Sur des cartes postales anciennes d’Arcachon reproduisant des œuvres d’artistes peintres

Les cartes postales illustrées sont apparues à la toute fin du dix-neuvième siècle. Les premières, qui portaient des gravures comme illustrations, étaient essentiellement allemandes. Elles étaient dites Grüss parce qu’elles portaient la mention « Grüss aus », soit « Salutations de » qui sera repris en français sous la formule « Souvenir de ».

Voici l’exemple d’une carte dite Grüss consacrée à Arcachon :

Laquelle a été imprimée en Allemagne ce qui la rend tout à fait authentique :

Lorsque ces premières illustrations ont été remplacées par des clichés photographiques, les cartes postales ont alors connu un succès spectaculaire. Quelques éditeurs, toutefois, n’ont pas voulu sacrifier à la photographie et ont proposé à leur clientèle des cartes postales présentant des reproductions de gravures ou mieux, d’œuvres picturales qui ont souvent l’avantage d’être en couleur quand les photos n’étaient encore qu’en noir et blanc.

 

Ce type de cartes anciennes représentant des vues d’Arcachon ont été très peu nombreuses, et comme en plus elles avaient moins de succès que celles portant des reproductions de photos, elles ont très peu circulé. Si bien qu’aujourd’hui elles sont rarissimes dans les collections des amateurs de ces vieux papiers.

En voilà un modèle :

Alors que cela fait plus de 30 ans que je chine les cartes postales anciennes d’Arcachon, il s’agit là du seul exemplaire de cette carte qu’il m’est jamais arrivé de rencontrer.

Heureusement qu’elle porte en légende le nom d’Arcachon, parce qu’en vérité on ne devine pas au premier coup d’œil qu’il puisse s’agir d’une scène saisie sur le Bassin.

Cette carte dormait depuis plus de quinze ans dans ma collection sans que je ne m’en préoccupe quand tout dernièrement, j’en ai acquise une nouvelle ayant avec elle un air de famille très marqué.

Assez pour me donner envie de connaître leur histoire.

Le tableau reproduit sur la première est signé, en bas à droite, de Geo m. mz.

Une recherche un peu pointue m’a permis de constater qu’il s’agissait d’un artiste-peintre allemand assez coté, surtout outre-Rhin, Georg Michael Meinzolt. Né en 1863 à Hambourg et mort en 1948 à Munich et dont on ne sait pas grand-chose sinon ce qu’en dit le Thieme-Becker. Qui est à l’Allemagne ce que le Bénézit est à la France :

« Né à Hambourg, Georg Michael Meinzolt fut l’élève de Theodor Hagen à Weimar et résida à Munich de 1891 à 1912. Il créa principalement des paysages, notamment en Allemagne du Nord et en Norvège. Des œuvres de Meinzolt se trouvent au Musée Weimar et au Musée Lindenau Altenburg. »

Le verso de cette carte, qui n’a pas voyagé, porte une mention sibylline qui a priori ne permet pas de connaître sa provenance.

Toutefois, après avoir pas mal fouillé, j’ai fini par dénicher une carte identique, bien que ne comportant pas la légende Arcachon. Et dont la mention inscrite au verso est plus explicite : Nürnberg, Theo Stroefer, Série 443. 6 Dess.

Il s’agit en fait de l’éditeur Theodor Stroefer installé à Nuremberg. Loin de chez nous. Un personnage qui sort du commun, né en Allemagne, à Bad Pyrmont, le 27 mars 1843, et décédé à Nuremberg, le 9 juillet 1927. Jeune, il entre dans une très grande maison d’édition de Munich, Bruckmann Verlag, qui existe toujours aujourd’hui, et qui l’envoie, en 1866, à New-York créer à Broadway une agence commerciale. De là, il importe et exporte des gravures et des photographies et publie de nombreux livres illustrés. En 1871, il s’associe sur place avec un compatriote émigré et crée la maison d’édition « Stroefer & Kirchner ». En 1876, il rentre en Allemagne pour ouvrir une succursale à Munich. Mais dès l’année suivante, la société se scinde en deux. Theodor Stroefer exploite alors la « Theo. Stroefer’s Kunstverlag » qui est active sur toute l’Europe alors que son associé, avec la « Geo. Kirchner & Co. », s’est réservé l’Amérique du Nord.

Kunstverlag, en français : éditeur d’art.

En 1893, Theodor Stroefer déménage son entreprise à Nuremberg. Une grande partie de sa production était faite de livres pour enfants illustrés de photographies et de gravures. Si bien qu’en 1900, il est connu pour être surtout un important éditeur de littérature enfantine.

En marge de cette activité, il édite aussi des cartes postales, essentiellement à partir de reproduction de tableaux.

A sa mort, son fils August (1882-1945) prendra sa succession. Mais pendant la dernière guerre, ses bureaux seront détruits et ses archives seront perdues.

Comme il est après tout normal, son nom est absent de l’incontournable Dictionnaire de la cartophilie francophone de Paul Noël Armand. Par contre il apparaît, mais une seule fois et sans plus d’explication, dans l’imposante Encyclopédie Illustrée Internationale de la Carte Postale, en quatre volumes[1].

Mais comment cette équipe réunissant le peintre Georg Michael Meinzolt et l’éditeur Theodor Stroefer a bien pu être à l’origine de cette improbable carte postale légendée Arcachon dans laquelle je crois pourtant plus deviner une vue du port de Hambourg ?

Peut-être que la nouvelle carte récemment entrée dans ma collection va nous permettre de résoudre cette énigme ?

Elle porte au verso la mention T.S.N. Série 1136 (6 Dess).

T.S.N., pour Theodor Stroefer Nürnberg. Elle provient donc du même éditeur que la carte précédente.

Et elle a voyagé, en octobre 1912.

Sans doute sous enveloppe.

Ce qui prouve au moins qu’elle a bien été achetée à Arcachon où elle était commercialisée.

C’est un dénommé Chatelain, sans doute prénommé Emile et conseiller du Commerce extérieur à Paris, en vacances à Arcachon, qui annonce à sa chère Madeleine qu’il va lui faire parvenir une nouvelle bourriche d’huîtres, par envoi postal.

Madeleine, elle aime tant ça !

On remarquera que le conseiller, s’il maîtrise parfaitement l’utilisation du subjonctif, paraît beaucoup moins à l’aise avec les règles d’accord des participes passés.

Si l’on connaît l’éditeur de cette nouvelle carte, on ne sait rien, par contre, le tableau qu’elle présente n’étant pas signé, de l’artiste qui l’a illustrée. Ni du véritable lieu qu’elle représente, qui là encore ne semble pas être Arcachon.

En parcourant les sites de vente Internet de cartes postales, j’ai fini par en apercevoir plusieurs autres semblant avoir, ou ayant, un lien avec celle-ci et même deux qui lui sont identiques, dépourvues toutefois de leur légende Arcachon.

Ces deux dernières ont été écrites par la même personne, un autre Emile, et envoyées à une même demoiselle. L’une, en juillet 1915 et l’autre, au mois d’août suivant.

Sur la première, l’expéditeur a inscrit sur le recto « Gruss aus Arendsee an der Ostsee », en français « Salutations d’Arendsee sur la mer Baltique. » Son timbre a effectivement été oblitéré dans la ville allemande d’Arendsee. Mais le brocanteur qui me l’a vendue affichait : Kühlungsborn Künstlerkarte: Gemälde “Segelboote auf der Ostsee” 1915. En français : Carte d’artiste de Kühlungsborn : Tableau : « Voiliers sur la mer Baltique » 1915. Arendsee est une ville de 6 000 habitants située dans le Land de Saxe-Anhalt. Elle est construite au bord d’un lac naturel qui se vante d’être le plus grand et le plus profond du land. En vérité, une baignoire incapable d’accueillir un navire de la taille de celui que l’on aperçoit au loin, tout à gauche de la carte. Quant à Kühlungsborn, c’est une ville de 8 000 habitants située dans le land voisin et établie, elle, en bordure de la mer Baltique. Google nous dit qu’elle est issue de la fusion, intervenue le 1er avril 1938, des trois communes de Fulgen, Brunshaupten et Arendsee. Mais Arendsee est séparé de Kühlungsborn par pratiquement 170 kilomètres. Peut-être qu’en 1915, Kühlungsborn n’était qu’une dépendance d’Arendsee et que par la suite, s’étant développée plus vite parce qu’au bord de la mer, c’est Arendsee qui se sera transformé en annexe de Kühlungsborn.

De toute façon, achetée à Arendsee ou à Kühlungsborn, rien ne prouve que cette vue représente un bord de mer sur la Baltique. Il n’y a que le peintre qui l’a réalisée qui pourrait nous le dire et on ne sait pas de qui il s’agit. Le premier Emile a cru y reconnaître Arcachon et le second, Arendsee. Mais il est encore possible que l’on ait fait prendre, à l’un comme à l’autre, des vessies pour des lanternes.

Parmi les autres cartes aperçues, il y a aussi ces deux suivantes :

 

Elles sont toutes les deux toujours éditées par Theodor Stroefer et appartiennent, comme la carte légendée Arcachon, à la même série 1136. Sur ces trois cartes, les bateaux se ressemblent beaucoup, le ciel est toujours nuageux et on a bien l’impression que le duc d’Albe, formé de trois troncs d’arbre cerclés à leur sommet d’un bandeau métallique, que l’on voit à chaque fois au premier plan, est toujours le même. A l’évidence, ces trois tableaux sont l’œuvre d’un même peintre, en un même lieu, le même jour. Et pas n’importe quel jour, un jour de grande pétole. La mer est d’huile, aucun bateau ne crée de sillage, les voiles à l’instar de linges mis à sécher pendent, flasques, sur leurs espars comme honteuses de leur inutilité. Le marin assis au milieu de son navire n’a pas l’air de se préoccuper de la marche de celui-ci. Sur la première toile, la mer monte, sur la deuxième elle est plus haute et sur la troisième, elle a commencé à redescendre. Le marnage paraît faible. Le peintre a passé son après-midi, jusqu’à la nuit, à s’adonner à son art. On peut imaginer qu’il se sera placé dos à la côte, face au large, face à l’Ouest au regard de la deuxième toile. Même si à chaque fois, il semble bien qu’il ait déplacé quelque peu son chevalet. Est-il sur la grève, est-il sur un quai ? Rien de tout cela ne nous permet de nous faire une idée sur son identité ni d’être sûrs que nous sommes, soit au bord de la Baltique, soit au bord de la mer du Nord.

Une autre carte, qui a voyagé le 1er octobre 1912, a aussi attiré mon attention :

Tout en étant toujours imprimée en Allemagne, elle ne provient pas du même éditeur ni très certainement du même peintre, mais il ne m’étonnerait pas que ce soit exactement le même point de vue qui ait inspiré cet autre artiste. Les bateaux sont très ressemblants comme l’est aussi le duc d’Albe, sur la gauche. Un jour où il y avait davantage de vent et où la mer était presque formée. Malheureusement, une fois encore, cette carte, comme toutes les précédentes, ne donne aucun renseignement sur la localisation de l’endroit représenté.

 

Les auteurs de ces cartes allemandes légendées Arcachon, tant l’éditeur que les artistes qui les ont illustrées, ne nous trompent pas que sur le panorama, les couleurs, l’ambiance de notre rivage. Ils ne connaissaient pas Arcachon et ne devaient connaître des stations balnéaires que les allemandes situées sur la mer du Nord ou la mer Baltique. Lesquelles transparaissent peut-être de façon subliminale, dans ces œuvres venues d’ailleurs alors qu’elles étaient si différentes de ce que pouvait être Arcachon dans les années qui précédaient la grande guerre.

Leurs différences, c’est ce que le docteur Godefroy Bardet nous explique, l’année même où l’Emile en vacances à Arcachon écrit à sa chère Madeleine, dans ses notes hydrologiques intitulées Stations de France et Stations d’Allemagne :

« Il est intéressant de connaître la vie ordinaire des plages allemandes, car elle diffère essentiellement de ce qui se passe chez nous et cela est très utile à savoir, car si toutes les villes du littoral reçoivent, en plus des Allemands, un nombre considérable d’étrangers, en raison de l’excellence des aménagements, il faut convenir que l’existence n’a rien d’agréable en raison des mœurs très spéciales qui sont imposées par le caractère.

Il y a à Norderney une longue jetée de 175 mètres qui s’avance dans la mer, exposée aux vagues. C’est une sorte de lieu de cure où l’on envoie les enfants respirer l’embrun. On paie 10 centimes par personne pour ce bain d’air, de sorte que si la famille est nombreuse, c’est une petite somme à dépenser et beaucoup reculent devant cet impôt. Cette jetée, qui est à peu près le seul endroit pittoresque de Norderney, est fermée le soir, il n’est donc pas possible d’y aller rêver, si l’envie vous en prend.

Le bain est discipliné, on ne peut le prendre que de 7 heures à 2 heures de l’après-midi. Défense aux nageurs de s’éloigner du bord. Obligation de se servir des cabines pour se déshabiller, même si l’on possède une villa au bord de la mer. Le bain des hommes est complètement séparé, il n’y a pas de bains mixtes, défense absolue d’approcher à moins de cinq cents mètres du bain des dames.

Ces détails sont suffisants pour faire comprendre la gaieté qui règne sur les plages allemandes. Pas de bruit et si parfois un éclat de rire se fait entendre,  il cesse bien vite et surprend au milieu du calme glacial de ce singulier lieu de plaisir. La surveillance est perpétuelle et toute gaieté un tant soit peu excentrique est interdite. Dans les hôtels on voit affiché à la porte un règlement extraordinairement draconien. Défense, par exemple, de boire de la bière en mangeant au repas de midi. Par ordre, il faut boire du vin ou de l’eau.

A Borkum, on ne reçoit pas les juifs, ou ils sont si mal reçus dans les hôtels qu’ils n’ont qu’à prendre leur valise et à partir. S’ils persistent dans leur volonté de séjourner, les nationalistes allemands viennent chanter des complaintes injurieuses sous leurs fenêtres.

A Warnemünde, sur la Baltique, la vie n’est pas moins monotone, pas de promenades, on se traîne dès le matin dans les brasseries, qui possèdent toutes des orchestres et de là on va au restaurant pour revenir ensuite à la brasserie.

Boire, manger, dormir, telle est l’occupation forcée des baigneurs. Défense au peuple de se baigner, car pour avoir le droit de se tremper dans l’eau, il faut payer 50 pfennigs c’est-à-dire plus de 0 fr. 60.

Seuls, les étudiants ont une remise de moitié. Naturellement, l’homme du peuple, l’enfant du peuple pour lesquels le droit est beaucoup trop élevé, ne peuvent pas se baigner, il n’y a d’exception que pour les enfants qui séjournent dans les hôpitaux.

Il est évident que ces mœurs sont absolument fâcheuses. L’Allemand est la victime de la discipline à outrance qui est le tempérament de son gouvernement. Quand on est dans les villes, on ne s’en aperçoit pas trop, parce que la discipline crée l’ordre qui représente une chose certainement appréciable, mais quand on se trouve dehors et surtout dans les plages fréquentées, on maudit volontiers cette insupportable manie de conduire les hommes comme des moutons, à l’aide de chiens de berger qui les mordent aux jambes. Aussi devrions-nous tenir le plus grand compte de ce fait, car si nos plages étaient organisées scientifiquement, de manière à valoir celles de nos voisins, il n’y a pas de doute que tous les étrangers, qui fréquentent celles-ci, seraient heureux de venir prendre leur part de la gaieté et de la liberté dont on jouit dans nos stations[2]. »

Ces véritables goulags-sur-mer doivent toutefois être replacés dans leur contexte. En 1912, tant en France qu’en Allemagne, les bains de mer sont avant tout thérapeutiques. Ils ne deviendront ludiques que bien plus tard.

 

Revenons à l’ensemble formé de la seconde carte postale, légendée Arcachon, montrant des bateaux à voile et des deux autres que nous avons attribuées au même artiste peintre. Sur la troisième de ces cartes, plusieurs choses ont fini par m’intriguer. Les bateaux sont au mouillage sans que l’on ait ressenti la nécessité d’affaler les voiles. Sur la gauche apparaît un poteau-balise surmonté d’un fanal. Et il semble bien que dans la barque démâtée, au premier plan, le marin entretienne un feu à même son bateau.

Ce dernier point m’a donné envie de chercher s’il était possible de trouver un autre exemple de marins se comportant ainsi. Et j’en ai trouvé un. Encore une carte, représentant un tableau, mais cette fois pas une carte allemande, mais une carte italienne.

Où l’on voit des femmes dans un bateau arrimé à un duc d’Albe en train de faire cuire le repas sur un feu entretenu à même le fond du bateau. Et la carte, pour une fois, est légendée au verso : Venezia, notte ia laguna.

Mais c’est bien sûr !

Venise, nuit dans la lagune

Nous sommes à Venise et les bateaux sont des bragozzi. Le bragozzo étant à la lagune de Venise ce que la pinasse est au Bassin d’Arcachon. Ce sont deux bateaux traditionnels répondant au même cahier des charges : destinés à la pêche, très faible tirant d’eau pour pouvoir naviguer sur un plan d’eau présentant nombre de hauts-fonds, gouvernail articulé pour être facilement remonté et bateaux cependant capables d’affronter la haute mer.

Je n’ai pas mal fréquenté Venise, non pas comme touriste, mais dans le cadre de mes activités professionnelles. Mais je ne garde pas le souvenir d’y avoir jamais rencontré un de ces bateaux typiques.

La carte légendée Arcachon représente donc, en fait, une vue de la lagune de Venise.

On aurait pu craindre pire.

Ce n’est pas la première fois qu’Arcachon est ainsi lié à Venise.

Déjà en 1872 était paru, dans la Tribune de Bordeaux, un roman feuilleton signé Marie d’Agiez et intitulé Venise et Arcachon, Histoire d’une tombe. Il avait été par la suite édité sous forme de roman sous le titre d’Hector dont un exemplaire dédicacé à Juliette Drouet est encore conservé à Guernesey, dans la bibliothèque d’Hauteville House, la maison de Victor Hugo.

Roman dans lequel il est dit :

« Arcachon n’était pas Venezia la bella, si lumineuse et si fantastique ; mais c’était quelque chose de mieux encore… »

Après lui, il faudra attendre le docteur Auguste Guillon qui, en 1875, dans ses Bains de mer des cotes de l’océan. Biaritz, Arcachon et Royan, leurs avantages respectifs, fera à nouveau un rapprochement opportun entre ces deux villes particulières parce que si attachantes : Venise et sa lagune, Arcachon et son bassin.

« Les maisons qui bordent [le Bassin], le grand hôtel et le château, représentent aussi en petit quelques-uns des palais de la ville des Doges, et montrent qu’Arcachon, pour hasarder déjà de belles constructions, compte aussi s’agrandir.

Venise n’avait pas commencé, en effet, avec plus de ressources[3]. »

Et puis, plus tard, il y aura le grand Gabriele d’Annunzio qui tiendra ces deux villes dans la même prédilection.

 

Quelle peut bien être l’histoire de ces cartes postales anciennes reproduisant des tableaux et légendées Arcachon alors que de toute évidence elles n’ont aucun rapport avec notre ville ?

Je n’en sais rien, mais je peux émettre une hypothèse.

Theodor Stroefer s’était concentré sur une niche du marché de la carte postale : la reproduction de qualité d’œuvres picturales. Qui dit qualité, entraîne forcément un prix de vente au détail plus cher. Il ciblait donc préférentiellement une clientèle de gens cultivés au pouvoir d’achat traditionnellement plus élevé.

Lorsqu’on édite une reproduction du Guernica de Picasso, du Christ de saint Jean de la Croix de Salvador Dali ou de la Joconde de Léonard de Vinci, on n’a pas besoin d’y ajouter une légende précisant le nom du peintre et le titre de l’œuvre.

L’acheteur sait ce qu’il achète.

Partant de ce principe, Theodor Stroefer se dispensait de légender ses cartes postales.

Mais avant la guerre de 14, il ne pouvait pas négliger le marché français où la carte postale était devenue un produit très recherché. Il avait dû l’aborder, soit au travers d’un représentant, soit de celui d’un grossiste, établi en France. Lequel devait avoir de la peine à écouler son stock du fait à la fois du prix de l’article et de l’originalité de l’œuvre représentée. Et il aura remarqué, par contre, qu’il devait faire face à une demande particulièrement soutenue pour les cartes de villes touristiques, ce qui devait être le cas pour celles de la ville d’Arcachon.

Au lieu de viser la clientèle des gens cultivés qui représente un marché par ailleurs assez limité, pourquoi ne pas privilégier la clientèle des ignorants qui ouvre sur un marché beaucoup plus vaste ?

Il lui suffisait de sélectionner les cartes représentant un bord de mer, un petit passage à l’imprimerie pour y ajouter le nom d’Arcachon et le tour était joué.

Il ne semble pas avoir été très difficile, par exemple, de berner le conseiller du Commerce Extérieur.

Ce n’est qu’une hypothèse et je ne suis sûr de rien.

Mais Theodor Stroefer et sa maison d’édition jouissaient d’une réputation de sérieux incontestable et incompatible avec une combine pareille. On ne l’imagine pas prendre le risque de la dévaluer même si à cette époque, la défense du consommateur était inexistante. Il est fort probable que Georg Michael Meinzolt, comme son confrère resté anonyme, soient morts sans savoir qu’il leur était arrivé de peindre le Bassin d’Arcachon.

Au vu de la rareté de ces cartes, cette pratique ne paraît cependant pas avoir porté ses fruits.

Elle montre toutefois que le nom d’Arcachon était commercialement un plus dont nous pouvons être fiers. Et après tout, ce nom était mis en valeur par ces cartes que finalement je trouve personnellement plutôt jolies.

      à Christel Haffner-Lance qui a su me donner envie de regarder les tableaux…

 

                                                                                                                             Paris, 28 décembre 2020.

                                                                                                                     Jean-Pierre Ardoin Saint Amand

 

[1] Annie et François Baudet, Nouvelle Encyclopédie Illustrée Internationale de la Carte Postale, volume 2, Edition Joël Garcia – Trouvailles, 1980, p. 228.

On ne consulte pas cette encyclopédie internationale comme on cherche un mot dans un dictionnaire quelconque. Annie et François Baudet ont un fils, Yann Baudet, qui en 1992 s’était proposé, pour 300 000 francs, d’aider une dame, de l’âge de sa mère, impatiente d’hériter de son mari. Lequel avait souscrit une assurance-vie dont le montant était doublé en cas de décès dû à un accident de la route. Yann Baudet, au volant d’une voiture volée, n’avait pas hésité, avant de s’enfuir, à culbuter nuitamment le mari qui rentrait tranquillement du travail en vélo. Le cycliste avait survécu et avait été transféré à l’hôpital où sa femme avait tenté, à son tour, de l’assassiner en tripotant sa perfusion. Sans succès. Finalement de retour chez lui, sa femme têtue avait enfin réussi à l’étouffer à l’aide d’un oreiller.

L’affaire avait transpiré, la justice s’en était mêlée et Yann Baudet eu égard à son jeune âge, il était encore mineur, n’avait été condamné qu’à cinq ans de prison.

Malheureusement quand on est un âne, c’est pour la vie. Et six ans plus tard, avec la complicité de sa mère, Yann Baudet assassinera son père, François Baudet, co-auteur de cette encyclopédie. Là encore, des indiscrétions finiront par mettre la puce à l’oreille de la police et Yann Baudet, en 2007, sera condamné à 27 ans de prison dont les 2/3 incompressibles, quand sa mère, Annie Baudet, n’écopera que de 22 ans pour complicité. Cela fait toujours froid dans le dos de lire, à la page 17 de cette encyclopédie, Annie Baudet présenter, à ses amis lecteurs cartophiles, ses respectueuses salutations.

 

[2] Dr G. Bardet, Notes Hydrologiques, Deuxième série, Stations de France et Stations d’Allemagne (Etude comparée), Octave Doin et Fils, Paris-1912, p. 24-27.

[3] Dr Guillon, Bains de mer des cotes de l’océan. Biaritz, Arcachon, Royan, Leurs avantages respectifs, Adrien Delahaye, Paris-1875, p. 21.

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Aimé

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