrument conçu en 1574 par le Normand Toussaint de Bessard pour déterminer l’écart angulaire entre les nords géographique et magnétique : Devaulx imagine de s’en servir pour déterminer la longitude en l’utilisant pour relever la position des astres et en faisant appel à une règle magique. Un folio montre aussi trois navigateurs à terre utilisant des boussoles et l’astrolabe pour essayer de trouver leur longitude. La façon de disposer les roses des vents est illustrée. Pour qui s’intéresse à l’histoire de la navigation, les « Premières œuvres de Jacques Devaulx, pillote en la Marine », constituent un trésor incontournable, car sans équivalent. Servie par une iconographie soignée et esthétique, cette science en plein essor en ce XVIe siècle, mais assez obscure pour le lecteur non spécialiste, devient séduisante, et de multiples auteurs et éditeurs puisent dans ses images pour illustrer des articles touchant à la navigation. De 1585 à 1587, Jacques de Vaulx part explorer le fleuve Amazone comme pilote major sur le navire la Normande de 120 tonneaux commandé par Guillaume Le Héricy, sieur de Pompierre.

Son jeune frère, Pierre de Vaulx (quelquefois orthographié Devaux) est aussi l’auteur, en 1613, d’une carte marine richement enluminée. À côté des étonnantes mappemondes dressées selon les projections les plus savantes de l’époque – telle la carte de Guillaume Le Testu de 1566 – ou des merveilleuses cosmographies richement enluminées faisant la part belle aux spéculations sur les terres « non encore descouvertes », l’essentiel est constitué de cartes destinées à la navigation.

Le banc d’Arguin (en Mauritanie)

Une série d’entre elles représente l’océan Atlantique ; elles sont construites, pour la plupart, sur un réseau de lignes de vents selon la tradition des portulans, à l’instar de la magnifique carte de Pierre de Vaulx de 1613 : La France et le Nouveau Monde, manuscrit enluminé sur parchemin, 68,5 x 96 cm (BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE SH ARCH 6 (RES) ;

« Ceste.carte.a.Esté.faiste.Au.haure.de.Grace.Par.Pierre.Devaulx.Pilote.Géographe.Pour.le.Roy.lan.1613. »

Éclatante d’or et de couleurs, cette carte de l’Atlantique reflète les ambitions françaises en Amérique. Les fleurs de lys apparaissent en Nouvelle-France,

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où les toponymes français et la précision des tracés attestent une présence ancienne et renouvelée, mais aussi au Brésil, où la carte n’est plus que le souvenir de l’expédition de Villegagnon (1555) et d’autres tentatives avortées. Près de Lima, une rose des vents d’un bleu profond rehaussé d’or pourrait bien symboliser le soleil des Incas.

Marins de France, d’Angleterre et des Pays-Bas partent sans attendre vers les terres nouvellement découvertes, faisant fi du monopole ibérique établi par le traité de Tordesillas. En 1532, le pape Clément VII admet l’interprétation restrictive du traité, ne réservant aux Ibériques que les territoires déjà reconnus, à l’exception des terres à découvrir. L’obstacle diplomatique est donc levé pour les autres puissances occidentales. Mandaté dès 1524 par François Ier pour découvrir une route vers la Chine, le navigateur italien Giovanni da Verrazzano longe les côtes américaines, depuis la Caroline du Nord jusqu’au Canada. Dix ans plus tard, le même roi engage le malouin Jacques Cartier qui explore le golfe du Saint-Laurent et remonte le fleuve jusqu’à Hochelaga, futur site de Montréal. C’est au début du XVIIe siècle, sous l’impulsion de Samuel de Champlain, que s’amorce la colonisation française au Canada. Bravant les intérêts espagnols et portugais, la France tente vainement de s’imposer au sud, en créant en 1555 une colonie huguenote au Brésil – la « France antarctique » – et une autre en Floride entre 1562 et 1565.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_de_Vaulx

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9e/%C2%AB_Les_premieres_%C5%92uvres_de_%28…%29JACQUES_DEVAULX_btv1b550024840_20.jpg

https://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/classics/all/01158/facts.jacques_devaulx_uvres_nautiques.htm#images_gallery-29

https://www.pourlascience.fr/sd/histoire-sciences/navigation-le-monde-selon-jacques-devaulx-16902.php

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550024840/f53.item

Voir http://www.le-havre-grands-navigateurs-claudebriot.fr/411085518

http://blog.kermorvan.fr/2019/06/25/naviguer-par-le-monde-avec-jacques-devaulx/

Pierre Devaulx

http://international.loc.gov/intldl/fiahtml/fiatheme1c1.html

https://www.wdl.org/es/item/15482/view/1/1/

http://expositions.bnf.fr/francoisIer/grand/fra_413.htm

https://www.cordouan.culture.fr/accessible/fr/annexe/mediatheque-Ressources?id_media=33&page=2

[1]Les premières Euvres de Jacques Devaulx pillote pour le Roy en la Marine Contenantz plusieurs Demonstrances Reigles praticques segrez Et enseignementz Tres necessaires pour bien et seurement Naviguer par le Monde tant en Longitude que Latitude En declarant seullement autant qu’il est besoing au marignier D’en sçavoir – En la ville françoise de Grâce, l’an M.D.L.XXXIIII.

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Raphaël

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