Au 38 avenue du Médoc à Lège.
Construite en 1914 pour fabriquer des caisses de bois, en 1923, Henry Baronnet-Frugès (1879-1974), fils d’industriel et passionné d’architecture, qui vient de prendre la direction des usines familiales et de la raffinerie bordelaise de sucre Frugès, 32 quai Sainte-Croix, rachète la scierie Henri Guérin (maire de Lège de 1881 à 1919 ; l’usine se trouve à l’emplacement actuel des sapeurs-pompiers) afin de fabriquer des caisses pour le conditionnement du sucre de canne.
Lors de la crise économique de 1929, suite à la faillite des raffineries Frugès (reprises par Beghin-Say), la scierie et le lotissement sont rachetés par la famille Darbo originaire des Landes et propriétaire d’une scierie à Liposthey. « Mon grand-père avait une scierie à Liposthey. Quand l’usine Frugès a été à vendre, il l’a rachetée et a regroupé les deux » explique son petit-fils Jean-Jacques Darbo, actuellement directeur de la Maison de retraite Saint-Dominique à Arcachon (son épouse Martine, née Beyneau, est à l’origine de l’inscription du site du lotissement Le Corbusier aux Monuments historiques). Au départ, la scierie Darbo fait des caisses, « pour le lait Gloria en Suisse ». L’usine est agrandie en 1940. Après la guerre, époque de « reconstruction », elle continue dans le parquet-lambris. L’usine Darbo est une très importante scierie ; l’entreprise compte une cinquantaine d’ouvriers entre les années 60 et 80, jusqu’à la crise du pétrole. De nombreux ouvriers sont logés par l’employeur (quelle belle époque !) dans ces maisons construites par le Corbusier, juste en face de l’usine. Vu la particularité des habitations avec toit terrasse, la cité prend le nom de « quartier marocain ».
À l’époque, chaque village du Bassin a trois ou quatre usines à bois ; Lège en compte six. Darbo est la plus importante, puis Goubet, qui compte une vingtaine d’ouvriers, et les autres, avec 3 ou 4 « compagnons », Meyre, Jogeix, Couteau et Dantès. Lège a aussi 4 ou 5 épiceries, 4 ou 5 bars, 3 boulangeries, dont « une en face de l’usine ».
Le 19 mai 1945, au cours de l’installation du conseil municipal, c’est Daniel Darbo qui est élu maire à la majorité absolue au 1er tour, encadré par Robert Gayet et Joseph Lacaze, ses 1er et 2nd adjoints. Le 20 juillet 1945, François Augustin « Daniel » Darbo 1894-1965 interdit le nudisme sur les plages de sa commune. En 1955, Jean Noël Noyre, coiffeur à Bordeaux, aménage une grange en maison d’habitation sur un terrain qu’il a acquis au pied de la Dune des Journalistes à Claouey. Il y fait construire une piste de skating, une grande dalle en ciment et un circuit tout autour de sa maison ; la « piste rose » est inaugurée le dimanche 22 juillet 1956 à 14h30 par Daniel Darbo, maire de Lège.
En 1950, la machine à vapeur assure le fonctionnement des machines et fournit l’électricité.
Les raisons de la baisse d’activité ? « On ne pose du lambris qu’une fois », répond Jean-Jacques Darbo, « plus la concurrence des supermarchés, qui cherchent à avoir les prix les plus bas ». Surtout, l’usine Darbo connaît trois incendies, à chaque fois à 1 an d’intervalle et dans la nuit bien sûr, et même le départ d’un quatrième, décelé avant qu’il ne fasse des dégâts ! À chaque fois, il faut un an pour reconstruire et redémarrer, souvent dans de mauvaises conditions. Le troisième « a tout détruit » : en 1960, à la suite de cet incendie, l’usine est reconstruite avec de nouveaux bâtiments. Les gendarmes ont arrêté l’incendiaire. Jean-Jacques Darbo a donc toutes les raisons de penser à des incendies criminels ! Les grands-parents de Jean-Jacques Darbo habitent la maison située au 38 avenue du Médoc. Vers la fin des années quatre-vingt, la maison est acquise par la mairie. Elle est coupée en deux appartements à peu près identiques, comprenant chacun une entrée, une grande pièce, une cuisine et deux chambres. Le second appartement, à peine un peu plus grand, était encore occupé récemment (2018). La maison est aujourd’hui, entièrement affectée au “vestiaire” du Comité d’entraide
L’entreprise cesse son activité entre 1986 et 1988. Elle est reprise par le groupe Suisse (ou Suédois ?) I.T.C. qui crée la S.A. Bois industriels pour faire des palettes. Selon la volonté de la préfecture et pour raisons financières, la mairie de Lège-Cap-Ferret rachète l’ensemble, le lotissement Le Corbusier étant détaché des terrains, et loue le reste à l’entreprise, « usine relais », « avec une clause résolutoire », précise Jean-Jacques Darbo : si elle ne payait pas au bout d’1 mois seulement, la mairie récupérait tout. Ça a duré « 1 an ou 2 ». Le problème est venu d’une grève des impôts, qui a duré plusieurs semaines, et qui n’ont donc pas pu lui rembourser la TVA, amenant un « défaut de trésorerie », puis un dépôt de bilan : la société Bois Industriels S.A. est fermée le 26 janvier 1998. Certains terrains sont gardés par les héritiers, dont une partie vendue à des particuliers et à la commune. Les terrains occupés par la scierie sont aujourd’hui devenus la caserne des pompiers et des logements de fonction. Le troisième hangar, entièrement refait après le troisième incendie, est le bric-à-brac du Comité d’entraide.