Un incendie d’une violence effrayante éclate le 1er juin 1899 après-midi dans la grande lande, à Lugos (Landes), sur la ligne de Bordeaux à Bayonne entre les stations de Caudos et d’Ychoux) arrondissement de Mont-de-Marsan), au-dessus de Parentis-en-Born, à la limite des départements des Landes et de la Gironde.
C’est vers quatre heures de l’après-midi qu’il prend naissance, à un kilomètre environ de la ligne du chemin de fer. Malheureusement, poussées par un vent violent, les flammes s’étendent avec une rapidité dont rien n’approche dans la direction même de la gare de Lugos.
Autour de cette station est déposée une grande quantité de bois divers : traverses, pile de madriers et surtout des falourdes, sortes de faissonnats qu’on doit envoyer à Bordeaux.
À cinq heures et demie, cette masse de bois est toute en feu ; les flammes traversent la voie et gagnent la forêt de l’autre côté. Pendant une longue heure, on éprouve des craintes sérieuses pour la gare même de Lugos, et tout secours est impossible. L’intense chaleur dégagée par les piles de bois qui brûlent de chaque côté de la voie ferrée exerce naturellement son action sur les rails qui, à six heures, sont faussés sur une grande longueur (on parle de 15 kilomètres) le long des fossés. De ce fait la circulation des trains se trouve interrompue.
L’express n° 7, parti de Bordeaux-Saint-Jean à 6 heures 10, doit s’arrêter à 7 heures 12 à un kilomètre environ de la gare de Lugos. Les voyageurs mettent pied à terre et, après avoir parcouru à pied une longueur de 1 800 mètres, prennent l’express n° 4, parti de Bayonne à 2 h. 34 et qui, lui aussi, s’est arrêté de l’autre côté de la station de Lugos.
On ne peut procéder au transbordement des bagages qu’on laisse dans les trains qui les emportaient respectivement, et qui sont ramenés à Bordeaux ou à Bayonne.
Le train n° 7 est rentré en gare de Bordeaux-Saint-Jean à 10 h 19 pétantes !
Les voyageurs du train n° 4 auraient dû arriver à 6 h 12 ; ils ont donc subi un retard de 4 heures.
À la nouvelle du sinistre, M. Lebras, sous-chef de gare, envoie un train de secours à Lugos.
La gare de Lugos, qui se trouve sur la limite du département des Landes, a failli être détruite par les flammes ; les poteaux télégraphiques ont été abattus et les fils brisés.
Grâce au dévouement du personnel du Midi et de tous les habitants de la commune, on peut circonscrire le feu, qui brûle le long de la voie, remplacer les traverses et les rails faussés, rejeter assez loin tous charbons enflammés, de sorte que les nouvelles pièces métalliques soient soustraites à l’action de la chaleur.
Après six heures d’un travail acharné, on arrive à remettre la voie en état et, à onze heures du soir, le train peut continuer sa route pour Bordeaux. La circulation est désormais rétablie.
L’incendie continue encore, mais tout danger paraît absolument écarté en ce qui concerne la station de Lugos. Presque tout le bois qui se trouvait sur son quai a été d’ailleurs la proie des flammes. On a pu se tenir en communication télégraphique de Bordeaux à Lugos ; les communications télégraphiques de Bordeaux à Biarritz, Bayonne, Dax, Pau, Tarbes et l’Espagne sont interrompues par suite de la destruction de quatorze fils télégraphiques.
L’incendie est l’œuvre d’une main criminelle : l’enquête constate tout d’abord que le feu a été allumé sur deux points distincts. Le présumé coupable, mais présumé innocent, est arrêté : c’est un berger qui avait eu des démêlés avec le propriétaire du bois d’où le feu est parti, et avec le garde champêtre de la commune à qui appartient la partie de lande incendiée la première.
M. Deycard, négociant à Arcachon, a eu la malveillance d’être compris au nombre des propriétaires sinistrés par l’immense incendie qui vient de détruire la lande de Lugos.
Notre compatriote a perdu 46.000 falourdes (fagots à deux liens, formé de bûches de pin ou de bouleau écorcé et fendu).
M. Beaumartin, dont le nom a été mêlé aux incidents de la forêt usagère, perd 24 vagonnets Decauville chargés de traverses, 6000 traverses, 3000 rodos et 2000 fagolins.
Le feu se déclare mercredi matin 13 juin 1906, vers neuf heures, on ne sait à la suite de quelles circonstances, dans une lande appartenant au colonel de Chastagné, entre les gares de Lugos et de Caudos ; l’incendie, en raison de la sécheresse, prend en un clin d’œil d’énormes proportions.
Aux appels du tocsin, qui retentit simultanément dans plusieurs villages, tous les habitants se portent sur les lieux du sinistre. Les secours sont organisés sous la direction de la gendarmerie de Belin.
À un moment, la gare de Lugos est menacée par les flammes, ainsi qu’une usine voisine. Les deux, immeubles peuvent heureusement être préservés. Cependant, les flammes, emportées par le vent, traversent la voie ferrée et l’incendie se communique du côté de Sanguinet, qui est au-delà de la limite du département.
Les travailleurs sont alors plus de 2 000 ! On se voit obligé de sacrifier plusieurs hectares de forêt pour établir un contre-feu, seule manœuvre efficace en pareil cas. L’incendie dure toute la journée et encore la plus grande partie de la nuit. À onze heures du soir, on en aperçoit encore de très loin les lueurs, qui ne s’éteignent complètement que dans la journée.
Les dégâts sont considérables : près d’un million. Les pins sont détruits sur une superficie de six kilomètres en longueur, quatre en largeur.
On signale aussi divers incendies de moindre importance dans les landes du département des Landes.
Le Petit Parisien du 3 juin 1899
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k518925t/f2.item.r=incendie%201899%22gare%20de%20lugos%22.zoom
La Charente du 4 juin 1899
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4637303h/f2.item.r=incendie%22mai%201899%22lugos.zoom
La Liberté du 2 juin 1899
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4791793b/f1.item.r=lugos.zoom
Arcachon-journal du 4 juin 1899
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5430611n/f3.image.r=lugos?rk=193134;0
La Dépêche du 4 juin 1899
L’Humanité : journal socialiste quotidien, du 16 juin 1906